En réponse à une internaute, suite à mon billet sur ce brave BHL :
Chère madame,
Vous me dites que j’exagère. Sans doute.
Mais c’est BHL, et non pas moi, qui, au moment de dire que la laïcité n’est pas une religion, trouve judicieux d’intituler son article : Les dix commandements de la laïcité.
A titre d’exercice, prenez les Dix Commandements de la Bible, notez-les, puis rayez ceux qui déjà n’ont plus du tout cours, ou ont tellement d’exceptions qu’ils sont sur la voie de la pure et simple caducité.
L’idée me vient d’ailleurs en vous répondant que peut-être la République ne veut pas autre chose – l’ignorerait-elle (et certes il ne faut pas compter sur des vendus à la BHL pour chasser les temples du marché, sans parler même de l’inverse…) – que la fabrication d’un grand marché global (à l’américaine) où toutes les soi-disant religions, ramenées toutes à leur plus petit dénominateur commun et toutes égales entre elles, sinon pas identiques, formeraient ensemble, et sous couvert de laïcité donc, un nouveau polythéisme – athéisme et agnosticisme inclus – s’hybridant sans cesse, dont les piliers seraient les anciens monothéismes relativisés et, comme je le disais hier, « démilitarisés ». Les fidèles, plutôt attachés à telle divinité, pourraient de temps en temps, selon les occurrences, dont certaines seront bien vite festivement et œcuméniquement conseillées, voire imposées, faire appel (ou rendre grâce ou ce que vous voulez) à telle autre n’appartenant pourtant pas à leur confession d’origine.
Un nouveau paganisme, en somme.
Lequel se trouve être, selon moi, le fantasme originel de la prétendue laïcité. La République nous revient tout droit de la Rome païenne, et la démocratie de la Grèce polythéiste (dont je ne nie bien évidemment pas les apports immenses par ailleurs). Il s’était agi, en somme, et ce mouvement avait innocemment débuté à la Renaissance, de revenir avant le christianisme…
Fantasme qui, au vu de notre époque merveilleuse, est devenu déjà son utopie, puis son idéologie, et dont la réalisation désastreuse semble en cours.
Le retour en somme de Fabre d’Eglantine et de son calendrier révolutionnaire débile, version XXI° siècle.
Et certainement aussi, de la Terreur.
Car bien sûr rien de tout cela ne tiendra.
Toute considération partisane à part, la République est bien trop faible pour tenir dans la réalité son fantasme.
Oui, Malraux avait raison, qu’il ait effectivement dit cette phrase ou non : « Le XXI° siècle sera religieux ou ne sera pas ». Mais je suis tenté d’entendre religieux ici au sens de René Girard, pour qui le christianisme justement est une sortie de la religion, c’est-à-dire au sens du religieux archaïque et de la violence mimétique, de la montée aux extrêmes et de la réconciliation de ces extrêmes sur un bouc émissaire ; religieux au sens de ce qui, paradoxalement, niant la Révélation déclenche l’Apocalypse.
Religieux au sens de pas chrétien. Au sens : d’échec de la Paix.
Le XXI° siècle (après Qui ?), en somme, est religieux et il ne sera pas.
Cordialement, etc.