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lecture - Page 3

  • Des livres ou des Lettres

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    Ce blog étant une simple poubelle, j’y publie ce jour une coupe faite dans un autre texte, au départ brève parenthèse qu’à force de corriger j’ai fini par enfler trop considérablement, et jusqu’à l’annoter.

     

     

     

    (La prétention quelque peu surannée, au moins depuis que la production de livres est un secteur comme un autre du marketing global*, à être critique littéraire vit presque nécessairement de cette idée rarement justifiée et touchant fréquemment au délire, que le critique surplombe, même d’un rien, la production de son temps ; et qu’il est donc fondé, par la parole ou le silence, à lancer depuis son Olympe autoproclamée, qu’entretiennent il est vrai de patentés marchands de merde, ses foudres en carton-pâte sur tel ou tel des livres qu’il aura, ou non, lus. A l’inverse, le même présupposé, souvent insu et en tout cas jamais avoué, de fictif surplomb du critique veut que tout livre, lu ou non, qui lui semblera ou lui devra sembler d’essence supérieure soit en quelque sorte ramené au niveau de ce critique soi-même et donc, dans le cas où le livre serait effectivement remarquable, ravalé, rabaissé et finalement banalisé à cet étage de médiocrité satisfaite où se goberge un tel pitre. C’est ainsi que d’un même allant, le critique professionnel, point trop sourcilleux sur le changement d’objet, aux deux extrêmes de son obscur travail, étrille un livre qu’il a trouvé mauvais ou tape dans le dos de l’auteur d’un livre qu’il a trouvé, ou doit trouver, remarquable. Aussi nécessaire soit-elle, la liberté de blâmer ne garantira jamais qu’un éloge soit flatteur, ce qui n’a d’importance que d’entregent, ni juste – ce qui est plus grave, quoique tout le monde s’en tamponne, devrais-je préciser que je parle moins ici de justice que de justesse. Car finalement, ce que le critique en sa fiction faussée de l’objectivité à géométrie variable feint toujours de surplomber, c’est sa propre lecture, et les conditions de celle-ci, souvent misérables, parfois corrompues, toujours contingentes ; face à tel livre qu’il trouve on ne sait finalement pourquoi d’essence supérieure, il n’admire pas ; non, ne se déparant jamais de son merdeux surplomb, il trouve admirable, et c’est très différent.)

     

     

     

    (*) On peut comprendre ainsi que le célèbre titre du blog critique « La République des livres » du petit monsieur Assouline** signe simplement une soumission au diktat de la marchandise, au tout-venant de la production d’objets de consommation prétendument culturels, et désigne par le fait exactement le contraire de ce que fut, de la Renaissance à une période très récente, quoique nous en soyons déjà formidablement éloignés, la République des Lettres, la substitution du mot livres à celui de Lettres*** pervertissant au passage le beau mot de République, le privant en quelque sorte d’être entendu dans son sens métapolitique, celui pour aller vite d’une Europe de l’esprit, et le faisant descendre non seulement à l’idée du régime politique, qui eut sa grandeur et sa mystique, mais à ce qu’elle est aujourd’hui devenue, une idée démocratique quelque peu fictionnelle où l’on sait seulement qu’au mieux, tout devrait valoir tout et qu’il faut donc tendre à ce mieux – ce qui revient en somme, concrètement, à écrabouiller toute possibilité d’une critique qui ne serait pas du semblant pour simplement informer les gens de ce qu’ils doivent ou peuvent, sinon penser, du moins lire.    

     

    (**) Je ne cite ce nom que parce que le titre de son blog est exemplaire, mais cela vaut aussi bien pour un très grand nombre de ses confrères « prescripteurs ».

     

    (***) En un sens, il est arrivé bien pire encore à la belle dénomination des « Arts et Lettres », dont on fait encore, et le mot est désormais à se pisser dessus, des Chevaliers**** : on ne l’a pas changée.

     

    (****) Je t’en foutrai, moi, une chevalerie de cet acabit.  

     

     

     

  • De la lecture

     

     

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    Voici l’image la plus nette de l’état de damnation, sous la plume de l’errant chérubinique :

     

    « Vraiment pauvre est celui qui ne tend plus vers rien.

    Que Dieu même se donne à lui, il ne Le prend. »

     

    On m’objectera que, dans l’esprit de Silesius, il n’y a là rien d’autre que la nécessité extatique d’abolir, pour trouver Dieu, toute volonté propre. Rien d’autre encore qu’un paradoxal distique dont l’énormité de la proposition, en offrant à l’esprit du lecteur l’ascension du rugueux avers de la déraison, veut suspendre le fade processus de cristallisation de son contraire, et faire souffler sur la raison le vent froid de la folie.

     

     

     

    Juan Asensio, La Chanson d’amour de Judas Iscariote