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femmes - Page 2

  • Printanière poésie couleur femme

    (Billet initialement paru sur Ring : ici)

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    Quand une amie, en voiture l’autre jour, m’a annoncé en rigolant franchement que le thème du Printemps des Poètes de cette année était Couleur de femme ou Couleur femme (elle ne savait plus trop, et je ne puis point lui en vouloir, l’expression ne pouvant être réputée poétique que de n’avoir aucun sens précis) et que la manifestation débutait le 8 mars, date de la Journée de la Femme (qui est celle aussi, du coup, de la très justifiée Blague misogyne), j’ai d’abord émis l’hypothèse improbable mais drôlatique (enfin, relativement) qu’il y avait là une coquille (au sens de la typographie, pas de l’œuf) et qu’il devait être en réalité question de je ne sais quelle Coulure de femme (c’est de l’humour à la mode non point machiste mais féministe, me justifié-je illico, songeant avec nostalgie à cet ancien journal féministe intitulé Le Torchon brûle, revue menstruelle) et, bref, nous avons bien rigolé tous les deux.  

    Plus tard, je me suis renseigné sur internet. C’était bien Couleur femme. Le titre était emprunté au recueil de poèmes d’une dame nommée Guénane Cade. Le site officiel du Printemps des Poètes donne un extrait de sa poésie (sans préciser d’ailleurs si elle vient bien de ce recueil-là, mais bon) ; je ne crains pas de le recopier ici :

     

    « Ouvre la fenêtre

    les yeux les bras

    tout est ici

    ici-bàs

    ici bat la poésie

    d’autre monde il n’y a pas.

     

    Être Poète

    c’est prendre les mots

    par la main

    pour craindre moins

    d’avancer

    seul

    au cœur des masques collés

    sur la vie.

     

    Être poète

    c’est percer une fenêtre

    quand le mur n’en a pas. »

     

    C’est beau, hein ?

    Puissant, profond, simple, pigeable illico, archi-rabâché, pétri de lieux communs. (J’ai même recopié les coquilles : « ici-bàs » ; avec les poètes on ne sait jamais.)

    Il dit d’ailleurs la vérité, ce poème, quoique bien malgré lui : dans ces temps pourris de transparences diverses et d’assauts répétés contre le dernier mur en carton-pâte séparant le privé du public, il n’y plus guère partout que d’immenses baies vitrées dans lesquelles il serait parfaitement crétin d’aller percer des fenêtres. « A quoi bon des poètes par temps de fenêtres ? », comme ne disait pas Hölderlin.

     

    Mais peu importe, cela m’a donné envie.

    Oui. Pourquoi ne serais-je point poète, moi-z-aussi ?

    Quitte à rajouter un e à mon prénom, afin de bénéficier des privilèges idiots qu’on accorde aux poètes femmes cette année (en contrepartie de quoi, d’ailleurs – je pense vraiment qu’il faudrait un peu se poser la question ?).

    C’est vrai, quoi. Il suffit de revenir fréquemment à la ligne, en somme de tronçonner sa banale phrase en morceaux pour la tartiner tranquillement sur la page en espérant que ce douteux artifice lui donnera la profondeur dont elle manque d’évidence. Yapluka. D’autant qu’on peut dire ce qu’on veut comme on veut, et de préférence n’importe quoi n’importe comment.

    (Je m’étonne toujours, à cette heure sinistre où le ciel bas et lourd pèse comme un couvercle, que mes amis écologistes bon teint ne tonitruent pas davantage contre les poètes gaspilleurs de papier qui passent leur temps à foutre sur une page pleine ce qui aurait pu tenir en trois lignes franchement pas indispensables. Oui, ces baratineurs de long de poètes printaniers qui bouzillent des forêts à la moindre renécharade que leur esprit flatule, il n’en est jamais question sur vos tracts en papier recyclé de campagne électorale, amis écologistes.)

    Pourquoi s’emmerder, hein ? Devenons poète à notre tour et perçons une salutaire fenêtre dans la baie vitrée (je trouve l’image moins éculée que le sempiternel enfonçage de portes ouvertes – merci Guénane Cade).

