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  • [sans titre]

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    cela m'amuse assez mais

    quand j'ai ouvert ce blog, enfin sa première version, en 2007

    c'était pour arrêter d'écrire, quelle bonne blague quand j'y pense

    pour arrêter d'écrire

    la graphomanie est l'eczéma purulent de cette société d'images fausses et de consommation fétichiste

    pour arrêter d'écrire à côté

    et poser sur la toile, en désordre, ce qui venait

    selon l'actualité, les lectures, les coups de gueule

    et aussi pour conchier le milieu culturel qui n'est plus même assez signifiant pour mériter le mépris réel d'une personne sensée

    et aussi pour voir si ce bazar trouverait quelques lecteurs et en effet le quelques n'est pas de trop, mais enfin s'ils sont bons lecteurs, enfin prions

     

    sur le blog il y avait plusieurs lignes et je les découvrais à mesure qu'elles venaient et c'était amusant

    et j'essayais à côté de ne pas écrire, ou très peu, le moins possible

    écrire le moins possible une chose construite, sensée, arquée à la raison

    je n'y parvenais pas vraiment

    j'ai quand même commis quelques pièces, grillé mes avant-dernières cartouches dans un spectacle sur le milieu culturel, inventé un Yann-Henri Arthus-Lévy dans une commande sur la Françafrique et enfin, au sens de pour finir, inversé l'histoire d'Antigone

    faisant régner celle-ci et s'opposer à elle le vieux soldat Créon

    j'ai écrit ensuite quelques autres histoires aussi, une adaptation de La Barbe Bleue pour un plateau télé de bazar et un truc tout léger,  Le souverain, le diable et moi, c'était juste avant d'envoyer promener

    tout ce milieu d'authentiques génies et mes propres productions désuètes

    qui coûtaient de l'argent et rencontraient finalement moins d'audience que le bazar impensé que je balançais sur la toile au gré de mes humeurs donc

    et juste avant d'envoyer promener cette arnaque-là j'ai passé presque un an, oh avec des interruptions franchement immenses, à écrire les 1200 mots

    de cette courte pièce, ironique anecdote intitulée Une pièce parfaite que je me refuse à faire vraiment circuler

    c'est une pièce avec un homme et une femme et voilà bien tout ce qu'il y a à en savoir

    et du coup j'ai fait plusieurs métiers que je n'aurais pas appris si j'étais resté chez les crabes du cancer culturel

     

     

    avec un peu de recul je trouve ma prise de position initiale assez incohérente, ce qui ne m'étonne pas tellement au fond

    d'autant que maintenant je me suis mis à écrire à côté pour de bon et au moins ce ne sera pas

    du théâtre, pas

    un roman, pas

    un poème, pas

    un essai, et le reste de toute façon ou ne m'intéresse pas ou se trouve loin au-delà de ma maigre sphère de compétences

    bref c'est ce blog qui est devenu écrire à côté et je compte bien y écrire beaucoup moins

    et si je le dis ici c'est parce que ça n'a rien à faire à côté je veux dire de l'autre côté

    où vous n'avez pas accès, où vous n'aurez peut-être jamais accès

    et ça ne vous manquera pas

    et c'est bien mieux comme ça pour vous, pour moi

    et pour l'indifférence

    le mieux serait bien sûr de ne même pas écrire et juste de loin en loin relire Malaparte ou Bernanos, voilà

    alors quand une vague connaissance du milieu me dit que mon comportement ces dernières années a été suicidaire, non mais alors suicidaire, de prise de position en prise de position

    je me dis que ce serait pour une fois vachement bien qu'il ait raison

    et que je sois ainsi passé du côté de la vie

    mais fondamentalement je doute

    et j'aime bien disparaître

    alors

     

     

     

     

     

     

     

