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Tout faut - Page 6

  • Thrène

     

     

    La première des cinq pièces de ce roman qu’est Tout faut, s’appelle Dans les Provinces de l’Ennui. Y revient quelquefois ce refrain, colère plus que douleur, ou selon les moments l’inverse :

     

     

    Oh little child

    You gonna die

    And we’ve got no more weapons for you

     

     

    Je n’avais jamais pensé à isoler ces trois pauvres lignes sur Theatrum mundi.

    C’est vous dire si je suis en forme.

     

    D’une humeur à aimer le mot : thrène.

    Et pourtant, c’est une espèce de gospel que j’entends.

    Ou Nick Cave…

     

    J'ai fredonné ça en boucle, des jours.

    En l'an de grâce 2005.

     

    Whisky. Cigarette.

  • Une note de répétition

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    Pour la Santé divinisée, la pornographie fait office de miracle. Les miracles, comme tout le reste aujourd’hui, sont de masse.

     

    [Les photos représentent Lucie Boscher (dans le rôle de L'hystorienne) et Arnaud Frémont, dans une version depuis abandonnée d'Ubu Propre (révisionnisme citoyen) dans Pour une Culutre citoyenne ! de Pascal Adam. Les photographies sont d'Alexandre Viala.]

  • Vivre tue

    Je livre ici ce texte, écrit en 2005, qui sert de préface (étrange préface, je l’admets) au premier texte de Tout faut : Les Provinces de l’ennui. J’aurais pu l’actualiser un peu, mais j’ai préféré ne pas.

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    Je voudrais dire, tranquillement, que cette préface ne parle ni du théâtre en général ni de cette pièce en particulier. On peut donc, sans dommages pour la lecture, la passer. Mais comme c’est une préface pour rire, et que ce n’est pas si courant, on peut aussi la lire. Et peut-être éclairera-t-elle un peu la lecture de la pièce, on ne sait jamais.

     

    Sur mon paquet de cigarettes, il est écrit :

    Les fumeurs meurent prématurément.

    Prématurément par rapport à quoi ? me disais-je. Cela doit tout simplement vouloir dire : plus tôt que la moyenne.

    Ecrire cela, ce slogan archi-indiscutable depuis que la vérité est devenue statistique, c’est vouloir convaincre les gens qu’il serait mieux, qu’il serait préférable qu’ils vivent plus vieux.

    Mieux ou préférable pour qui, on ne le saura pas.

    Mais ça a l’air d’aller de soi.

     

    Ce qu’on peut entrevoir, peut-être, sous ce slogan, c’est l’idée bénéfiquement égalitaire qui le supporte.

    Une moyenne est un calcul, on le sait.

    Mais idéalement, égalitairement, une moyenne ne devrait même plus être un calcul, fût-il simple. On devrait pouvoir s’épargner tout calcul. Une moyenne devrait être lisible d’emblée, sans calcul, car idéalement, égalitairement, tout le monde devrait mourir au même âge. Les femmes, les hommes, les  enfants, les ouvriers, les patrons, les chômeurs, les vieux, les cons. Tout le monde.

    C’est formidable, une telle idée.

    Tout le monde crèverait littéralement au même âge très tardif (mais tardif par rapport à quoi ? ne nous posons pas la question) parce que tout le monde vivrait de façon rigoureusement identique et que les aléas biologiques, foncièrement inégalitaires, seraient corrigés par la science, la médecine, la prévention flico-routière et par un feu roulant d’interdictions législatives.

    Pour commencer par le plus simple, on a déjà fait en sorte que tout le monde pense et dise la même chose ; ou plutôt que tout le monde répète le même discours public, celui-là même qu’on nous perfuse constamment à longueur de réseaux surciviques et qui n’est rien d’autre, au fond, qu’une injonction létale.

    Je pensais donc à tout cela, et pour tout vous dire, je m’égarais quelque peu. J’alignais des arguments qui, pour donner une idée assez juste de l’imbécillité totalitaire aujourd’hui au pouvoir, ne pensaient pas plus loin que cette dernière : je découvrais les arguments de l’adversaire et, tout à cette découverte, j’omettais tout bonnement, donc, de les penser.

     

    Non, non, c’est philosophiquement qu’il faut aborder ce slogan.

    Les fumeurs meurent prématurément.

    En faisant à cette époque hautement analphabète le crédit d’un néologisme supplémentaire, cela veut dire :

    Les non-fumeurs meurent maturément.

    En somme, donc, les fumeurs sont des prématurés de la mort, tandis que les non-fumeurs, eux, meurent à terme.

    La vie les accouche de la mort au bon moment.

    Ah, mais c’est qu’on est bien au-delà des moyennes, ici, voyez-vous.

    Le non-fumeur – sinon lui-même l’idée du moins qu’en a le pouvoir – est celui qui est prêt pour la mort à tout moment.

    Il est mûr. Toujours prêt.

