C’était presque amusant.
La répétition par tous moyens d’un nombre certain de formules, variées à toute heure du grotesque au tragique, quoi qu’il ne pût admettre que différentes injures dussent désormais lui servir d’approximatif et réducteur éloge, était au moins parvenue à ce qu’il ne se sentît presque plus insulté de quelques compliments génériques déversés là à son intention supposée.
Il en concluait, un peu naïvement, que l’époque gagnait ; et encore qu’un certain nombre des personnes de l’élite autorisée à parler en public claironnaient leur vertu, plastronnaient leur supériorité morale et au surplus encaissaient de confortables émoluments en affectant une culpabilité d’apparence envers d’autres personnes dont elles poétisaient platement le sort parfois vraiment peu enviable et que leur mépris bien réel se plaisait à fourrer d’autorité dans des cases à la rigidité terrifiante, selon des critères par eux-mêmes imbéciles et n’ayant de toute façon aucune autre finalité que de leur permettre de conserver leur propre rang dans l’institution stratosphérique où elles évoluaient, et, si possible, de l’améliorer. De sorte que cette élite de toute façon sans légitimité ne se perpétuait que de chanter les louanges de la piétaille sur laquelle elle marchait à toute heure, condamnant sans appel à la relégation morale toute personne d’un rang intermédiaire se refusant à entonner gaiement avec elle cette tartufière hymne qui avait emprunté son canon au plus lénifiant christianisme, non sans l’avoir préalablement dépouillé de ses noms propres.
C’était l’une des raisons, après maintes déconvenues publiques dont il avait tardé à mesurer l’extrême logique, qui l’avait amené à s’exprimer exclusivement en privé, mais pas avec tous et jamais sans quelques précautions. Aussi regardait-il avec un dégoût qu’il maquillait quelquefois des airs de la fanfaronnade un très grand nombre de ces artistes en guimauve révolutionnaire venus d’eux-mêmes à ce putride abreuvoir mendier une flaque de pisse en rabe.