  • Le Nouveau Théâtre Populaire

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    A la marge d’un paysage théâtral français aussi assis que sinistré, cultivant avec une complaisance macabre scepticisme et morosité, cherchant à étendre à tout le réseau national décentralisé un parisianisme imbécile, puissante petite chapelle inféodée à l’idéologie libérale-libertaire violemment mise en avant par un Ministère de la Culture et des médias éprouvant des difficultés à franchir le périph’ et luttant à toute force contre ce qu’il demeure d’un universalisme français ; à la marge, disais-je donc, de cette gabegie déprimante prompte à faire fuir tout ce qui n’est pas soumis déjà à l’idéologie en question ou réquisitionné par l’Education nationale, s’est discrètement développé, ces cinq dernières années, le Festival NTP – Nouveau Théâtre Populaire. Cette entreprise à la fois « humble et mégalo », née de l’initiative d’une quinzaine de jeunes comédiens, pour l’essentiel pourtant formés dans les cadres institutionnels existants, s’installe chaque mois d’août dans un bled inconnu de 800 habitants du Maine-et-Loire, Fontaine-Guérin, et propose en plein air une vingtaine de représentations en douze jours. Essentiellement des grands textes. Avec un succès croissant. C’est au moment où la troupe est confrontée à la nécessité d’acquérir la maison où elle se produit, et où elle fait appel à la générosité du public, que j’ai rencontré Léo Cohen-Paperman, un des membres du NTP.  

     

     

     

    PA. La simple liste des auteurs montés par le NTP, à Fontaine-Guérin, laisse rêveur… Hugo, Corneille, Shakespeare, Feydeau, Büchner, Molière… et pour cet été Brecht, Maeterlinck, Ovide. L’acte fondateur, construire de ses mains un plateau de théâtre pour amener les grandes œuvres du théâtre où il n’est pas, est à la fois très symbolique et très concret. Les références au Théâtre du Peuple de Bussang ou à Copeau, toutes proportions gardées, comme le détournement du logo du Théâtre National Populaire, paraissent immédiatement justes. En même temps, on se dit que, presque cent ans après l’appel du Vieux-Colombier de Copeau et après des décennies de décentralisation théâtrale (mais décentralisera-t-on jamais autre chose que le centre, le centre toujours recommencé ?), c’est comme si rien n’avait été fait vraiment, que la décentralisation avait foiré complètement jusqu’à devenir un discours parisien de moins en moins épatant, à moins que tout ne soit toujours à refaire, pour qu’un groupe de jeunes acteurs formés dans les écoles nationales de théâtre en vienne à aller installer un plateau artisanal dans une commune inconnue, à travailler bénévolement et à donner en douze jours plus de vingt représentations.

     

     

     

    LCP. Il est difficile de répondre à ta question sur la réussite de la décentralisation théâtrale. Qu'est-elle devenue ? Comment peut-on juger de sa réussite ou de son échec ? Au nombre de spectateurs ? A l'accès aux salles pour le plus grand nombre ? Je répondrai en parlant du festival, qui se veut populaire (car la force du théâtre, c'est d'être populaire - sans être majoritaire).  

     

    La force du NTP tient, à mon sens, en ce que le festival n'est pas né dans un cadre institutionnel. Il est le fruit d'un mouvement collectif – ce qui est déjà une victoire sur le néant ! Nous avons inventé le NTP parce que notre horizon d'artiste, à Paris, était nul.  Egoïstement, le festival représentait d'abord pour nous la possibilité de faire nos armes en nous confrontant à de grands textes. Aujourd'hui, il est très difficile – quand on estime que son travail mérite un salaire – pour un jeune metteur en scène de monter au cours de la saison théâtrale une production avec plus de cinq acteurs au plateau. La conséquence immédiate de cette difficulté est l'impossibilité (ou la peur) de se confronter aux grandes œuvres du répertoire et de les montrer à un public. Le NTP a permis cela. De jeunes femmes et hommes de théâtre s'arrogent le droit de relire Corneille, Shakespeare, Molière... Sans rien demander à personne. C'est donc la naissance d'une génération.

