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espérance

  • Espérer

    C’est en voulant finir, et en prenant le temps de finir, que je m’aperçois que je ne fais que commencer.

    Il n’y a plus rien pourtant à espérer de ce pays ni de ce qui reste de sa langue.

    C’est bel et bien fini.

    La trouille a fini de tout ravager.

    Un ami auquel je m’ouvrais à mots couverts de cela que ce que j’écrivais n’était pas tout à fait pour rien dans ma désintégration professionnelle :

    – Pourquoi tu n’écrirais pas un roman ?

    – Ah, mais parce que c’est dégoûtant.

    Je venais pourtant d’essayer de lui expliquer la supériorité du théâtre sur les autres genres littéraires ; il m’a tout de même répondu commerce.

    Il n’y a plus rien à espérer et l’espérance croît pourtant.

    Peut-être est-ce un leurre ? Une illusion ? Une compensation psychique ? Un suicide ? Politique de l’autruche ? Ou de la terre brûlée ?...

     

    Il est très difficile d’espérer du passé.

    Et rien n’est plus nécessaire.

     

     

  • Bienpensance et "pédagogie" versus espérance

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    En causant avec elle, Winston se rendit compte à quel point il était facile de présenter l’apparence de l’orthodoxie sans avoir la moindre notion de ce que signifiait l’orthodoxie. Dans un sens, c’est sur les gens incapables de la comprendre que la vision du monde qu’avait le Parti s’imposait avec le plus de succès. On pouvait leur faire accepter les violations les plus flagrantes de la réalité parce qu’ils ne saisissaient jamais entièrement l’énormité de ce qui leur était demandé et n’étaient pas suffisamment intéressés par les événements publics pour remarquer ce qui se passait. Par manque de compréhension, ils restaient sains. Ils avalaient simplement tout, et ce qu’ils avalaient ne leur faisait aucun mal, car cela ne laissait en eux aucun résidu, exactement comme un grain de blé, qui passe dans le corps d’un oiseau sans être digéré.

     

    Orwell, 1984

  • La muette, de Chahdortt Djavann

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    La muette est un roman très court.

     

    Un éditeur reçoit un récit venu d’Iran et traduit en français.

     

    De sa cellule, la jeune femme écrit dans un cahier l’histoire de la muette, la sœur de son père ; note aussi les rares mots qu’elle échange avec son gardien, au mépris du règlement ; et ainsi, c’est son histoire qu’elle raconte (en silence).

    Le rôle de la muette dans sa vie à elle.

    Et pourquoi la muette était muette ; et scandaleuse, aussi.

    Le rôle de son oncle (du côté maternel) dans la vie de la muette.

    Le rôle de sa mère dans la mort de la muette.

    Et le rôle du mollah dans la mort de la muette.

    Et le rôle terrible, réellement tragique, de son père dans sa condamnation à elle.

    Et son propre rôle dans sa condamnation à mort.

    Et l’horreur de ce tartufe de mollah.

    Une histoire tragique.

    Serrée. Sans fioriture.

    Quand elle s’arrête, on comprend que la jeune femme a été exécutée.

     

    C’est le gardien, que l’on reconnaît à ses yeux, qui remettra le cahier à une journaliste occidentale, qui le fera traduire et parvenir en France…

     

    Sans cette introduction et cette conclusion, on n’eût pas perçu si nettement l’amour. Celui qui lie le gardien et la jeune femme.

    Et l’espérance eût été absente de ce roman.