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Réel réel

Partons donc, si vous le voulez bien, de cette note en bas de page de Jean-Claude Michéa (L’enseignement de l’ignorance).

 

Quand la classe dominante prend la peine d’inventer un mot (« citoyen » employé comme adjectif) et d’imposer son usage, alors même qu’il existe, dans le langage courant, un terme parfaitement synonyme (civique) et dont le sens est tout à fait clair, quiconque a lu Orwell comprend immédiatement que le mot nouveau devra, dans la pratique, signifier l’exact contraire du précédent. Par exemple, aider une vieille dame à traverser la rue était, jusqu’ici, un acte civique élémentaire. Il se pourrait à présent que le fait de la frapper pour lui voler son sac représente avant tout (avec, il est vrai, un peu de bonne volonté sociologique) une forme, encore un peu naïve, de protestation contre l’exclusion et l’injustice sociale, et constitue à ce titre, l’amorce d’un geste citoyen.

 

(L’humour – noir, il est vrai, mais que voudrait-on ? – de Michéa, je trouve, n’a pas été assez noté. L’expression « un peu de bonne volonté sociologique » est un sommet.)

 

A l’adjectivation des substantifs ayant déjà un adjectif (citoyen remplaçant civique) correspond également la substantivation des adjectifs ayant déjà un substantif : réel était l’adjectif provenant de réalité ; il tend aujourd’hui à le remplacer : voilà qu’à toutes les sauces, on nous fourgue du réel.

 

Il faut donc que le réel soit l’exact contraire de la réalité.

 

J’en conclus ce billet, quitte à paraphraser une phrase attribuée à Malraux, et déjà passablement galvaudée, d’une note guillerette, sinon pas même optimiste :

 

Le réel sera citoyen et il ne sera pas.

 

Ce qui est très logique, merci.

Commentaires

  • Ceci n'est pas un citoyen, dirait Magritte.

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