     

    Avec le temps et la franche réussite qu'a rencontrée notre entreprise, je me suis beaucoup interrogé sur la signification de ce succès. Pourquoi les gens (et je ne parle pas des gens du métier, mais de l'ensemble du public, très hétérogène, qui vient nous voir chaque été) viennent-ils si nombreux et nous font-ils des retours si encourageants ? Dire que cela tient uniquement à notre talent serait faux et prétentieux. Les spectateurs nous parlent souvent du cadre idyllique, ce plateau de bois qu'on découvre caché dans un jardin - et autour le cimetière, la forêt et  l'église... Sans le formuler, je crois qu'ils apprécient d'abord la permanence de l'entreprise, son immuabilité, dans un certain sens. Les gens verront chaque année la même troupe traverser des œuvres aussi différentes que Corneille, Brecht, Maeterlinck, Shakespeare... Chaque année, cette troupe appartient un peu plus à son public.

     

    Ce qui rend possible cette reconnaissance, je crois, tient d'abord dans le fait que nous ne cherchons pas le mouvement. Nous cherchons d'abord (et le reste vient, mais il vient ensuite) à faire du théâtre là où nous sommes. Sans le savoir (ce serait mentir car maintenant, nous le savons), nous luttons. Aujourd'hui, j'ai le sentiment que tout doit être mouvement (je me permets là-dessus de renvoyer au livre de Jean-Claude Michéa, Les Mystères de la gauche), et que le théâtre n'échappe pas à la règle. Au XXIe siècle, on ne fait pas une pièce pour son public, ou pour un public. On fait une pièce pour qu'elle tourne. C'est fade, c'est triste. Au NTP, nous créons d'abord nos spectacles pour qu'ils puissent habiter un lieu bien précis. Nous donnons d'abord nos spectacles à notre public (j'entends par notre public : tous ceux qui viennent assister à nos représentations). Cela n'est pas démagogue, dans la mesure où nous ne cherchons pas forcément l'approbation. Nous travaillons avec lui à la construction d'une histoire commune. C'est peut-être en cela que le NTP ouvre une nouvelle page de la décentralisation, en résistant aux pratiques habituelles du théâtre public, qui veut mettre dans le  mouvement du marché chaque nouvelle production. Un théâtre, une troupe, un lieu.

     

    D'une certaine manière, donc, nous sommes réactionnaires (puisque le progrès consisterait en l'application de la formule « toujours plus de mouvement, toujours plus de marché »). A Fontaine-Guérin, nous proposons un théâtre exigeant et populaire. Exigeant dans la mesure où chaque metteur en scène (dont le projet doit être au préalable accepté et voté par la troupe) propose une véritable lecture d'un texte. Il ne s'agit pas seulement de donner à entendre tous ces grands auteurs, mais d'en faire une expérience singulière. Populaire ensuite, dans la mesure où nous ne faisons « que » du théâtre. J'insiste là-dessus car il me semble que c'est ce qui a peut-être perdu une partie du mouvement de décentralisation. Le NTP est un festival de théâtre, parce que nous ne savons faire que ça ! Et le public retrouve dans cette simplicité, dans cette immuabilité une chaleur et une certitude qu'il ne trouvera pas dans un théâtre public, puisque celui-ci est et se veut reflet de toutes les modes (bonnes ou mauvaises, ce n'est pas à moi d'en juger), des toutes les tendances actuelles de l'art vivant, bref... De ce qui passe. Toujours l'idée libérale du mouvement. Nous, humbles et mégalos en même temps, proposons une idée plus ferme et plus durable du théâtre. Il n'y a pas de danse, pas de soirée à thèmes, pas de cocktails dansants. Il y a du théâtre. Et c'est bien !

