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alain julien

  • Dark

    Photos : Alain Julien

     

    Je ne connais pas de monde meilleur.
    La morale débile des victimes laisse peu à espérer.

    Ingeborg Bachmann, Poèmes inédits (1962-1967)

     

    Bienvenue dans le monde mort de la liberté,

    Gueule de bois longue autant qu’est longue et brève la vie dure,

    Insensée. Sans espoir autre que ce pétard mouillé de l’espoir qui chaque fois fait croire à son départ et chaque fois

    Fait long feu. Oh non, ce n’était pas une illusion, mais un ratage chaque fois, pas une chimère

    Mais un ratage encore de ce qu’on va tenter encore et rater de nouveau, à nouveaux frais, même si l’on se sent tellement défraîchi déjà, vieille salade jaunasse abandonnée sur son étal, parce qu’on sait et qu’on ne peut pas quand même s’empêcher le temps d’une étincelle

    D’y croire. On n’y croit plus, et on essaie quand même, de toute une force d’inertie, de toute une machinale

    Habitude. Et puis ça rate ainsi qu’on le savait, mais ce putain de savoir en peut mais depuis toujours, et chaque fois pourtant ça entame,

    Ça tape dans la viande,

    Voilà ça entame et ça abîme puis revient l’étincelle à ratage et son long feu encore et l’on s’entame encore et l’on s’abîme encore, sans plus d’espoir en l’espoir pourtant là,

    Ratant. Et quand je dis que ça entame et abîme et entame et abîme, et encore et encore, je parle que ça tape dans la viande, la viande manipulée à distance – par un pouvoir qui n’a pas l’air d’en être un et qui nous fait rêver, chanter parfois, danser peut-être, mais qui surtout fait marcher,

    Oui, par un pouvoir qui fait marcher à côté de ses pompes toute l’humanité viandée, et chaque viande rêve d’être une autre viande pour être consommée mieux par d’autres viandes rigoureusement prises aux mêmes rets d’onirisme marchand –, et donc je parle de comment on tape dans la viande, et je parle

    De la viande mimétisée, la viande putanisée, avariée mais conforme, optimisée, vendue d’avance et consommée par anticipation, et puis je parle, même si je n’en parle pas, de ce fait si simple et de plus en plus mystérieux pourtant – le temps passe

    Et insensiblement broie. Ou bien sensiblement. Ce n’est pas si différent. Mais

    Broie.

     

    3 novembre 2016

     

    J’ai écrit ce petit texte après avoir vu une répétition du spectacle Dark Marilyn(s).

    C’est un spectacle d’une honnêteté d’acier, violent et qui ne donne en rien dans ces mondanités culturelles symétriques que sont la séduction et la provocation.

    Chorégraphe : Marinette Dozeville. Avec Lucie Blain, Anne Bogard, Chloé Favriau, Agnès Pancrassin. Compagnie Marinette Dozeville. Cela jouait début novembre 2016, au Manège de Reims.

    Dark026.jpg

     

     

  • Le président, la journaliste et rien / 1. Onze Novembre

    2011

    Je m’étais donné une grosse dizaine de jours, entre Toussaint et Onze-Novembre 2011 pour écrire la pièce.

    Une scène par jour, sans relire. 12 scènes assez courtes.

    Une chose légère, une pochade… phrases simples, répliques brèves.

    Une chose facile à monter. Mais précise.

    Il devait y avoir deux personnages, un président de la République, une journaliste.

    La scène se passe à l’Elysée. L’Etat, les médias, la nécrose.

    Sur la fin, un troisième personnage s’est imposé.

    Le Soldat inconnu ; ou sinon lui-même, son fantôme.

    Le Onze-Novembre donc, j’avais fini.

    Ça s’appelait : LE SOUVERAIN, LE DIABLE ET MOI.

    On n’y trouvait aucun souverain, pas de diable et surtout pas de moi.

     

    2012

    J’ai augmenté la pièce en février 2012.

    Des chœurs un peu trop malins, une savante mise en abîme. Saloperies littéraires.

    Puis j’ai abandonné la pièce en rade, mal achevée.

    Dans la foulée, j’ai suspendu toute activité théâtrale, marre des censeurs, et de la bêtise culturelle.

     

    2014

    Je suis revenu à ce texte en novembre 2014. Presque par hasard.

    Elle résonnait tout autrement, cette histoire d’un président et d’une journaliste…

    En décembre, j’ai coupé un tiers du texte de 2012.

    Grosso modo je suis revenu à la version initiale de novembre 2011.

    J’ai commencé à en causer à mes amis acteurs Lucie Boscher et Fred Pougeard.

     

    2015

    C’était étonnant d’avoir sous les yeux une pièce composée en 2011 et racontant ces amours molles au sommet de l’Etat, et puis la lente désagrégation de tout…

    En février et mars 2015, j’y ai fondu une intrigue parallèle.

    Au final, l’ensemble comporte 17 scènes.

    Fred Pougeard jouera le président, Lucie Boscher la journaliste, moi le soldat inconnu.

    J’avais encore, par habitude, l’idée de la scène, de la représentation, du théâtre.

    Alain Julien s’est proposé de nous filmer. Il s’agira de filmer un théâtre qui ne se jouera pas dans un théâtre.

    J’ai réfléchi au titre, inchangé depuis 2011 (et que je continue d’aimer), et lui ai préféré celui-ci, plus prosaïque, plus franc : LE PRÉSIDENT, LA JOURNALISTE ET RIEN.

    Parce que, pour le coup, il y a bien un président, une journaliste et surtout rien.

    Rien. On ne demande rien, pas de soutien de théâtres ni d’argent public, je n'ai pas de temps à perdre et pas besoin d'autorisation.

    On a commencé à faire des lectures. Avec Fred et Lucie. Puis des lectures en jeu..

    La pièce a commencé d’être traduite en anglais par Catriona Morrison.

    La scène du rêve, la scène 7, ne passait pas ; elle devait être l’envers du reste de la pièce et elle était écrite comme le reste de la pièce…

    En novembre, j’ai réécrit la scène 7. En vers. Alexandrins pour la plupart. Ca l’a développée. Du coup, pour l’équilibre, j’ai réécrit, en vers encore, une partie de la scène (onirique aussi, à sa façon) du  Soldat inconnu.

    J’ai fini ça le Onze-Novembre. Décidément.

    On en est là.

    A bientôt faire une vidéo de cette pièce, Lucie, Fred, Alain et moi.

    Peut-être en feuilleton, c’est à voir.

    Pour figurer l’Elysée, on cherche une casemate, un garage à l’abri du bruit, un lieu insolite, au moins pas habitable. Pour y tourner. A Reims. Ou vraiment juste à côté.