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Porcherie - Page 30

  • Mon nouveau patronyme

     

     

    J’ai réalisé ces jours-ci que mon nom avait changé.

    J’ai, en effet, depuis quelque temps semble-t-il, un nouveau patronyme. Il m’horripile, m’énerve et je le trouve détestable ; je le tiens néanmoins, hélas, dans l’exacte mesure où il ne me revient pas d’en décider, pour acquis.

    Je sais bien qu’il y a des patronymes sur la prononciation desquels, du fait de leur rareté ou d’une consonance étrangère, on s’interroge toujours. Je trouve même souvent admirable l’opiniâtreté légitime qu’ont certaines personnes à faire respecter une prononciation ancienne que nombre de leurs homonymes ont abandonnée depuis longtemps.

    Mais, jusqu’à ces derniers jours, je ne m’étais en rien senti concerné par ses soucis.

    Je me souviens plutôt, enfant, avoir été lassé, vite et souvent, des blagues de mes camarades, lesquels alors ne songeaient pourtant pas le moins du monde à passer pour érudits : – Alors, elle est où, Eve ? etc… Non plus je n’ai nul souvenir que mon père se fût jamais plaint, jusqu’à très récemment, avoir été nommé autrement que Adam.

    C’était un nom que l’on n’écorchait pas, ou seulement par plaisanteries enfantines, volontaires.

    C’est en grande partie grâce, ou à cause des téléphones portables – et précisément du fait de la ségrégation des appels que leur apparition opéra – que j’ai fini par prendre conscience de mon nouveau patronyme. Mes proches et mes collègues m’appelant désormais exclusivement sur cette pratique et tyrannique machine portable, le téléphone fixe de mon domicile semble abandonné, essentiellement aux heures de repas, à l’unique dévolu des « commerciaux » et sondeurs de tous poils. Lesquels, systématiquement, et sans l’ombre même d’une hésitation, m’appellent « Adame ».

    La « chose », sans doute, s’est installée lentement dans le cours des quinze dernières années, et elle est désormais très éloignée du toujours sympathique embarras des interlocuteurs étrangers devant un patronyme sur la prononciation duquel , respectueusement, ils hésitent ou même se trompent.

    Les « commerciaux » et sondeurs, bien sûr, ne sont pas seuls. J’ai ainsi récemment été nommé « Adame » par un officier d’état civil, un jour que j’étais témoin de mariage, par un tout jeune médecin dans une salle d’attente, par un professeur de mathématiques ou de physique (je ne sais plus trop), par un nombre conséquent d’agents immobiliers, et même par un prétendu écrivain des temps post-quedalle… Quoique je ne fréquente guère les offices religieux, je ne « désespère » pas qu’un prêtre quelque jour les imite, ayant récemment entendu l’un d’eux, au prétexte qu’il mariait un brave homme pratiquant à ses heures de loisirs le football, comparer d’une façon à la fois bassement racoleuse et objectivement imbécile les apôtres du Christ aux joueurs d’une « équipe de foot »…

    Les gens qui m’appellent ainsi sont en règle générale plus jeunes que moi, et comme je n’ai guère que trente-sept ans, je crains que leur nombre ne doive aller en augmentant tout le temps du reste de ma vie. Et la phrase banale et convenue : « Je m’appelle Adam » risque fort de ne bientôt plus valoir strictement que pour moi, tant le nombre des gens qui m’appellent autrement tend à croître. La lâcheté, la résignation, le passage du temps, comme aussi la détestation latente ou avouée du christianisme pourrait même tenter certains de mes homonymes d’accepter pour eux-mêmes la nouvelle prononciation de leur nom.

    Car Adam n’était pas seulement un nom très chrétien, c’était aussi un très vieux nom français, quoiqu’il existe évidemment, non sans raison, et sous d’autres prononciations, légitimes celles-ci, dans de très nombreuses autres langues.

    Mais ce n’est pas seulement parce qu’il me touche personnellement que je prends le temps de noter ici ce changement d’importance, c’est avant tout parce qu’il me semble symptomatique de notre basse époque.

     Il me touche personnellement certes, mais je ne suis pas le propriétaire de mon nom, contrairement à une idée reçue comme naturellement aujourd’hui ; j’en suis bien plutôt le gardien, et gardien temporaire. Car mon nom est avant tout un patronyme, c’est-à-dire le nom de mon père, et le nom de son père avant lui. J’ai avant tout à le conserver, et si possible, comme en telle parabole désormais oubliée, à le faire fructifier, seul moyen finalement de réellement le conserver.

    Ce n’est donc pas seulement mon nom qu’on écorche aujourd’hui, c’est également celui de mon père, et celui de son père avant lui ; et celui de mes enfants. Et au-delà encore, c’est ce que désigne dans l’histoire ce nom, en l’espèce celui, symbolique, du premier père de l’humanité.

    Un des tout premiers noms de la Bible. Et le premier nom d’homme à y paraître.

