Poème - Page 10
-
Jeu
-
De la lecture
Voici l’image la plus nette de l’état de damnation, sous la plume de l’errant chérubinique :
« Vraiment pauvre est celui qui ne tend plus vers rien.
Que Dieu même se donne à lui, il ne Le prend. »
On m’objectera que, dans l’esprit de Silesius, il n’y a là rien d’autre que la nécessité extatique d’abolir, pour trouver Dieu, toute volonté propre. Rien d’autre encore qu’un paradoxal distique dont l’énormité de la proposition, en offrant à l’esprit du lecteur l’ascension du rugueux avers de la déraison, veut suspendre le fade processus de cristallisation de son contraire, et faire souffler sur la raison le vent froid de la folie.
Juan Asensio, La Chanson d’amour de Judas Iscariote
-
Le Boucher de soi
Je ne diffère pas tellement du vomi
M’a-t-on appris à l’autre école
Il faut bien que je me cherche là-dedans
Pour devenir célèbre
-
59. Autoportrait (photographie retouchée)
Ses colères ne sourdaient presque plus. Elles étaient maintenant suivies de moments de grand calme. Pour donner le change, il se défoulait en imprécations préparées, toutes artificielles et fausses, auxquelles il tenait beaucoup ; il y défendait avec véhémence divers arguments de longtemps réfutés. Mais cela aussi devait demeurer rare. Il n’aimait plus réellement que les paysages et il ne lui était pourtant plus très nécessaire de les voir. Une dernière question lui vint, qu’il chassa.
-
54. Instants
Il est tout en haut du gratte-ciel.
Il va sauter.
Hésite.
Saute.
Déjà il regrette.
Il voudrait remonter.
Voudrait n’avoir pas sauté.
Trop tard.
Accélération terrible.
Regrets aussi.
Il n’atteint jamais le sol.
Le sol à toute vitesse se creuse.
Se refuse.
Aucun impact.
Anonyme (2007)
Votre interprétation nous intéresse. Les commentaires sont fermés.