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Culture en danger

 

David_Bowie_-_Diamond_Dogs-front.jpg

Ma seule note dédiée (et encore) au Festival d’Avignon 2010 – dont le programme officiel était une fois de plus écrit avec les pieds (1).

C’est amusant.

Aux infos, la suppression du Capes de Lettres Classiques. Le latin et le grec auront bientôt tout à fait disparu de la culture de ce pays… Ou plutôt, ce sera bientôt ce pays qui aura disparu de la culture (un peu d’ordre ne nuit pas). Tu parles d’une exception française !

 D’un autre côté, je recevrai toujours des mails d’infos d’un groupe de professionnels de la profession spectaculiste intitulé Culture en danger qui, par ignorance professionnelle (c’est ce qui remplace la conscience), ne parlera jamais de la disparition de toute culture classique parce qu’il ne parlera jamais que de pognon, que du pognon nécessaire à continuer d’imbécilliser les imbéciles. Bien.

Péguy déjà avait vu dans la naissance des lettres modernes la mort des lettres classiques, mais Péguy est assurément un vieil imbécile. Ce qu’il n’avait en revanche pas vu, je crois, c’est dans la naissance des lettres modernes la mort des lettres modernes.

 

 

 

J’ai claqué des doigts et, évidemment, il ne s’est rien passé.

C’était une belle matinée de juillet, assez tôt, en Avignon, et je buvais un café en terrasse, au soleil. J’étais dans une colère froide et j’aurais aimé anéantir cette ville d’un claquement de doigts, et seulement d’un claquement de doigts parce que tout ce tas d’immondices ne mérite pas que quiconque fasse davantage d’efforts.

C’est ainsi que la médiocrité survit, peut-être. Elle ne mérite pas davantage que le claquement de doigts qui la renverrait au néant, mais bien sûr aucun claquement de doigts ne renvoie au néant aucune médiocrité.

Et c’est ainsi finalement que la médiocrité prospère.

Et merde, donc.

 

(« Merde » est sans doute un claquement de doigts mental.)

 

 

Presque 1300 spectacles divers et avariés (avec sans doute des exceptions çà et là – j’espère) dans le Festival Off – et un programme écrit avec les pieds par les zartistes eux-mêmes. A vue de nez, et d’index – je cause de mon nez mais des index du programme –, 95% d’auteurs du XX° siècle et 5% d’auteurs d’avant le XX° siècle – les infatigables Shakespeare et Molière, tout de même ! – parmi lesquels on a jugé bon de répertorier Barack Obama !

Là-dedans, zéro Corneille. C’est vrai, ça intéresse quelqu’un, Rome, l’Empire romain ? Ça n’a sans doute jamais été une référence française, d’ancien ou de nouveau Régime… Et un penseur en actes de la guerre civile, des guerres civiles ? Non plus. Allons, allons, qu’est-ce que vous allez faire rire les gens avec des tragédies de guerres civiles ? Notre actualité n’est pas là (2).

Bonsoir.

 

 

Et en fait de culture classique, latine et grecque, comme je ne suis pas du tout un garçon de mon temps, tout ce que m’évoquait ce matin-là ce Festival que je venais d’échouer à anéantir d’un claquement de doigts, c’était la fin de la brève intro de l’album Diamond dogs de David Bowie que je gueulais dans mon for intérieur, non sans y avoir remplacé Rock’n’roll par Theatre :

 

This ain’t Theatre –

This is genocide

 

Bowie sur son album avait d’ailleurs eu l’idée de crier ces mots par-dessus les applaudissements d’une foule enthousiaste.

Ici aussi, on applaudit ; et les applaudissements ne sont pas enregistrés (3).

 

 

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(1) J’ai été plus disert en 2008 ; on trouvera les articles rangés dans la colonne de droite, assez bas, sous le titre « Critique du festival d’Avignon 2008 ». En 2009, je me suis seulement laissé aller à ceci : Mauvaise foi versus zombies.

Corneille Penguin Classics.jpg(2) Quand il y aura un ministère de la culture, on pensera à le faire traduire, Corneille ; en anglais, par exemple. George Steiner en 1961 dans La mort de la tragédie remarquait déjà l’absence en anglais de Racine et Corneille, et estimait Corneille plus traduisible. Depuis, trois pièces de Corneille en un volume chez Penguin Classics, et c'est tout.

(3) Je me demande combien d’heures d’applaudissements continus cumule l’ensemble d’un festival comme celui-ci ; et si ce n’est pas là, au fond, tout ce qu’il y aurait à entendre, et qu’on ne peut évidemment point entendre.

 

 

 

 

 

 

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