Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

... à César ce qui est à César...

monnaie caesar.jpg

 

 

Et nunc, reges, intelligite ; erudimini, qui judicatis terram(1).

 

Je m’y suis mal pris au café l’autre jour, j’ai essayé de clarifier à cette jeune femme la différence entre les deux reconnaissances, ou plutôt ce que j’entends par là…

Mais, après tout, cela peut-être peut-il seulement s’écrire – et encore…

 

 Il y a la reconnaissance des vivants – dans le meilleur des cas celle de ceux que soi-même on reconnaît, et qu’on attend, avec une patience immense, et dans les autres cas la reconnaissance qu’on achète, d’un mot, d’un sou ou d’un coup de bite, c’est pareil (le machin journaliste, en somme) et qui, parce que payée d’une façon ou d’une autre, flatte, toujours imbécilement ; et puis il y a la reconnaissance des morts, laquelle on n’est jamais certain d’obtenir, bien sûr, et qui est la seule au fond derrière laquelle courir, même en vain, surtout en vain, forcément en vain…

Oh, ces morts aussi, bien sûr, sont ceux, les quelques-uns, que soi-même on reconnaît ; et ils ne parlent pas, ils ne parlent jamais au sens du bavardage social, mondain, et quand nous prétendons dialoguer avec eux, serait-ce un peu outrecuidant, il faut leur laisser toujours le dernier mot, sous peine d’abuser d’eux, et pire encore, de nous. Parce qu’ils sont ceux qui disent, à travers le temps.

(Il y a bien sûr le cas de ceux qui, très malins, trop malins peut-être pour être intelligents vraiment, je veux dire au sens propre de l’intelligence, prétendent à ce dialogue avec des morts prestigieux pour s’acheter la reconnaissance de vivants très médiocres, plus médiocres mêmes qu’eux… et ces petits malins-là, jamais à court d’une prostitution, feront profession bientôt, à peu de frais, de prétendre reconnaître aussi qui voudra bien se prosterner bassement à leur étal (2))

Mais non, c’est vers les morts, avec amour, qu’il faut marcher en éclaireur à travers la ténèbre ; après bien sûr qu’on les aura choisis – et ils peuvent être aussi bien votre grand-père que Molière ou Stendhal (3). Et pour peu que vers eux seuls on marche, en quête de cette chose qu’on n’obtiendra pas, faute jamais d’une certitude qui apaise, on peut être léger, je dirais même heureux, le cœur léger, les lèvres sifflant une chanson vieillotte, heureux, oui, prêt à mourir.

 

 

 

(1)   « Maintenant, ô rois, apprenez ; instruisez-vous, juges de la terre… » Psaume II, verset 10, tel que cité par Bossuet dans l’Oraison funèbre d’Henriette-Marie de France.

(2)   Le premier nom parmi les contemporains qui me vienne à l’esprit est celui de ce bon Philippe Sollers.

(3)   Qu’on me pardonne de limiter cette liste à ces deux noms français…

 

 

 

 

Les commentaires sont fermés.