     

     

     

    PA. Je crois que tu réponds tout de même, au moins sur deux plans, à propos de la décentralisation. Que le théâtre public veuille mettre dans le mouvement du marché chaque nouvelle production dit assez bien ce qu’il est devenu et que, contrairement à ce qu’il répète comme un mantra, il ne résiste à rien du tout, mais participe sur une base de financement public à cette libéralisation de tout et de n’importe quoi ; au surplus, je pense qu’une telle affirmation n’aurait pas été aussi juste il y a vingt ans, ou qu’elle aurait alors appartenu aux choses qu’on pouvait redouter, et qui sont hélas advenues. Mais tu réponds aussi en opposant de fait l’idée du théâtre populaire (« que » du théâtre) à celle du théâtre public (« toutes les modes… toutes les tendances… ce qui passe »), c’est-à-dire en opposant ici populaire et public, deux qualificatifs qu’on avait longtemps voulu compatibles, et qui semblent bien ne plus l’être, puisque le NTP ne peut réellement se développer que hors de l’institution. On retrouve d’ailleurs là, appliquée à la chose théâtrale, cette idée d’une rupture fréquemment dénoncée entre le peuple et l’Etat (ou je ne sais quelles élites). Il se peut donc que le théâtre public soit amené bientôt à produire de moins en moins de théâtre, mais des spectacles vivants de plus en plus nomades et à la qualité de langue de plus en plus réduite, et que des entreprises plus spécifiquement théâtrales, à la fois différentes et comparables à la vôtre, soient amenées à voir le jour, et à s’ancrer localement. D’ailleurs, si l’on pousse un cran plus loin, on s’aperçoit que le NTP aujourd’hui fait appel aux dons de personnes privées pour acquérir la maison où il se produit à Fontaine-Guérin, et a donc recours, même dans une économie pauvre, à la sphère privée pour s’implanter localement, quand, au contraire, l’institution publique mise tout sur la rhétorique libérale du mouvement dans une espèce de fuite en avant où tout ce qui se fait de neuf est bien puisque neuf, etc…

     

    Ce qui me fait un petit peu tiquer, et sur quoi je voudrais t’interroger plus avant, c’est l’idée de génération. Je reprends ce que tu dis : vous êtes de jeunes hommes et femmes s’arrogeant le droit, et c’est heureux, de relire les anciens. En quoi est-ce la naissance d’une génération ? En quoi cela se distingue-t-il d’un phénomène de bande, puisque l’idée de génération implique aussi celle d’un lien fort, filial, et souvent celle d’un partage concret (du plateau, par exemple) avec la génération précédente et, à terme, avec la génération suivante ? Je comprends bien que les choses se sont faites sur un constat quant au milieu et sur une impulsion fougueuse, nécessaire, mais le risque n’est-il pas de devenir une bande, une strate de plus dans un monde qui stratifie, essentiellement pour des raisons de consommation : le monde théâtral est plein de petites compagnies de gens du même âge, dans les unes des gens de cinquante ans font encore les jeunes premiers, dans les autres des gens de vingt-cinq jouent les barbons. Et de la même façon qu’on peine à représenter le monde en étant quatre ou cinq sur un plateau, peut-on représenter le monde quand tous ceux qui prennent part à la représentation ont le même âge, au risque que la représentation la plus juste des milieux et des âges ne soit de fait… dans le public ? Et encore une fois, je comprends bien que les choses initialement se distribuent de fait ainsi, mais je voudrais savoir comment le NTP, s’il l’envisage, envisage cet aspect.

     

     

     

    LCP. Je ne rejette pas l'idée de partage entre les générations ! Il n'y a rien de plus puissant que de voir sur scène les trois âges réunis – père, fils et grand-père. Le NTP a déjà accueilli des acteurs plus âgés ou plus jeunes. Je pense au Diègue du Cid ou au Fléance de Macbeth. Pour l'avenir, il peut être réjouissant d'imaginer comment d'autres père, grands-pères et – bientôt – d'autres fils pourront continuer de grossir nos rangs.

