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Scènes

  • Le président, la journaliste et rien (extraits)

     

     

    Nous donnons ici quelques brefs extraits de la pièce Le président, la journaliste et rien, qui sera donnée les 16 et 17 mars 2017, à 19h30, à Reims, au Cellier, rue de Mars.

    Texte et mise en scène PASCAL ADAM Avec LUCIE BOSCHER FRED POUGEARD PASCAL ADAM et la voix d’ARNAUD FREMONT Collaboration artistique BENJAMIN DUVAL Lumières ELIE ROMERO Son DAMIEN ROCHE Construction SIMON SANAHUJAS

     

    EXTRAITS

     

    LE PRESIDENT. – On montre une chose, on dit que c’en est une autre et les gens marchent, c’est ça ?

    LA JOURNALISTE, taquine. – Vous ne faites pas ça aussi, vous ?

    LE PRESIDENT. – Si. C’est ça, le pouvoir.

    *

    LE PRESIDENT. – Vous savez, je ne vous enfermerai pas.

    LA JOURNALISTE. –  Oh, pourquoi ?

    LE PRESIDENT. – Nous ne sommes pas seuls. Je ne suis pas libre.

    LA JOURNALISTE. –  C’est dommage, ça m’aurait fait de la promotion.

    LE PRESIDENT. – Je suis désolé, vraiment désolé.

    *

    LE PRESIDENT. – Voilà. Ce n’est pas tout, ça. Il va encore falloir que j’aille leur parler moi-même. Mais je n’ai rien à leur dire à ces braves gens.

    *

    LE PRESIDENT. – On montre une chose, on dit que c’en est une autre.

    LA JOURNALISTE. – Ton pouvoir, mon scandale.

    LE PRESIDENT. – Oui, j’aurais volontiers profité de toute cette… transparence pour passer d’une autre main quelque chose d’important, de vraiment important. Un changement énorme.

    LA JOURNALISTE. – Quoi, par exemple ?

    […] LE PRESIDENT. – Rien. Je n’ai rien trouvé d’important que j’aurais pu faire.

    *

    LE PRESIDENT. –  Oui, maintenant, nous savons que c’était vraiment très mal de vouloir conquérir et dominer le monde.

    LA JOURNALISTE. – Et nous laissons généreusement cela à de très méprisables gens qui ne sont vraiment pas gentils. Le patron de mon journal, par exemple.

    LE PRESIDENT. – Cela est juste et bon.

    *

    LE PRESIDENT. – N’empêche, avec toutes ces bêtises de gens qui ne sont pas d’accord, je vais être obligé de me présenter contre moi sous un autre nom encore.

    LA JOURNALISTE. – Et vous pourrez rester aux commandes de l’ennui.

    *

    LE PRESIDENT. – […] Moi, ça me rend nostalgique.

    LA JOURNALISTE. – De quoi ?

    LE PRESIDENT. – Du temps, ma poète, qu’on pouvait innocemment massacrer l’opposant. Et en faire quelque chose dans nos usines d’ici. Alors qu’aujourd’hui, il faut l’entretenir, le choyer, le nourrir, le gâter, le pourrir… Staline, relève-toi, ils sont devenus mous !

    […] LA JOURNALISTE. – Mais vous savez, c’est seulement pour rire que je m’oppose. Pour vous soutenir. Par amour, oui, par amour.

    *

    LA JOURNALISTE. – Des morts. Des morts partout. En plein Paris.

    LE PRESIDENT. – Oui, oui, vous avez été attaqués. C’est terrible, je sais.

    LA JOURNALISTE. – Mais, c’est la guerre, alors ?

    LE PRESIDENT. – D’un côté oui, d’un côté non. Ne dramatisons pas.

     

     

     

     

     

     


  • Dark

    Photos : Alain Julien

     

    Je ne connais pas de monde meilleur.
    La morale débile des victimes laisse peu à espérer.

    Ingeborg Bachmann, Poèmes inédits (1962-1967)

     

    Bienvenue dans le monde mort de la liberté,

    Gueule de bois longue autant qu’est longue et brève la vie dure,

    Insensée. Sans espoir autre que ce pétard mouillé de l’espoir qui chaque fois fait croire à son départ et chaque fois

    Fait long feu. Oh non, ce n’était pas une illusion, mais un ratage chaque fois, pas une chimère

    Mais un ratage encore de ce qu’on va tenter encore et rater de nouveau, à nouveaux frais, même si l’on se sent tellement défraîchi déjà, vieille salade jaunasse abandonnée sur son étal, parce qu’on sait et qu’on ne peut pas quand même s’empêcher le temps d’une étincelle

    D’y croire. On n’y croit plus, et on essaie quand même, de toute une force d’inertie, de toute une machinale

    Habitude. Et puis ça rate ainsi qu’on le savait, mais ce putain de savoir en peut mais depuis toujours, et chaque fois pourtant ça entame,

    Ça tape dans la viande,

    Voilà ça entame et ça abîme puis revient l’étincelle à ratage et son long feu encore et l’on s’entame encore et l’on s’abîme encore, sans plus d’espoir en l’espoir pourtant là,

    Ratant. Et quand je dis que ça entame et abîme et entame et abîme, et encore et encore, je parle que ça tape dans la viande, la viande manipulée à distance – par un pouvoir qui n’a pas l’air d’en être un et qui nous fait rêver, chanter parfois, danser peut-être, mais qui surtout fait marcher,

    Oui, par un pouvoir qui fait marcher à côté de ses pompes toute l’humanité viandée, et chaque viande rêve d’être une autre viande pour être consommée mieux par d’autres viandes rigoureusement prises aux mêmes rets d’onirisme marchand –, et donc je parle de comment on tape dans la viande, et je parle

    De la viande mimétisée, la viande putanisée, avariée mais conforme, optimisée, vendue d’avance et consommée par anticipation, et puis je parle, même si je n’en parle pas, de ce fait si simple et de plus en plus mystérieux pourtant – le temps passe

    Et insensiblement broie. Ou bien sensiblement. Ce n’est pas si différent. Mais

    Broie.

     

    3 novembre 2016

     

    J’ai écrit ce petit texte après avoir vu une répétition du spectacle Dark Marilyn(s).

    C’est un spectacle d’une honnêteté d’acier, violent et qui ne donne en rien dans ces mondanités culturelles symétriques que sont la séduction et la provocation.

    Chorégraphe : Marinette Dozeville. Avec Lucie Blain, Anne Bogard, Chloé Favriau, Agnès Pancrassin. Compagnie Marinette Dozeville. Cela jouait début novembre 2016, au Manège de Reims.

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