« On croyait savoir que l’histoire était apparue, en Grèce, avec la démocratie. On peut vérifier qu’elle disparaît du monde avec elle. »
Guy Debord, Commentaires sur la société du spectacle (1988)
Depuis septembre, j’ai acheté seulement deux livres sortis dans l’année. L’un est vendu par l’éditeur pour un roman, dont je suis parvenu, en me forçant, à lire seulement vingt pages (je l’offre à qui veut, n’ayant pas de cheminée) ; l’autre, un récit dont je tenterai plus tard peut-être de dire quelques mots. Lire un roman contemporain est aujourd’hui une chose qui, a priori, ne m’intéresse pas du tout ; dois-je en conclure que ma passion pour les imbéciles s’éteint ?
Je m’amuse donc à lire Machiavel, notamment ses Discours sur la première décade de Tite-Live, un livre qui, bien mieux qu’un Emmanuel Todd par exemple, permet de comprendre notre monde, et la condition sous-impériale qui est celle de notre pays… Ce qui m’amuse moins, c’est qu’il est apparemment impossible de mettre la main sur une édition en poche de l’Histoire romaine de Tite-Live (restent donc les admirables Budé bilingues des Belles Lettres, en plus ou moins 34 tomes, certains tomes étant en deux volumes, et chaque volume tournant en gros autour des 30 ou 35 euros).
J’ai tendance à me dire, quitte à me faire traiter de paranoïaque, que c’est précisément à cela – faire disparaître les anciens et les classiques – que sert la fabrication massive de livres tout juste bons à brûler ! Pour quelle raison autrement publierait-on Bobin, Angot, Haenel, Pennac, Onfray ou BHL, j’en passe (et même des meilleurs…) ? La sous-littérature que nous calamitons à flux-tendu vers des pseudo-élites prêtes à accepter leur bolossage mérité (le mot bolo, dans l’argot de la racaille, dit en somme la vérité du mot bobo, puisqu’il substitue au diminutif de bohème celui de lopette) ressemble à certaines « discothèques » ordinaires que je connais : on n’y trouve presque rien dont la composition (le mot est risqué) date d’avant 1960…
« Il faut pourtant ajouter, à cette liste des triomphes du pouvoir, un résultat pour lui négatif : un Etat, dans la gestion duquel s’installe durablement un grand déficit de connaissances historiques, ne peut plus être conduit stratégiquement. »
Le même Debord, au paragraphe suivant.
Commentaires
Diantre ! me voilà confondu, je n'ai rien dans ma discothèque, si ce n'est la BO de Casino et un CD de classiques de musique classique, qui date d'avant 1960. C'est grave docteur ?
Ce n'est pas incurable, en tout cas...