     

    En revanche, il est important de rappeler que la conception et la mise en œuvre du festival nous appartiennent. Nous sommes nés lors de l'effondrement du bloc communiste, nous n'avons connu que le capitalisme libéral et triomphant. Le premier événement marquant pour notre génération fut le 11 septembre (et le délire sécuritaire instauré depuis). Nous amorçons notre vie de femmes et d'hommes au moment où l'état de crise économique, écologique et politique est vécu comme un fait structurel. Plutôt que de remplir le tonneau sans fond comme les Danaïdes (et pour nous, cela signifierait de devenir uniquement les servants du système), nous avons décidé de rompre le cycle, de faire un « pas de côté ». Cette rupture pour revenir au plus près du réel (nous avons construit nous-mêmes notre plateau, et cela est à la fois concret et symbolique) révèle notre élan joyeux, optimiste, espérant. Le NTP est d'abord né, je crois, de notre irrépressible besoin d'espoir, quand tout autour de nous poussait à la résignation. Le répertoire proposé jusqu'ici reflète bien cette idée. Shakespeare, Hugo, Corneille, Brecht... Plutôt que Tchékhov, Ibsen (celui des pièces réalistes, de Solness ou des Piliers de la société...), voire Beckett. Il ne s'agit pas de hiérarchiser ces auteurs, mais de montrer que nous assumons notre désir de lyrisme et de théâtre épique. 

     

     

     

    PA. Restons avec les auteurs. Ce que je trouve intéressant dans le NTP, tel en tout cas qu’il se présente, c’est que les metteurs en scène, si nécessaires soient-ils, ne sont pas mis au premier plan ; cela rompt avec l’exercice dominant qui fait aujourd’hui d’eux dans le travail institutionnel et artistique, de remarquables exemples d’une personnalisation du pouvoir, et simultanément, du point de vue de la diffusion (faut que ça tourne) des marques, presque au sens industriel, et l’on va voir le dernier Machin comme on achète le dernier smartphone… Ici, non, on sent que ce sont les auteurs et le public qui vous intéressent, et au centre, en situation de servir et les uns et l’autre, mais au sens noble cette fois du verbe servir, les acteurs, et des acteurs capables de décisions collégiales, collectives et finalement politiques – c’est-à-dire aussi responsables et cohérentes. Ce qui est, je trouve, un retour aux fondamentaux de la chose théâtrale. Comme aussi, de façon très concrète, le fait d’installer votre plateau en plein air, l’été, « entre la forêt, l’église et le cimetière ». C’est une idée du théâtre comme fête, comme joie, assez éloignée du sinistre festivisme autoproclamé de l’époque. Maintenant, il me semble que tout en traçant cette ligne de partage non hiérarchique entre des auteurs qui seraient épiques et susceptibles de mobiliser un enthousiasme (pour aller vite) et d’autres qui le seraient moins, vous ayez, forts des rencontres et succès publics des quatre premières années, décidé d’ouvrir en 2013 votre programmation à des auteurs non pas moins célèbres, mais disons d’un accès, à juste titre ou pas, réputé plus difficile. Maeterlicnk, Brecht, Ovide.

     

     

     

    LCP. Pour nous aussi, l'apprentissage de la démocratie est difficile... Habitués au fonctionnement autocratique (et je ne porte aucun jugement de valeur là-dessus) de nos compagnies respectives, il nous faut réapprendre à diriger ensemble : cela sonne presque comme un oxymore... Sans tomber dans la grosse gadouille pseudo-collective où finalement, il ne se passe plus rien. Le choix de jouer tel ou tel auteur se fait de façon collégiale et démocratique, comme toutes les décisions importantes qui régissent la vie de la troupe (arrivée d'un nouveau membre, approbation du budget annuel...). C'est peut-être ce qui pourra nous sauver du cynisme ambiant et nous éviter de tourner en rond. Une troupe d'acteurs, quand elle est vigilante, sait mieux éviter la routine et la complaisance qu'un metteur en scène seul avec son grand sceptre.

     

    Ce choix de proposer des poètes moins connus est motivé, je crois, par notre peur de tomber dans la facilité. Nous sentons que le public du festival est enthousiaste et bienveillant - enthousiaste parce qu'il croit en la qualité de notre travail, bienveillant parce qu'il voit que essayons de faire trop avec trop peu de moyens (faire trop avec trop peu, cela définit bien notre travail). Nous voulons voir si ce même public nous suit quand nous prenons des risques. Mais prendre des risques ne signifie pas de se transformer tout à coup en apôtre du pessimisme théâtral (ce théâtre qui ne propose ni la vie ni la mort mais... rien). Tu parlais de fête. J'aime beaucoup cette image. Pour la continuer, peut-être essayons-nous simplement de changer le rythme de la musique - de la valse au tango, peut-être ?