    Qu’on ne se méprenne pas. Je ne demande aucunement à ce qui reste de la laïcité républicaine de transmettre la foi chrétienne ou la foi juive, je lui demande tout bonnement 1. d’apprendre à lire le français aux enfants et 2. de ne pas nier quatre mille ans d’histoire parce que les fariboles religieuses de ces époques obscures n’ont pas l’heur de convaincre ces sommités de la connaissance que sont les actuels professeurs.

    Et même, personnellement, pour y revenir, je ne crois pas du tout qu’Adam ait été pour de vrai le premier homme, créé par Adonaï au sixième jour du monde, ainsi qu’il est dit dans le pourtant irremplaçable Livre de la Genèse. Non. Mais je crois que cette histoire est importante historiquement, que son rôle dans la formation de notre civilisation n’est absolument pas négligeable, et que toutes autres considérations, finalement, sont bonnes pour les chiottes.

  • Nouvelles élites

     

    Je crains que l’humour de la célèbre chanson de Georgius, l’Amuseur Public N°1, Au lycée Papillon, qui date de 1936, ne puisse bientôt plus être compris par personne…

    Et peut-être même demain, un quelconque normalien ou énarque ne pourra plus éprouver qu’ennui à la simple lecture de ces paroles ; et il se demandera dans son sabir ce qui a bien pu pousser un méprisable chanteur de variété à résumer et compiler, sans humour ni distance, un nombre de connaissances supérieur à celles qui lui furent transmises à l’Ecole élémentaire.

     

    Puisque nous sommes aujourd’hui, comme eût dit l’autre, et qu’aujourd’hui est le jour, comme eût dit ce même, où la lecture aux lycéens de France de la lettre de Guy Môquet semble poser quelques problèmes de conscience politicienne aux professeurs d’histoire vivant sous le régime du Président Grenelle, j’ai l’honneur de proposer ici, très sérieusement, aux professeurs des écoles élémentaires de remplacer l’intégralité de leur chétif programme d’histoire, puisqu’il appartient à l’éminente catégorie des « activités d’éveil » (1), par la chanson de Georgius dont je reproduis ici l’intégralité :

    AU LYCEE PAPILLON

    Paroles: Georgius. Musique: Juel  
    © Editions Paul Beuscher

    Elève Labélure ? ... Présent !
    Vous êtes premier en histoir' de France ?
    Eh bien, parlez-moi d'Vercingétorix
    Quelle fut sa vie ? sa mort ? sa naissance ?
    Répondez-moi bien ... et vous aurez dix.
    Monsieur l'Inspecteur,
    Je sais tout ça par cœur.
    Vercingétorix né sous Louis-Philippe
    Battit les Chinois un soir à Ronc'vaux
    C'est lui qui lança la mode des slip...es
    Et mourut pour ça sur un échafaud.
    Le sujet est neuf,
    Bravo, vous aurez neuf.

    {Refrain:}
    On n'est pas des imbéciles
    On a mêm' de l'instruction
    Au lycée Pa-pa...
    Au lycée Pa-pil...
    Au lycée Papillon.

    Elève Peaudarent ?... Présent !
    Vous connaissez l'histoir' naturelle ?
    Eh bien, dites-moi c'qu'est un ruminant.
    Et puis citez-m'en... et je vous rappelle
    Que je donne dix quand je suis content.
    Monsieur l'Inspecteur,
    Je sais tout ça par cœur.
    Les ruminants sont des coléoptères
    Tels que la langouste ou le rat d'égout,
    Le cheval de bois, le pou, la bell'-mère...
    Qui bav' sur sa proie et pis qu'aval'tout.
    Très bien répondu,
    Je vous donn' huit... pas plus...

    {Refrain}

    Elève Isaac ? ... Présent
    En arithmétique' vous êt's admirable,
    Dites-moi ce qu'est la règle de trois
    D'ailleurs votre pèr' fut-il pas comptable
    Des films Hollywood ... donc répondez-moi.
    Monsieur l'Inspecteur,
    Je sais tout ça par cœur.
    La règle de trois ? ... C'est trois hommes d'affaires
    Deux grands producteurs de films et puis c'est
    Un troisièm' qui est le commanditaire
    Il fournit l'argent et l'revoit jamais.
    Isaac, mon p'tit
    Vous aurez neuf et d'mi ! ...

    {Refrain}

    Elève Trouffigne ? ... Présent !
    Vous êtes unique en géographie ?
    Citez-moi quels sont les départements
    Les fleuv's et les vill's de la Normandie
    Ses spécialités et ses r'présentants ?
    Monsieur l'Inspecteur,
    Je sais tout ça par cœur.
    C'est en Normandie que coul' la Moselle
    Capital' Béziers et chef-lieu Toulon.
    On y fait l'caviar et la mortadelle
    Et c'est là qu'mourut Philibert Besson.
    Vous êt's très calé
    J'donn' dix sans hésiter.

