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Religion - Page 2

  • 18. Faiblesse

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    Il lui semblait pourtant logique qu’une société qui affecte au désir et à la consommation une valeur seulement positive ne puisse finalement que détruire ses propres structures et institutions ; que les sujets d’une telle société soient toujours plus désarrimés de la raison, malades, et non seulement malades mais enorgueillis à l’extrême de cette maladie qui les verrait bientôt abolir en son nom toute discrimination entre eux-mêmes et les choses. C’est toute une société qui demande à disparaître, et jouit de disparaître. Elle disparaîtra donc. Par violence ou par ruse, elle sera remplacée par une autre, sûre de ses lois et de ses châtiments, et qui ne paraîtra archaïque qu’à ces affaiblis-là, dont il était. Et il se demanda pour qui il travaillait réellement. Et la réponse le fit franchement marrer.

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

  • Loi

    Disposer librement d’un monde tout en ayant le mépris de ses lois. L’acte qui impose la loi. Bonheur de cette fidélité à la loi.

    Mais il n’est pas possible de n’imposer au monde que la loi, tout restant comme par le passé, tandis que le nouveau législateur serait libre. Ce ne serait pas là une loi, mais un acte arbitraire, séditieux, une condamnation de soi-même.

     

    Kafka, Journal, 1° novembre 1921, traduction Marthe Robert

     

     

    Tel est, depuis quelques jours, et si la formule n’est pas trop forte pour mes capacités, mon objet de méditation dramaturgique.

    C’est tout.

     

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  • Malraux est grand et BHL n'est pas sur la photo

    En réponse à une internaute, suite à mon billet sur ce brave BHL :

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    Chère madame,

    Vous me dites que j’exagère. Sans doute.

    Mais c’est BHL, et non pas moi, qui, au moment de dire que la laïcité n’est pas une religion, trouve judicieux d’intituler son article : Les dix commandements de la laïcité.

    A titre d’exercice, prenez les Dix Commandements de la Bible, notez-les, puis rayez ceux qui déjà n’ont plus du tout cours, ou ont tellement d’exceptions qu’ils sont sur la voie de la pure et simple caducité.

    L’idée me vient d’ailleurs en vous répondant que peut-être la République ne veut pas autre chose – l’ignorerait-elle (et certes il ne faut pas compter sur des vendus à la BHL pour chasser les temples du marché, sans parler même de l’inverse…) – que la fabrication d’un grand marché global (à l’américaine) où toutes les soi-disant religions, ramenées toutes à leur plus petit dénominateur commun et toutes égales entre elles, sinon pas identiques, formeraient ensemble, et sous couvert de laïcité donc, un nouveau polythéisme – athéisme et agnosticisme inclus – s’hybridant sans cesse, dont les piliers seraient les anciens monothéismes relativisés et, comme je le disais hier, « démilitarisés ». Les fidèles, plutôt attachés à telle divinité, pourraient de temps en temps, selon les occurrences, dont certaines seront bien vite festivement et œcuméniquement conseillées, voire imposées, faire appel (ou rendre grâce ou ce que vous voulez) à telle autre n’appartenant pourtant pas à leur confession d’origine.

    Un nouveau paganisme, en somme.

    Lequel se trouve être, selon moi, le fantasme originel de la prétendue laïcité. La République nous revient tout droit de la Rome païenne, et la démocratie de la Grèce polythéiste (dont je ne nie bien évidemment pas les apports immenses par ailleurs). Il s’était agi, en somme, et ce mouvement avait innocemment débuté à la Renaissance, de revenir avant le christianisme…

    Fantasme qui, au vu de notre époque merveilleuse, est devenu déjà son utopie, puis son idéologie, et dont la réalisation désastreuse semble en cours.

    Le retour en somme de Fabre d’Eglantine et de son calendrier révolutionnaire débile, version XXI° siècle.

    Et certainement aussi, de la Terreur.

    Car bien sûr rien de tout cela ne tiendra.

    Toute considération partisane à part, la République est bien trop faible pour tenir dans la réalité son fantasme.

    1606362721.jpgOui, Malraux avait raison, qu’il ait effectivement dit cette phrase ou non : « Le XXI° siècle sera religieux ou ne sera pas ». Mais je suis tenté d’entendre religieux ici au sens de René Girard, pour qui le christianisme justement est une sortie de la religion, c’est-à-dire au sens du religieux archaïque et de la violence mimétique, de la montée aux extrêmes et de la réconciliation de ces extrêmes sur un bouc émissaire ; religieux au sens de ce qui, paradoxalement, niant la Révélation déclenche l’Apocalypse.

    Religieux au sens de pas chrétien. Au sens : d’échec de la Paix.

    Le XXI° siècle (après Qui ?), en somme, est religieux et il ne sera pas.

     

    Cordialement, etc.

  • Le gai savoir, par Friedrich Nietzsche

     

     

    A l’honneur des « homines religiosi ».

      La lutte contre l’Eglise est sans doute entre autres aspects – car elle signifie mille choses diverses – la lutte des natures plus vulgaires, plus légères, plus confiantes, plus superficielles contre la domination des hommes plus graves, plus profonds, plus contemplatifs, c’est-à-dire plus méchants et plus méfiants, qui furent longtemps à scruter avec une suspicion profonde la valeur de l’existence comme aussi leur propre valeur : le vulgaire instinct du peuple, sa joie sensuelle, son « bon cœur » s’insurgèrent contre eux. L’Eglise romaine tout entière repose sur la suspicion méridionale à l’égard de la nature humaine, et qui dans le Nord prêta toujours au malentendu : suspicion qui constituait pour le Midi européen l’héritage du profond Orient, de l’antique et mystérieuse Asie et de son esprit de contemplation. A lui seul le protestantisme est un soulèvement populaire en faveur des braves gens, ingénus, confiants, superficiels (le Nord montre toujours plus de bienveillance et de platitude que le Midi) ; mais ce fut la Révolution française qui remit enfin solennellement et sans réserve le sceptre au « brave homme » (au mouton, à l’âne, à l’oie, en un mot à tout ce qui est d’une irrémédiable platitude, à tout ce qui braille, qui est mûr pour la maison de fous des « idées modernes »).

    Nietzsche, Le gai savoir, fragment 350, traduction de Pierre Klossowski.