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ville

  • Sentences III

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    Infraction

    La boue, la boue dans laquelle je suis né, dans laquelle j'ai grandi et puis vécu adulte, oui, cette boue, si ignoble soit-elle, dont intimement je me sens constitué depuis des générations, combien elle me paraît aujourd'hui moins sale que cette ville mortifère dont le crime et la vanité ont fait une capitale historique, une ville du passé, seulement du passé !

     

    Désarroi
     
    Et moi, monsieur le président, qui suis un lave-vaisselle déjà vieux de quatre ans, nom d'une couille en bois, j'aurais tellement aimé être un four micro-ondes dernière génération et mourir en réchauffant un cassoulet industriel au canard dont les cuisses rabougries sont faites de viande de porc reconstituée en Chine ou en Allemagne, enfin un de ces pays qui a jeté le rien d'honneur qui lui restait contre un bonne grosse carotte à s'enfoncer soi-même dans le cul, alors ta gueule, ta gueule, ta gueule, monsieur le président sous vide, mort aux cons et vive le Qatar libre !
     
     
     
    Poisson
     
    Que mon échec avéré serve au moins à ceci : que je revienne un jour futur, et partant : hypothétique, sur ce qui m'a fait, ne pouvant ignorer ces effluves nous environnant, rêver absolument de prendre la tête de cette pseudo-culture qui déjà, oui, je me répète, puait si fort.
     
     
     
     
  • Cellule

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    Retour enfin après trois mois de pérégrinations diverses au bureau, table bleu rouille de bois mal joint, papiers oubliés là au dos desquels écrire, plutôt griffonner, stylo de fortune. Une seule chaise, et pliante encore, pas de téléphone, d’ordinateur, des cartons fermés de livres au sol, pour le chauffage on attendra octobre, voire novembre. Rien que le nécessaire, ou guère plus. Un nécessaire d’Occident riche, disons. Et la lumière du jour, claire et froide, déjà presque hivernale, par la large fenêtre. Plaisir d’écrire ces pauvres lignes avec son manteau sur le dos tandis que tousse la cafetière. Amusement aussi de regarder comment le désordre peut régir si peu d’objets, feuille de papier froissée, pipes pas vidées, un verre à vodka vide et sale au sol, deux cendriers trop pleins. Repos certain à prendre ces objets banals pour paysage. Pourquoi la contemplation s’attacherait-elle à je ne sais quelles choses réputées extraordinaires ? Il y a ce qu’il y a et, littéralement, tout est là. J’ai traversé la ville plusieurs fois ce matin, à pied et en voiture, elle m’a semblé absente, une manière de désert. J’ai vu des gens pourtant, nous nous sommes parlé, rien déjà ne reste de cela, la ville bouffe la présence, la fait disparaître, elle efface, recouvre, puissance d’oubli, ou d’oblitération. Et je m’en trouve ici comme retiré, provisoirement, sensation pleine, absence autre, que n’entame pas, ou pas vraiment, mais peut-être accompagne, l’incessant passage des bus, en bas, ce manège. Avec cet effort à présent de silence, me ressouvient ce qui, dans cette matinée urbaine de rendez-vous variés, ne colle pas exclusivement au prétexte de l’utilité, de l’efficacité. Bien. Au travail.

     

     

  • Zones

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    – Ils sont tout de même marrants, me dit le vieux en allumant un clopiot comme seuls les anarchistes savent les rouler. Ils vont multiplier les hangars de marchandises, ces saloperies avec leurs parkings et leurs panneaux publicitaires de merde à l’entrée des villes toutes identiques ; et pour cela, ils vont vider les centres-villes de leurs petits commerces, avec leurs rues piétonnières (piétonnières, c’est du français dégueulasse !), leurs taxes de salopards, leurs interdictions de fumer des clopes, et l’alcool qui va suivre, sinon pas la viande rouge. C’est le plan commercial. D’un autre côté, ils vont désenclaver, comme ils disent, les quartiers sensibles, et leur permettre d’accéder aux centres-vides. C’est le plan social. Autant dire qu’ils vont faire des centres-villes à l’abandon le terrain de jeu des bandes rivales de connards, leur champ de bataille. Et il n’y aura même plus un flic, puisque ces connards-là foutront des contredenses aux gars mal garés sur les parkings des zones…

    – En somme, il n’y aura plus que des zones…

    – L’urbanisme, c’est encore et toujours la destruction des villes. La fin de l’Histoire, enfin, son effondrement… Elle fait sous elle, maintenant, l’Histoire. Elle se chie dessus, oui monsieur ! Et toi, mon petit gars, tu vas faire quoi, alors ?

    J’ai allumé une cigarette, c’était mon tour, et je suis demeuré silencieux.