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  • Fournitures

    Malgré l’apparence, je ne saurais recommander les livres qui suivent, pour la simple raison que je ne les ai pas encore lus. La rentrée littéraire, qui n’est pas une préoccupation réelle pour moi, pourrait bien durer l’année scolaire tout entière… et il y a fort à parier que je ne bouclerai pas le programme. Au surplus, je ne me sens pas obligé de publier en ce blog une note pour chaque livre lu, partiellement ou totalement. Voici donc une liste non exhaustive des quelques livres qui, pour l’heure, ont retenu mon attention, quoique fort diversement :

    Le Chant de la mission, de John le Carré, au Seuil. Parce que j’ai lu, cet été même, de cet auteur dont je n’avais jusque là rien lu, en guise de divertissement intelligent et dans cet ordre : La Maison Russie (1989), Une Amitié absolue (2003) ; puis la « Trilogie de Karla », à savoir : La Taupe (1974), Comme un collégien (1977) et Les Gens de Smiley (1979) ; puis L’espion qui venait du froid (1963). Faut-il ajouter que si j’avais trouvé mauvais, ou même moyens, les romans de Le Carré je n’en aurais pas lu tant ?

    L’Empire du moindre mal, de Jean-Claude Michéa, dont j’ai déjà beaucoup apprécié la finesse dans L’enseignement de l’ignorance et Impasse Adam Smith. Peut-être est-ce simplement la fatigue, mais je crois qu’il est possible de faire un lien entre Michéa et Le Carré. Sans doute tient-il à la fois de cette common decency chère à Orwell et de cet Empire du moindre mal que le Carré a défendu contre le communisme soviétique, mais non pas aveuglément, et auquel désormais il botte très allégrement le train adipeux. Je note encore que le titre de Michéa ne peut pas ne pas être – de quelle façon précisément, je ne sais, n’ayant pas lu le livre – un hommage au regretté Philippe Muray.

    La Littérature à contre-nuit, de Juan Asensio, chez Sulliver. Le blog de Juan Asensio est l’un des seuls que je fréquente, et je veux effectivement dire par là que je le visite fréquemment (n’en est-on pas venu, lorsqu’on emploie les mots dans le sens qui est précisément le leur, à se sentir redevable de le préciser à un lecteur que l’on suppose, à tort ou à raison, pressé, distrait ou peut-être même, pour reprendre l’expression de Péguy, alphabète ?). Juan Asensio a ses obsessions, dont certaines sont tout à fait déplorables. Je vise ici celle, par exemple, qui consiste à talocher verbalement quoiqu’à tour de bras l’insignifiant Assouline, et à continuer encore et encore, bien après l’épuisement des derniers effets du comique de répétition. Quant à la littérature, je trouve fondées ses exigences, sa vindicte et ses apologies, et si je suis assez éloigné de partager tous ses goûts (Abellio, malgré son brillant style en trompe-couillons, ne trouve de place dans mon anti-panthéon littéraire qu’en tant que le plus manifestement doué des préfaciers d’Elisabeth Teissier), je prends connaissance de ses « papiers virtuels » avec grande attention. Lesquels m’ont faire lire, entre autres, Nicolas Gomez Davila et Juan Donoso Cortès. Ce n’est pas peu. – Pour le reste et pour finir, je trouve Asensio effectivement très doux.

    Il n’y a personne dans les tombes, de François Taillandier, chez Stock. Le troisième volume, après Option Paradis et Telling, de « La grande intrigue ». Dois-je préciser, là encore, que si je ne trouvais pas d’intérêt à cette lecture, je n’en parlerais pas ici ?

    Artefact, de Maurice G. Dantec, chez Albin Michel. Le seul des livres cités ici dont j’ai effectivement fait l’acquisition, quoique je ne l’aie pas encore commencé. J’ai lu tous les livres précédemment publiés de Dantec et, malgré certaines déceptions – la fin de Villa Vortex, par exemple, ou tel et tel passage de Cosmos Incorporated – et divergences d’opinions – mais il faut tenir les opinions pour rien, et les ramener à leur fond d’hérésie – je continue de le lire avec joie. Oui, avec joie.

    Voilà pour la littérature.