     

    Ce choix d'un répertoire plus moderne se fait aussi dans le plus pur héritage vilarien. Nous construisons une histoire avec notre public dans la durée (encore cette idée de permanence) et cela ne fonctionne que si nous restons fidèles à nous-mêmes et à nous désirs. Et nous désirions rappeler à notre public que ce répertoire réputé plus difficile, plus « sec » est dans la continuité des grands maîtres : Shakespeare, Hugo ou Corneille. Il y a aussi et surtout l'idée chère à Howard Barker que nous défendons : « Ce n'est pas mépriser le public que de lui proposer des œuvres complexes ». Nous croyons que Maeterlinck, Brecht et d'autres sont susceptibles de mobiliser les foules, parce qu'ils sont proposés dans le cadre d'un festival que le public connaît, avec des acteurs qu'il connaît. Nous agrandissons la famille, en quelque sorte.

     

    Pour l'édition 2014, si elle voit le jour (et cela en prend le chemin, à la vue de la générosité des dons du public), deux projets sont à l'étude : Le Soulier de Satin de Paul Claudel, et une double tétralogie shakespearienne, De Richard II à Richard III. Nous voudrions, à l'occasion de ces œuvres fleuves, convoquer le public, comme l'Eglise pouvait le faire au Moyen-Age lors des représentations des mystères religieux. On consacrait alors une journée entière de son temps au théâtre. Je me souviens d'une interview de Maria Casarès où elle imaginait un spectacle répété pendant six mois et représenté une seule  fois. D'une certaine manière, nous lui répondons. Ces propositions sont la suite logique - aussi fou que cela puisse paraître - de notre aventure. Faire du théâtre autre chose qu'un objet de consommation culturelle, refaire de la représentation théâtrale une expérience qui marquera la vie des spectateurs.

     

     

     

     

     

    Le site du NTP : http://festivalntp.com/

     

    Pour soutenir le NTP : http://www.kisskissbankbank.com/nouveau-theatre-populaire--2

     

     

     

