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Christianisme - Page 2

  • La littérature, combien de divisions ?

     

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    Jed Martin a son galeriste, Michel Houellebecq son éditeur, il leur arrive la même chose, le succès, l'argent, puis le couronnement (qui n'est pas d'épines, quoique, allez savoir) - lequel est toujours le fait, en gros, de spéculateurs et d'affairistes, plus ou moins gros potentats. Le bandeau du Goncourt ne rendra son roman ni meilleur ni pire. Rien à cette heure, je crois, ne dit que cet argent ne permettra pas à l'auteur d'aller loin des mondanités écrire dans le silence un prochain livre meilleur ou pire. Après quoi, les pom-pom girls de circonstance sont un peu agaçantes, très à côté de la plaque, et le triomphe un bon brin vulgaire, c'est-à-dire d'époque, de Sorin parle surtout de lui.

    Commentaire laissé hier soir sous ce billet à propos du Goncourt 2010 et de son attribution à La carte et le territoire (Flammarion), sur Stalker, et que j’ajoute à ce fatras qui suit, composé de fragments de notes et courriers, d’où le disparate, entre 2008 (ce billet) et la semaine dernière…

     

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    L’art sert toujours le pouvoir et lorsqu’on ne sait plus où est le pouvoir, regarde donc où l’art, quoi qu’il dise, est allé nicher bien au chaud sa gueule de bréhaigne. Il ne sert plus Dieu ni le Pape ni le Roi ni l’Empire ni la République ni l’Etat ou sa dégénérescence l’Administration, il sert directement l’Argent ; et comme cette abstraction sans yeux ni couilles qu’il est devenu ne veut même pas le savoir, ça lui ferait mal au trou, il se prétend lui-même Dieu et que c’est tout le reste du monde, dont l’Argent, qui le sert, lui, l’art en peau de balle ; c’est bref une pauvre idole dans un monde qui dégueule d’idoles de partout. Et il se trouve des gogos pour gober cette fatrasie de bas étage – tu me diras que les moins cons sont payés pour gober, d’accord.

     

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    Peut-être peut-elle parfois, rarement, les dépasser mais je ne vois pas du tout par quel tour de magie, sauf à tout rendre littéralement illisible, la littérature pourrait s’affranchir de la propagande et du divertissement. « Le roman est un genre faux » dit Ducasse ; il semble en effet dans sa nature de faire semblant de ne pas faire ce qu’il fait – il répondra peut-être que là et nulle part ailleurs est son art…

     

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    Si tu penses que la littérature française est à l’agonie, et qu’elle va longtemps encore agoniser comme ça, simplement à force de vendre des livres et maintenant des fichiers, regarde plutôt comment elle a commencé (c’est peut-être important de se souvenir comment ont commencé les choses qui meurent) :

     

    Le roi Charles, notre empereur, le Grand, sept ans tous pleins est resté dans l’Espagne : jusqu’à la mer il a conquis la terre hautaine. Plus un château qui devant lui résiste, plus une muraille à forcer, plus une cité, hormis Saragosse, qui est sur une montagne. Le roi Marsile la tient, qui n’aime pas Dieu. C’est Mahomet qu’il sert, Apollin qu’il prie. Il ne peut pas s’en garder : le malheur l’atteindra.

    Traduction de Joseph Bédier. La Chanson de Roland, laisse 1

     

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     Dans la radio, un journaliste dit qu’on tue en Irak des chrétiens. Il a l’air de complètement s’en foutre. Ils n’avaient qu’à se convertir aussi, ces cons-là. Je ne comprends décidément pas que tout le monde ne veuille pas comme nous devenir des plurien. Et toi plus moi plus eux plus tous ceux qui le veulent / plus lui plus elle plus tous ceux qui sont seuls / allez, venez et entrez dans la danse / allez, venez et laissez faire l’insouciance… couine à présent dans le poste un prénommé Grégoire dans une belle hymne (au féminin, car c’est très sirupeux de religiosité neuneue) au nihilisme à la con mais un poil conscient de lui-même – à tel point que je me demande une seconde si ce n’est pas Yannick Haenel qui a écrit ces belles paroles.