    {Refrain}

    Elève Cancrelas ? ... Présent !
    Vous êt's le dernier ça me rend morose.
    J'vous vois dans la class' tout là-bas dans l'fond
    En philosophie, savez-vous quèqu'chose ?
    Répondez-moi oui, répondez-moi non.
    Monsieur l'Inspecteur,
    Moi je n'sais rien par cœur.
    Oui, je suis l'dernier, je pass' pour un cuistre
    Mais j'm'en fous, je suis près du radiateur
    E puis comm' plus tard j'veux dev'nir ministre
    Moins je s'rai calé, plus j'aurais d'valeur,
    Je vous dis : bravo !
    Mais je vous donn' zéro.

    {Refrain}

    Elève Legateux ? ... Présent !
    Vous êt's le meilleur en anatomie ?
    Répondez, j'vous prie, à cette question
    Pour qu'un être humain puiss' vivre sa vie
    Quels sont ses organ's, quell's sont leurs fonctions ?
    Monsieur l'Inspecteur,
    Je sais tout ça par cœur.
    Nous avons un crân', pour fair' des crân'ries
    Du sang pour sentir, des dents pour danser
    Nous avons des bras ...
    C'est pour les brass'ries
    Des reins pour rincer
    Un foie pour fouetter.
    Bien. C'est clair et net
    Mais ça n'vaut pas plus d'sept.

    {Refrain}

    (1). On peut lire aux pages 6 et 7 du Rapport sur l’enseignement des lettres au collège (2005) de l’Association des Professeurs de Lettres, cette citation de Pierre Nora, tirée de l’ouvrage collectif de 47 historiens sous la direction d’Alain Corbin, 1515, les grandes dates de l’histoire de France revisitées par les grands historiens d’aujourd’hui (Seuil, 2005) : «  La valse des programmes et des instructions, depuis qu’en 1969 l’histoire a cessé d’être une discipline autonome de l’enseignement primaire pour devenir une partie des « activités d’éveil », prouve assez la trappe qu’a ouverte sous les pieds des professeurs d’histoire la disparition apparemment innocente et libératrice d’une liste obligatoire de dates sèches, sans chair et sans vie. »

  • Socialisme

     

    Qu’est-ce que la suppression des heures de cours du samedi matin à l’école élémentaire, monsieur Darkos (sic ?), sinon l’application à l’échelle scolaire des « 35 heures » ?

     

     

    Votez Grenelle !

  • Paraporo

    Paraporo.

    C’est le mot du jour.

    C’est écrit dans la copie d’un élève de sixième.

    Ce n’est pas une tribu d’un continent lointain.

    Paraporo.

    Ça ne dit pas, mais ça voudrait dire : par rapport au. Ou : par rapport aux.

    L’enfant qui a écrit cela est en classe de sixième.

    Cela signifie donc que son niveau satisfait aux exigences de l’école élémentaire.

    Paraporo.

    C’est beaucoup plus grave qu’une déplorable faute d’orthographe au mot rapport.

    Le mot rapport, mal orthographié, indique au moins que l’enfant a compris, de cette compréhension de l’usage, qu’il est question d’un rapport.

    Dans paraporo, il n’est pas question de rapport. Dans paraporo, il n’est question de rien du tout.

    Paraporo.

    L’école avait déjà fait fi de l’orthographe, elle avait déjà jeté grammaire et syntaxe par la fenêtre, elle est maintenant en train de débarrasser la langue française (sic) de ses mots.

    Le français est une langue dans laquelle, enfin, il n’y a plus de mots.

    Ce n’est pas trop tôt.

    Paraporo.

    L’école est un carnage. C’est une boucherie. Une porcherie.

    L’école est un scandale. C’est une honte.

     

     

    L’abrutissement et l’analphabétisation de toute une Nation – l’ « éducation » est nationale, non ? – est un programme politique. (Certainement… certainement, des imbéciles de bonne foi, les pires, ont-ils commis sur des générations de cobayes quelques « erreurs » de didactique pédagogique. Mais à présent, les résultats étant ce qu’ils sont, ne rien faire, ou demander à ces mêmes imbéciles leurs conseils, ce qui revient au mieux à ne rien changer, c’est traiter cet abrutissement national en succès.)

    C’est également un suicide.

    Je n’ai pas du tout de goût pour la manie voltairo-américaine des procès, mais je suis tout de même étonné que des parents d’élèves, toujours si prompts pourtant à récriminer contre les enseignants, l’Education nationale, etc. (mais peut-être se plaignent-ils seulement qu’il y ait trop de travail, pas assez d’informatique ou de sorties au cirque citoyen) n’aient toujours pas eu l’idée d’attaquer en justice l’Etat français pour la manière dont il traite ou a traité leurs enfants. Parce que cette porcherie est obligatoire, évidemment.

    Il y a des matins où, quand je vois l’étendue de ce qu’on n’apprend plus aux enfants, je voudrais voir fleurir partout dans le pays dix mille, quinze mille, cent mille plaintes… Tenez, une par bachelier depuis vingt ans…

    C’est tout. Vous pouvez accéder, de ce blog, par les Liens proposés, à la pétition proposant de refonder l'école.