    Je m’étais promis de rédiger cette note en dix minutes et de simplement citer titres, auteurs et éditeurs, et voilà plus d’une demi-heure que je tapote à deux doigts mon clavier. Je lirai certainement encore, pour ma gouverne, un petit livre sur la situation actuelle en Irak : Le Chaos irakien (dix clés pour comprendre) de Fanny Lafourcade, aux éditions La Découverte.

    Pour l’heure, m’attendent le De grammatico de saint Anselme de Cantorbéry, et mon lit.

  • Interview. Programme : No private joke

    Pour une Culutre citoyenne ! est le troisième texte de Tout faut.

    Je livre ici un extrait significatif du dossier de subvention d’ « aide à la production dramatique » déposé cette semaine auprès d’une Direction Régionale des Affaires Culturelles du Ministère de la Culture. Pas d’autre commentaire.

    Je livrerai plus tard ici même quelques unes des scènes indépendantes composant cette pièce ; au moins celles-ci : 1. Mission de sévice public et  6. Défense et illustration du Sinistère de la Culutre.

    Ces amples citations « culutrelles » seront toujours accompagnées du visuel que voici :

     

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    Pour savoir les choses, il ne faut pas en savoir le détail.

                         Lautréamont, Poésies II

     

    J’entreprends ici, dans ce dossier de subvention, d’expliciter certains enjeux du texte Pour une Culutre citoyenne ! par une auto-interview évidemment factice.

    L’exercice permet à l’auteur de s’exprimer avec une relative franchise, et de ne pas sombrer dans les jargons qu’il exècre, précisément parce qu’ils imposent à de prétendues singularités socialement nommées artistes de s’exprimer dans une langue technocratique convenue, et partant, morte.

    J’essaie donc de donner à cette présentation officielle un caractère fictionnel minimal, et d’écrire ce bref texte comme une scène pouvant en droit trouver place dans l’œuvre présentée même.

     

    1. Pourquoi Culutre, et non Culture?

    J’appelle Culutre tout ce dont, programmatiquement, il ne doit demeurer rien : c’est-à-dire presque tout. Pour une Culutre citoyenne !

     

    2. Faut-il trouver seulement ironique ce titre étrangement exclamatif ?

    Il ne faut rien, et vous trouvez ce que vous voulez.

    La seule chose sur laquelle je voudrais attirer votre attention est celle-ci : ce titre présente deux fautes de français : la première tient au mot Culutre lui-même, qui est un néologisme peu flatteur ; la seconde à l’impropre emploi du substantif citoyen comme adjectif épithète. Car en français – une langue qui ne se parle ni ne s’écrit plus – l’adjectif dérivé du substantif citoyen est civique.

    (Comme si on disait culture peuple en place de culture populaire, ou culture élite en place de culture élitiste… Parler d’une culture citoyenne, est au fond du même niveau de langue que de parler d’une « presse people », par exemple… et généralement, dans le milieu, c’est pour en faire l’apologie. Bien sûr. D’où, dans ce titre, le néologisme de Culutre, qui agit comme une distanciation.)

    Ceci pour faire entendre que si j’avais choisi pour titre un banal Pour une Culture citoyenne !, eh bien, ça n’aurait rien voulu dire non plus. Mais là, bien sûr, personne ne s’en serait aperçu.

    Parce que cette novlangue-là est couramment employée dans les milieux culturels.

     

    3. Bien. Mais quel est l’intérêt, au fond, de parler de la Culutre au théâtre ? Est-ce que ce n’est pas une private joke ?

    D’abord, le théâtre est le lieu où la Culutre n’est jamais critiquée.

    Vous verrez le théâtre critiquer à peu près tout, et tous les milieux, avec très souvent un mélange de naïveté, de morale puritaine et de bons sentiments tout à fait répugnant.

    Ensuite, je pense que la Culutre, loin d’être à part, loin de faire exception, loin de magiquement se situer au-dessus, est un milieu socio-professionnel qui catalyse toutes les imbéciles aspirations du monde contemporain.

    Pêle-mêle : Rivalité mimétique sous couvert d’égalité, promotions sociales délirantes et paupérisation globale, course impitoyable aux financements sous couvert de solidarité, chômage institué, volonté de se constituer en exception apparente par le sacrifice de la qualité au profit de la quantité (ce qui revient très exactement à rentrer dans la norme), intégrisme moral puritain au nom de la tolérance qui ne tolère qu’elle-même, mépris de sa clientèle qu’elle (la bien-nommée Culutre) nomme encore public quand elle n’a plus pourtant de réalité que statistique, et je passe sur le duo de choc prétentions démesurées et victimisations rentables

    En tout cela, la Culutre ne diffère donc pas, ou très peu, des autres aspects de notre monde rigolard.