  • Avril

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    Selon un immense poète, avril serait le plus cruel des mois. Mais comme, de n'y comprendre rien, le premier guignol juridico-relativiste à la con dira que ça se discute et commencera d'opposer au poète que son absence d'arguments ne vaut pas tripette, je vais tenter, ainsi que j'en ai pris la très sage habitude, d'être le plus consensuel possible. Et dirai simplement qu'avril succède à février et à mars. Voilà, c'est fait. Je pense qu'une telle affirmation, malgré son caractère péremptoire, ne tombe pas sous le coup de la loi. A moins que l'on ne considère que, de ne pas les nommer, j'opère une odieuse discrimination et que les neuf autres mois sont fondés à se plaindre...  Mais je suis un garçon courageux, qui n'a peur de rien, et j'ose ajouter fièrement que j'encule à sec ces enculés de bâtards de fils de pute de leur mère de race à purin d'autres mois de l'année de merde en cours. Surtout ceux à venir, d'ailleurs. Wesh. Passons aux choses sérieuses, qui ne le sont d'ailleurs pas. En février et en mars de l'an de grâce 2013, j'ai commencé, d'abord sur la première version de ce blog idiot, puis sur cette version ragemageuse, de tenir ce que j'appelle un journal. Chose abjecte en soi et par laquelle je suis parfaitement conscient de mériter le plus universel mépris. D'autant que ce journal n'avait pas le bon goût d'être intime et de raconter à qui veut, même si bien sûr c'eût été faux, comment j'ai pété le cul de Trucbidula (ce a final marque le féminin car je suis un garçon rétrograde, hélas). Il n'était donc, ce journal, qu'un sous-commentaire informe et désuet de l'actualité de merde dans laquelle mes contemporains et moi-même aimons tant nous rouler, sous-commentaire qui fait les jours heureux de toute une racaille velléitaire et veule, aigrie, basse, imbécile, et qui se remonte à peu de frais le moral en chiant sur la gueule de Hollande, Sarkozy, Mélenchon ou Le Pen. Pour avoir l'air original et me faire passer pour moi, même à mes propres yeux, j'agrémentais mes notations débiles (au sens propre) de quelques références littéraires à la con (Michelet, Pound, Chénier...) ainsi que de vagues considérations sur ma production personnelle qui n'intéresse personne (et c'est heureux, cela prouve mon bon goût).  Bref. J'avais lamentablement sombré. (Ceci est mon autocritique, camarade.) Je dois tout de même à la vérité de dire que je ne regrette rien, non rien de rien, je ne regrette rien. Si les gens disent tant de mal des politiciens, des journalopes et des artistes en merde, c'est uniquement parce qu'ils n'ont pas la force de les assassiner de leur silence. Imaginez que pendant un mois, tout un mois, aucune personne au monde ne mentionne publiquement les noms de Hollande, Aphatie et Nabilla (Nabilla sert ici d'étalon : elle est à l'art ce qu'Apathie est au journalisme et Hollande à la présidence du Conseil... ah non, zut, j'anticipe sur la IVème République future tant souhaitée par Mélenchon s'il ne devient pas premier ministre de celle-ci...). Mais je m'égare. Ce que je cherche à dire, depuis le début de ce papier indigent, c'est que, constatant que le joli mois de mai avait fait son apparition, je me suis dit qu'il fallait que je publie, en vue du buzz considérable que provoque la moindre de mes lignes, mon journal du mois d'avril. Fastoche. Tu prends ton fichier word, tu copies, puis tu colles sur ton blog. Sauf que voilà. Je n'ai pas pris la moindre note durant tout ce putain de mois d'avril de merde, le plus cruel. Et vous savez pourquoi, bande de cinglés qui êtes parvenus jusqu'à cette ligne de cet article ? Parce qu'IL NE S'EST RIEN PASSE EN AVRIL 2013. RIEN. Un gouvernement frigide qui a la majorité partout est parvenu à faire voter une loi et ça a ému bien des gens, barjots ou pas. Même le crétinissime Jérôme Cahuzac n'a pas eu la bonne idée de se coller un bastos dans le citron, c'est vous dire s'il ne s'est rien passé (Bérégovoy au moins faisait le show, mais bon, c'était mieux avant, quoi). J'ai continué à lire Michelet et sa Révolution. Et les papiers de Sapir sur son blog (j'ai bien aimé celui où il annonce une crise violente à l'été 2013). J'ai lu aussi le dernier livre de Houellebecq, et basta. J'ai écrit un peu, à côté. Je ne suis pas allé m'abrutir au cinéma ou m'énerver de la connerie de mes soi-disant pairs dans un théâtre soi-disant public organisant un gentil concours de couilles molles ultra-libérales subventionnées par les  gars licenciés de Florange ou PSA. Non, il ne s'est rien passé. J'ai même eu un simili-employeur qui a réussi à me payer 80 heures de boulot 336 euros brut, non mais allô quoi. Bref, il ne s'est rien passé. Le seul machin à avoir éveillé la queue d'un soupçon d'intérêt, c'est l'affaire Kadhafi/Sarkozy. Je ne sais pas ce qui s'est passé, bien sûr. Mais putain, on a envie de voir le film. Un putain de truc de Mafia. On ne peut pas avoir touché de la thune de cet enculé, la preuve : on l'a buté ! Avec Keith Richard dans le rôle de Kadhafi, Michel Blanc dans le rôle de Claude Guéant, Podalydès dans le rôle d'Edwy Plenel et Podalydès dans le rôle de Sarkozy. Oui, il y a deux fois Podalydès, je sais, mais c'est pour monter l'ambivalence et la duplicité, la part d'ombre, même. Et puis quoi merde, c'est de la solidarité avec les Grecs ! Comme le merdage pour tous, d'ailleurs.