     

    Ganelon et Blancandrin sont là, ils sourient.

     

     


     

     

  • Banalités

     

     

     

     

     

     

    Souvent – parfois ne serait pas assez –, marchant au hasard de la ville et de ses rues, des bribes de dialogues, étrangement désarrimées de toutes personnes, personnages ou même visages, flottent dans ma tête. (Peut-être que j’entends leurs voix, ou bien leur prête mentalement la mienne ; quoiqu’il me semble parfois songer à des voix féminines… Non, je ne suis pas cinglé, merci.)

    Celle-ci, par exemple, l’autre jour :

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  • En passant... géopolitique à la con

    – Quel est le premier travail d’un auteur dramatique, aujourd’hui ?

    – Si l’on ne considère pas que le premier travail aujourd’hui consiste à soigner son réseau, ce qui est aussi imbécile que courant, et conséquemment de se rendre à telle globalisation réticulée qu’il sera de bon ton par ailleurs de faire semblant d’attaquer afin de fourguer à icelle sa camelote, le premier travail d’un auteur dramatique, comme toujours, est de défendre, et partant : de comprendre, si possible au sens étymologique, les plus grands parmi ceux qui l’ont précédé, c’est-à-dire, pour le Français que je suis, les dramaturges du dix-septième siècle français, lesquels quant à leurs sources littéraires renvoient directement aux Grecs et à la Bible pour les tragédies, à Aristophane, Plaute et Terence pour les comédies, quant à leurs sources politiques aux conditions ayant permis l’émergence de l’Etat moderne, celui-là même, démocratie ou pas, qui agonise sous nos yeux. Le second travail, pour anticiper sur une autre question, consiste à repérer, dans d’autres histoires nationales, le sommet théâtral, s’il est, et à tenter également de le comprendre : il y a donc le bref moment grec et le fatras latin duquel émerge en surplus des comiques susmentionnés seulement Sénèque, puis après un grand vide restant à comprendre vraiment, les mystères médiévaux à compter du XII° siècle, le Siècle d’or espagnol, le théâtre élisabéthain – Shakespeare avant son règne planétaire ! – et le dix-neuvième allemand… Pas tant de livres, somme toute. Le cas du XX° siècle est plus épineux, pas seulement parce qu’il est proche : il apparaît déjà très éclaté, s’arrachant des terreaux nationaux pour accéder, de Tchekhov à aujourd’hui (notez le vague), à un mode de rivalité internationale qui va de plus en plus faire fi des singularités poétiques ; c’est aussi, plus clairement, le moment historique de la disparition à vue du poème dramatique chrétien, Pasolini et Genet inclus par exemple, et partant, l’histoire du théâtre européen étant ce qu’elle est, le moment de la disparition du théâtre lui-même (Claudel en ce sens étant l’ultime miracle français) au profit de formes spectaculaires intrinsèquement nihilistes et ne désirant plus que pour elle-même leur folle montée aux extrêmes, au moins pour les pays qu’une telle référence chrétienne indispose fortement, ce qui exclut certainement la Russie et peut-être, mais je suis circonspect, l’idée religieuse n’y étant plus guère qu’une formalité obligée, comme un label apposable sur tout et n’importe quoi, les Etats-Unis… De ce point de vue, le théâtre du XX° siècle – et le XX° siècle avec lui – finit dans les années 1960 et toutes les tentatives depuis, aussi nombreuses soient-elles, sont autant d’échecs à le réanimer, échecs dûs sans doute à la volonté d’inversion généralisée cherchant à utiliser une forme à autre chose que ce pour quoi elle est faite ; d’où vient que l’historiographie « officielle » du théâtre, depuis, ne peut plus guère aligner qu’une légion assez insignifiante de noms de metteurs en scène…