    En somme : la qualité de la production est exactement indifférente ; seule compte la gestion optimisée du qu’en dira-t-on. Dictature de la communication. Comme partout.

    Aucune private joke, non. Bien au contraire.

     

    4. Donc, la Culutre, selon vous, est un milieu comme les autres ?

    D’abord, je ne vois aucune raison de principe pour laquelle un milieu ne pourrait pas être critiqué. Et moqué. Et fessé. Et battu. Je n’aime ni les communautarismes, ni les corporatismes.

    Alors commençons par balayer devant notre porte, avant de nous en aller pourrir de morale à la con des voisins qui, peut-être, ne nous méprisent pas sans raison.

    Mais il y a plus :

    Je trouve que la Culutre est tout de même à l’avant-garde. Elle est même, très loin à l’avant-garde du moderne, ce laboratoire où s’expérimentent les dernières innovations de la collusion libérale-libertaire :

    Sur une plateforme de financement public est créé une marché ultralibéral mettant en vente des produits presque exclusivement antilibéraux.

    La Culutre est tout à fait à l’avant-garde de la bassesse et de l’hypocrisie.

     

    J’ai écrit une farce. Pas une comédie. Il faut que ce soit violent. C’est même à la violence qu’il revient d’être drôle, dans la farce. On n’y exagère jamais assez.

     

     

    5. Oui, justement : pourquoi sous-titrer cette Culutre farce, et non pas comédie ? 

    La comédie, c’est sa définition classique, finit bien. Je ne mange pas de cette utopie-là.

    Maintenant, si vous entendiez comédie au sens vulgaire, au sens commun, qui est peut-être le seul un peu fondé, et si vous me demandiez en fait si l’on va rire à ma Culutre, je vous dirais alors que la farce s’apparente à la comédie en ce qu’elle divertit, certes, mais elle s’en distingue en cela qu’elle divertit exclusivement au détriment des puissants.

     

    Et aussi que si cette farce instruit, c’est uniquement à charge.

     

    (L’un des principes de la farce est évidemment celui de l’exagération monstrueuse. Un paradoxe, qui n’est peut-être qu’apparent, veut que cette exagération brutale soit seule capable de désigner la vérité.

    Il faut donc ne pas considérer les détails, et même les réputer négligeables, en l’espèce les maigres forces œuvrant, depuis le milieu culturel même, contre l’imbécillisation et l’analphabétisation globales. Pour savoir les choses, il ne faut pas en savoir le détail. Précisément parce que le Diable est dans les détails.

    Ceci me contraint donc, et c’est heureux, à tenir pour rien ma propre position.)

     

    6. Mais cette Culutre, à quoi peut-elle bien servir ?

    1. A faire de la Propagande pour le néant.

    2. A abrutir encore un peu les imbéciles.

     

    3. A prouver que tout vaut tout dans un monde saturé de marchandises.

  • Dans les ténèbres, par Léon Bloy

    I

    Le mépris

     

    Oh ! le délicieux, l’inappréciable refuge ! Rafraîchissement surnaturel pour un cœur tordu d’angoisse et de dégoût ! Le mépris universel, absolu, des hommes et des choses. Arrivé là, on ne souffre plus ou du moins on a l’espérance de ne plus souffrir. On cesse de lire les feuilles, on cesse d’entendre les clamitations du marécage, on ne veut plus rien savoir ni rien désirer que la mort. C’est l’état d’une âme douloureuse qui connaît Dieu et qui sait qu’il n’existe rien sur terre où elle se puisse appuyer en nos effroyables jours.

    Est-il nécessaire pour cela d’être devenu un vieillard ? Je n’en suis pas sûr, mais c’est tout à fait probable. Le mal est énorme, pensent les hommes qui n’ont pas dépassé soixante ans, mais il y a tout de même ceci ou cela et le remède n’est pas impossible. On ne se persuade pas que tout est dans le filet du mauvais chasseur et qu’il y a un ange de Dieu ou un homme plein de miracles pour nous délivrer.

