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Jusqu'à la catastrophe, il ne se passe rien

crédit Emilie Weiss.jpg

Dessin : Emilie Weiss

Je donne ici une espèce de préface ou de présentation à ma pièce Le président, la journaliste et rien que nous donnerons en mars à Reims, pour deux représentations exceptionnelles. Evidemment, puisqu'il s'agit d'une oeuvre de fiction, cela ne saurait être rapporté en rien à aucune situation présente...

 

JUSQU’À LA CATASTROPHE, IL NE SE PASSE RIEN

 

Le domaine de l’histoire était le mémorable, la totalité des événements dont les conséquences se manifesteraient longtemps.

Guy Debord, Commentaires sur la société du spectacle, 1988

 

Catastrophe : C'est le changement ou la révolution qui arrive à la fin de l'action d'un Poëme Dramatique, & qui la termine.

Chamfort et La Harpe, Dictionnaire dramatique, 1776

  

Le président, la journaliste et rien est une pièce de théâtre, et comme pièce de théâtre, je dirais que c’est une pochade, un divertissement si vous voulez. Mais je préfère le mot de pochade, parce qu’il est un peu désuet et qu’en cela il s’accorde assez bien à mes personnages du président et de la journaliste.

Il ne s’agit pas du tout, d’ailleurs, de reconnaître dans ces personnages telle ou telle personne actuellement en exercice à la tête de l’État ou dans les médias ; le théâtre est une chose importante qui n’a que faire des gens insignifiants. Et puis, pour tout vous dire, la première ébauche complète de la pièce date de 2011.

D’ailleurs, comme je parle de gens en exercice à la tête de l’État ou dans les médias, on va penser qu’il s’agit d’une pièce sur le pouvoir – alors que non ; ou sur l’illusion du pouvoir – non plus. Les gens qui sont au pouvoir savent bien qu’ils n’en ont pas réellement ; ou si peu. Et que l’illusion, donc, c’est pour les autres ; et ça tombe bien, ces autres, ils en veulent leur dose, d’illusion ; ou pas…

Par exemple, d’un point de vue quotidien, réaliste, il est certain que les agendas de ces gens en exercice sont très chargés, que ce sont des gens extraordinairement occupés et qui travaillent beaucoup ; mais d’un autre point de vue non moins réaliste et un peu plus historique, à la fin, ils n’ont rien fait qui mériterait qu’on s’en souvienne.

Je suis parti de ce second point de vue et de l’idée en somme que ces gens ne faisaient, au fond, réellement rien, et j’ai placé mon président et ma journaliste non pas dans un cadre professionnel (sinon, vous auriez eu droit à une série d’interviews ennuyeuses) mais dans un cadre privé, je n’ose pas dire amoureux, parce que, tout de même, les mots ont un sens ; un cadre de connivence, disons ; de connivence oisive.

Ce qui fait que dans Le président, la journaliste et rien, c’est le rien qui domine ; haut la main. Alors, ce n’est pas une pièce sur le pouvoir ou sur l’illusion du pouvoir, c’est une pièce sur l’ennui. On est dans les jardins du Palais de l’Élysée, on s’emmerde, on papote.

Et là, bien sûr, afin que l’ennui de ces ratés au fond si peu considérables ne se propage pas aux spectateurs, il a fallu être féroce ; laisser exulter les profonds ridicules, bassesses et bêtises de personnages pourtant peu passionnés ; et rythmer tout cela violemment, en plus ou moins dix-sept scènes très courtes.

De sorte que, pour résumer : jusqu’à la catastrophe, il ne se passe rien.

Et puis la catastrophe, dont on avait nié les signes avant-coureurs, arrive, et elle emporte tout.

 

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