    Le non-fumeur, toujours selon le pouvoir, est l’archétype du bon citoyen. C’est le scout absolu du civisme.

     

    Dans ce cas, le pouvoir – quel qu’il soit concrètement : Etat ou Europe – n’est rien moins que la Sage-Femme de la Mort. Laquelle, antérieurement à cette naissance invertie qu’est désormais la mort, prodigue à la femme-enceinte-de-la-mort qu’est tout individu de judicieux conseils préventifs, et publicitairement présentés sous forme de slogans indiscutables.

    Tout est inversé, un peu à la manière du 1984 d’Orwell.

    La mort c’est la vie.

    Et la vie concrète le suivi gynécologique permettant d’accoucher à terme de la mort.

     

    L’interdiction à venir de ce que les porcs du pouvoir nomment parfois l’addiction tabacologique, ou plus concrètement l’interdiction de fumer, trahit, comme tout ce qui aujourd’hui éradique le négatif en le criminalisant, cette inversion de la polarité de la vie, le retour de la mort comme égalité et comme matriarcat.

    Hop.

     

    Bref, non seulement le ventre est encore fécond, mais il est plein : et il usine, triomphalement. C’est le progrès.

     

     

  • Mission de sévice public

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     Dans le hall aseptisé d’un théâtre tout neuf. (En bonne logique, ce n’est pas seulement sa culture qui disparaît, c’est l’honnête homme lui-même.)

    LE POÏETE, distrait par nécessité et prenant une brochure. – Tiens, qu’est-ce qu’il y a cette semaine sur M6 ?

    LE DIRECTEUR DU THEATRE, au fond plus fier que gêné. – Ah, non, non, ça, c’est le programme du théâtre.

    LE POÏETE. – Cool.

  • En-jeu (Pour une Culutre citoyenne !)

    Je livre ici un court texte introduisant à Pour une Culutre citoyenne !

     

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    EN-JEU

     

     

     

    Question

     

    A force de lire des programmes de spectacles, des plaquettes, des documents de saison, des magazines et des journaux (culturels ou non, ceux-ci), je me suis aperçu qu’ils parlaient tous la même langue truffée de termes flous qui se voudraient techniques ; et aussi qu’ils disaient, de tout, strictement la même chose.

    Et à la fin, à bien écouter tout ce laminage permanent, la différence entre ce que dit un texte de Racine et un concert de hip-hop n’est même pas minime : elle n’existe tout bonnement pas.

    Ce détestable fourre-tout qu’on appelle la culture est une simple construction idéologique capable d’inclure absolument tout – et aussi bien n’importe quoi. Ceux qui mettent en vente – ou en vante – leur marchandise culturelle savent seulement qu’ils doivent employer cette langue-là, qui garantit en somme leur production.

     

    Si la culture est bien cette idéologie, quel est son but ? Quel intérêt trouve-t-elle à égaliser et indifférencier tout ?

    Et surtout, sur quoi fait-elle fond ?

     

    C’est de tout cela que parle, non sans méchanceté je crois, Pour une culutre citoyenne !

     

     

    Remarque

     

    L’égalité de toutes les différences, qui d’un point de vue platement arithmétique est une aberration, est doublée de complications apparemment terrifiantes : certaines différences sont plus égales que d’autres…

    Mais bon, en gros, tout vaut tout. (Après quoi, toutes les nuances sont possibles, puisque toutes également infondées.)

    Si une égalité est une différence, et réciproquement, il devrait logiquement s’ensuivre que tous les mots sont synonymes.

    Conséquemment ils sont tous également inadéquats ; et inutiles.

    De sorte qu’on peut s’en passer.

     

    Il est ici question, je crois, d’un retour à l’indifférencié.

    Le langage opère par divisions ; par discriminations, dirait-on aujourd’hui. Et c’est par lui, avec lui et en lui, que l’humanité était sortie de l’indifférencié, de l’animalité ; et qu’elle était ainsi devenue précisément cela : l’humanité.

    Que ses agents le sachent ou non, c’est bien contre cela – l’humanité, en tant qu’elle est instituée – qu’est en lutte aujourd’hui la culture, institution désormais auto-immune.

    Voilà le nœud.

     

     

    Actualité

     

    La programmation imbécile du Festival d’Avignon 2005, par exemple, a logiquement donné lieu à un débat imbécile entre crétins culturels autorisés, qui opposerait de prétendues « dramaturgies non-textuelles » à de prétendues « dramaturgies textuelles ».

    Mais à l’idéologie qui indifférencie tout par inclusion, qu’il y ait ou non texte importe peu. (Après quoi chacun défend sa place dans le Château, son droit à être inclus, et c’est tout.)

    Tout ce qui ne prend pas directement pour cible cette idéologie demande en somme à être indifférencié ; à disparaître.

     

     

    Censure

    Silence.

     

    Novembre 2005