    La Foi est tellement morte qu’on en est à se demander si elle a jamais vécu, et ce qui porte aujourd’hui son nom est si bête ou si puant que le sépulcre semble préférable. Pour ce qui est de la raison, elle est devenue si pauvre qu’elle mendie sur tous les chemins, et si affamée qu’on la vue se repaître des ordures de la philosophie allemande. Il ne reste plus alors que le mépris, refuge unique des quelques âmes supérieures que la démocratie n’a pu amalgamer.

    Voici un homme qui n’attend plus que le martyre. Il sait de façon certaine qu’un jour il lui sera donné de choisir entre la prostitution de sa pensée et les plus horribles supplices. Son choix est fait. Mais il faut attendre, il faut vivre et ce n’est pas facile. Heureusement il a la prière et les larmes et le tranquille ermitage du mépris. Cet ermitage est exactement aux pieds de Dieu. Le voilà séparé de toutes les concupiscences et de toutes les peurs. Il a tout quitté, comme il est prescrit, renonçant même à la possibilité de regretter quelque chose.

    Tout au plus serait-il tenté d’envier la mort de ceux qu’il a perdus et qui ont donné leur vie terrestre en combattant avec générosité. Mais cette fin elle-même le dégoûte, ayant été si déshonorée par les applaudissements des lâches et des imbéciles.

    Et le reste est épouvantable. La sottise infinie de tout le monde à peu près sans exceptions ; l’absence, qui ne s’était jamais vue, de toute supériorité ; l’avilissement inouï de la grande France d’autrefois implorant aujourd’hui le secours des peuples étonnés de ne plus trembler devant elle ; et la surnaturelle infamie des usuriers du carnage, multitude innombrable des profiteurs grands et petits, administrateurs superbes ou mercantis du plus bas étage, qui se soûlent du sang des immolés et s’engraissent du désespoir des orphelins. Il faut être arrivé, après tant de générations, sur ce seuil de l’Apocalypse et être ainsi devenu spectateur d’une abomination universelle que ne connurent pas les siècles les plus noirs pour sentir l’impossibilité absolue de toute espérance humaine.

    Alors, Dieu qui sait la misère de sa créature confère miséricordieusement à quelques-uns qu’il a choisis pour ses témoins la suprême grâce d’un mépris sans bornes, où rien ne subsiste que Lui-même dans ses Trois Personnes ineffables et dans les miracles de ses Saints.

    Lorsque le prêtre élève le calice pour recevoir le Sang du Christ, on peut imaginer le silence énorme de toute la terre que l’adorateur suppose remplie d’effroi en présence de l’Acte indicible qui fait paraître comme rien tous les autres actes, assimilables aussitôt à de vaines gesticulations dans les ténèbres.

    L’injustice la plus hideuse et la plus cruelle, l’oppression des faibles, la persécution des captifs, le sacrilège même et le déchaînement consécutif des luxures infernales ; toutes ces choses, à ce moment-là, semblent ne plus exister, n’avoir plus de sens en comparaison de l’Acte Unique. Il n’y a plus que l’appétit des souffrances et l’effusion des larmes magnifiques du grand Amour, avant-goût de béatitude pour les écoliers de l’Esprit-Saint qui ont établi leur demeure dans le tabernacle du royal Mépris de toutes les apparences de ce monde.

     

     (Dans les ténèbres, dernier livre de Bloy, 1917. Recopié de l’édition des Œuvres de Léon Bloy, tome IX, Mercure de France, 1969, édition de Jacques Petit.)

     

  • Copier. Pour rien

    Copier est un exercice sain. A condition cependant de ne pas copier n’importe quoi. J’aime l’idée, qui me vient avec ce blog balbutiant, de copier. C’est un acte d’humilité, s’il est permis de le dire. C’est un acte d’admiration, aussi.

    J’ai la chance de n’être pas copiste. Je ne suis pas un moine (essentiellement parce que j’ai la malchance de vivre au XXI° siècle, et non pas au XIII°). Je n’ai pas pour profession de copier, par exemple, des actes juridiques. Aussi ne m’est-il pas loisible d’énoncer un I would prefer not to. Je ne suis pas Bartleby the Scrivener.

    J’ai même, a contrario, la chance de préférer. C’est une grande chance.

    Les écrivains citent. Certains plagient. Ces activités diffèrent de la copie. L’activité de copier n’a pas pour but de servir celui qui copie. Une épigraphe, une citation sont sensées servir, et plus souvent encore : justifier, celui qui les copie. A juste titre, parfois.