     

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  • 6. Vigie

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    Elle lui demanda ce qu'elle devait devenir et, mon Dieu, il n'avait aucune réponse.

    Le silence pesa longuement.

    Après tout, c'était une belle nuit avec une grosse lune bien emmêlée dans les arbres d'hiver.

    Il dit juste : Je sortirais bien.

    Après qu'il eut marché un peu dans l'air glacé, sous la bruine, il répondit ; mais c'était vers deux heures du matin et elle n'était pas là.

    Alors il fit du café et demeura debout dans la cuisine.

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

  • 2. Sagesse et boucherie

     

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    Ça avait dû lui arriver deux fois d’être amoureux d’une fille et de courir derrière et de se faire jeter. Après quoi, à voir d’autres garçons dans les mêmes affres idiotes, il perçut nettement le ridicule de la situation. Une feinte indifférence lui ramena les suffrages féminins, dont il usa quelques années. Et maintenant, il se demandait à quel moment son indifférence avait cessé d’être feinte ; et ce qu’il pourrait bien faire de tous ces appels d’offre. Bref, il était encore à mille lieues du silence.

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

  • 1. Start me up

     

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    C’était vers minuit dans cette soirée où les jeunes écoutaient de la musique de vieux… Elle avait commencé sèchement par : Tu ne me reconnais pas ? et maintenant qu’elle avait lâché la phrase qu’elle était venue lui dire, il ne voyait plus dans son œil que de la haine et de l’envie. Il se demanda une seconde s’il se pouvait vraiment qu’il eût fait ça. Après tout, des soirées trop arrosées, dont il ne s’était jamais rappelé l’issue, il n’y en avait pas eu tant que ça et ça commençait à remonter à loin. Non, cette fille devait être folle, simplement. Peut-être qu’elle faisait souvent ce coup-là à des types. Alors, il lui dit le plus gentiment possible qu’il la plaignait, et sortit fumer.

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

    (Disons que c'est le début d'une série d'au moins deux billets)

  • Je suis un phantasme

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    Formation :

    – Ne mens que lorsque c’est inutile.

    – Expliquez-moi.

    – Non.

     

    Il a mis très longtemps à comprendre.

    Et d’abord il a compris des choses fausses.

    Et ce qu’il a aujourd’hui compris ne l’est sans doute pas moins.

     

    Il a maintenant un éventail de réponses.

     

     

     

    Un ami :

    – Tu sais ce que c’est, ton problème ?

    – Non. Mais je sens que tu vas m’éclairer.

    – C’est que tu es beaucoup trop intelligent.

    – Ça, ce serait plutôt ton problème avec moi, non ?

    – Connard.

     

    Il n’aime pas le pouvoir ; et son intelligence doit demeurer inemployée.

     

     

     

    Personne ne triche autant que celui qui croit pouvoir, de ce qu’il pense de lui et de ce qu’on dit de lui, se connaître ; et devient ainsi à lui-même son phantasme, finissant même par imaginer ce qu’on eût dit, en son absence, de lui. Combien de romans ?

     

     

     

    En son absence, donc :

    – C’est un garçon auquel il n’est pas difficile de comprendre l’adversaire.

    Le nombre de nos motivations est extrêmement limité.

    – Demandez-lui d’écrire des rapports, alors.

    – Nous l’avons fait. Ils sont très simples. Mais nous les lisons mal.

    – Et dans l’action ?

    – Ou il désarme l’adversaire comme on retire à un enfant son jouet ; ou il prend toute la charge pleine gueule.

    – Et dans le second cas ?

    – Eh bien, il s’en fout.

    – Il s’en fout vraiment, ou bien est-ce affecté ?

    – Je ne sais pas.

    – De toute façon, ça revient au même.

    – Oui.

    – Bloquez-le dans des tâches subalternes. Humiliez-le doucement.

     

    Ceci est un autoportrait triché.

     

    Par exemple, il ne contient pas de dialogue avec des femmes.

    J’ai déjà donné.