    Je ne suis pas non plus Pierre Ménard, auteur du Quichotte. Je n’ai pas très envie, pour tout vous dire, d’être un personnage de Melville ou de Borgès. Ni même un moine. Ni Isidore Ducasse. Je n’ai pas envie du tout de faire de la critique littéraire. Je veux bien être critique, mais pas critique littéraire. Pas du tout. L’expression, d’ailleurs, à bien la lire, laisse l’impression que c’est la critique elle-même qui est littéraire. L’aigreur, la jalousie, la frustration rôdent. Jouissent de régner, aussi, souvent. Misère.

    Non, j’ai simplement envie de prendre du temps, parfois, pour copier des pages que j’aime, sans volonté aucune de me les approprier.

    Pour rien, donc. Diront les cyniques.

    Eh bien, soit : pour rien.

     

     

    Les écrivains, je trouve, ne copient pas assez. Ils prendraient le fait de copier, peut-être, pour une punition. Les écrivains sont demeurés scolaires. A l’école, on copie quand on est puni ; et pour le reste, c’est interdit. Les écrivains ne copient pas ; mais à la fin du cours, ils doivent rendre leur copie.

    Je ne sais trop d’ailleurs si on publie les meilleures, pour donner l’exemple (ce qui serait désespérant) ; ou les pires, pour l’édification des imbéciles. Mon avis est que les copies publiées sont tirées au sort. Les volontés individuelles, les copinages institués, les luttes d’influences et autres choses d’intérêt constituent en eux-mêmes ce que je nomme ici tirage au sort. 

    Je me dis parfois que si les écrivains prenaient plus souvent le temps de copier, pour rien, des textes qu’ils aiment, des auteurs qu’ils admirent, ils seraient moins emmerdants, plus lucides ; certains mêmes arrêteraient tout net d’écrire leur prose et ce serait très bien. Pour eux au premier chef, et puis pour les pauvres couillons qui, par curiosité, achètent leurs livres, parfois même plusieurs fois.

    Le plus amusant, peut-être, c’est que ces mêmes écrivains que l’idée de copier, pour rien, une page ou plusieurs d’un auteur admiré rebuterait, ne cessent pas de se copier les uns les autres ; et comme entre eux ils se méprisent copieusement, chacun se rêvant au-dessus de la mêlée, ils préfèrent copier sans le savoir ce qu’ils méprisent plutôt qu’en conscience ce qu’ils admirent. Ce qui, en quelque sorte, les juge. Mais ne les condamne pas. Parce qu’ils sont déjà condamnés. Ce qui n’a aucune espèce d’importance.

     

    Bref, c’est la rentrée ! Et qu’est-ce qui arrive à ces prétendues singularités ? Eh bien, ils se font empiler ! ce qui, à notre époque de massification de tout, est certainement une catégorie pornographique. On devrait d’ailleurs leur suggérer d’utiliser des insultes d’un genre nouveau, généralement applicables aux artistes : Va te faire empiler ! par exemple.

     

     

     

    Et moi-même, dans cette page, j’ai écrit bien assez d’imbécillités ; je vais donc la quitter, et me mettre tranquillement à mon travail de copie. C’est plus sûr.

  • Notule pour un théâtre politique

    Comment parler au théâtre, sans détour ou abusif recours à la métaphore, du monde contemporain ? Sinon en posant que la première division politique sépare ceux qui ont le sens de l’humour de ceux qui ne l’ont pas ? (Et je ne parle pas ici de cet humour des circonstances du spectacle, épinglé au désuet, si agréable et inoffensif qu’il réunit bassement tout le monde). – Non, je me demande plutôt : Qui peut rire de soi-même, et de ses propres idées, non moins que de cette béance entre soi-même et ses propres idées ? Et de surcroît quand on lui présente tout cela méchamment déformé par une mauvaise foi sans frein, en public, dans le miroir du théâtre ?

     

     

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    Fabien Joubert interprétant Joseph Vronsky dans Ce que j'ai fait quand j'ai compris que j'étais un morceau de machine ne sauvera pas le monde de Pascal Adam, mise en scène de l'auteur. Ce texte appartient à l'ensemble Tout faut, dont il est la part finale (voir Sur le titre dans la catégorie Tout faut de ce blog). La photographie est de Thierry Robert.