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usa

  • Est/Ouest Télégramme

    Aujourd’hui je suis entré dans New York par le Mexique avec monsieur Maïakovski

    Je dis bien aujourd’hui

    Les USA de 1925 sont Europe morte aujourd’hui

    Le suicide est partout monsieur Maïakovski – amitiés

     

     

    (Puis je me suis souvenu de la conversation entre Malaparte et Maïakovski – veille de son suicide – dans Le bal au Kremlin

    Rien d’autre à ajouter)

     

     

     

    Ma découverte de l’Amérique, Vladimir Maïakovski, traduit par Laurence Foulon, éditions du Sonneur

  • Les élections américaines

     

     

     

    Ce serait après tout une singulière façon de dire quelles choses revêtent une importance et quelles n’en revêtent guère, que de donner ici pour titre de chaque billet l’information principale du jour relayée par les grands médias d’information. Le corps dudit billet, quant à lui, aurait trait à ce qui m’a réellement importé dans la journée, que ce soit des choses que j’ai faites, pensées ou imaginées – et il est vrai qu’il serait très simple de donner au contenu de ce blog l’allure d’un journal. Ainsi, chaque bref récit de ma journée s’ornerait de ce qui semble important à ceux qui décident de ce qui l’est. Et parlerait de tout autre chose ; ou non : puisque ce rabâchage en définitive nous atteint, nourrit nos discussions de comptoir ou de réseau social, et, parfois, nos votes. Et finalement, il est à peu près impossible que ce rabâchage n’appartienne pas à ma vie ; mais savoir dans quelle proportion, c’est difficile. De ce jour, par exemple, je pourrais dire que j’écris ce billet pour rire, en sirotant un excellent whisky ; ou bien que ma question est de trouver un moyen d’articuler le Mahomet de Voltaire avec le Moïse de Chateaubriand et le Charles IX de Marie-Joseph Chénier, ce qui pourrait bien être au fond, ma façon dramatiquement personnelle de faire de la politique ; ou bien, tout autrement, que je ne travaillais pas, et que je suis allé longuement marcher dans la forêt et dans les vignes, qu’il faisait un beau froid sec ensoleillé et que ces reliefs d’automne rasés par le soleil étaient simplement magnifiques ; cela serait banal et juste. Pourquoi au fond se soucier de choses autres, auxquelles on ne peut rien, et dont les discussions et querelles signent seulement notre impuissance, bien réelle ? Un jour, peut-être, tout de même, en signe que ce qu’on appelle la crise est devenue bien prégnante, le titre et son contenu coïncideraient réellement. Ce serait, à ma modeste échelle, un événement (comme par exemple le jour où la mobilisation générale coïncidera avec mon incorporation, mais là, je crois que je plaisante). Ou bien le signe que les informations dispensées par les grands médias sont devenues insignifiantes et banales – ce qui approche aussi. Mais aux jours de bouleversements encore lointains, cela donnerait quelque chose comme la célèbre inscription de Kafka dans son Journal, en date du 2 août 1914 : « L’Allemagne a déclaré la guerre à la Russie. – Après-midi piscine. » Néanmoins, je dois ajouter que ces nouvelles du monde me parviennent désormais par des voies très dérivées. L’information est rarement de première main et je n’ai aucun a priori positif sur le métier de journaliste. En conséquence, je ne lis aucun journal, ne regarde pas la télévision, n’écoute pas la radio. Mais il y a internet et ses réseaux sociaux, et maintenant, ses magazines de commentaires, qui ne se cachent pas, en général, de n’avoir d’autres sources que celles des grands médias idiots. Ce qui est amusant, au fond, c’est que ces masses de commentaires étalés partout, qui permettent justement à quelqu’un comme moi d’être en gros au courant de ce dont il faut causer dans le monde, affaiblissent les médias traditionnels, qui avaient longtemps passé pour sérieux. Ces médias, de plus en plus en danger, seront donc, eux aussi, de moins en moins bien informés, vérifieront encore moins leurs sources, et finalement diront seulement ce dont ils ont besoin, en fonction de leurs intérêts propres, etc. Et les commentaires dérivés des autres guignols plus ou moins humoristiques s’éloigneront plus encore d’une réalité dont il ne sera plus jamais rendu-compte. J’ai cru comprendre qu’on appelait cet empilement de faussetés opaques du nom de transparence. Tout en bout de course, j’en participe ici, et je l’admets sans ironie. Peu importe. Il y avait donc aujourd’hui des élections aux Etats-Unis d’Amérique. Peut-être changeront-elles, insidieusement ou non, ma vie, je n’en sais rien, et à cette heure, je m’en contrefous. Je n’ai même pas le bon goût de préférer Obama à l’autre tronche de Mormon. Le sort de cette puissance, dont j’ai bien conscience que mon pays est désormais un satellite très commun, me passe au-dessus de la tête. Tout ce que cela m’inspirerait est une vague envie de cracher à la gueule de la succession d’imbéciles qui est allée mettre mon pays dans la situation d’obéir à une puissance extérieure, sinon pas à plusieurs. L’occasion, je le crains, ne m’en sera pas donnée pour autant. Ou pas tout de suite. Si elle l’était un jour, je crois que le titre du billet et son contenu coïncideraient. J’allais oublier que je n’ai pas lancé ce blog pour raconter ma vie, et que je ne généraliserais pas non plus de donner pour titre à mes billets l’information dont on nous gave. Bref, que ce qui me requiert ici ne tient en définitive ni de ce que je fais de mes journées ni de ce que titrent les médias. Alors quoi ?

      



  • Beigbeder-Polanski (le meilleur choix de la rentrée littéraire journaleuse)

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    Je me promène dans une quelconque librairie d’agitateurs de néant industriels. Je passe en revue les différentes épluchures de la rentrée littéraire. Tant de noms inconnus ; quelques noms mieux connus, dont journaux et magazines se repaissent. Je peux flâner là sans risque de dépenser mon argent ; c’est déjà ça.

    Je prends un livre au hasard, lit quelques lignes de la quatrième de couverture, le repose. Quand je songe à ce qu’un homme doit aujourd’hui s’abaisser pour publier un livre, je doute franchement de pouvoir trouver en son livre autre chose qu’un simple respect des canons de l’époque ; et rien ne me dégoûte comme ces canons-là. Je peux me tromper, bien sûr ; et même, je le souhaite.

    De plus en plus, je me méfie des gens qui lisent ; au point que quand on me dit d’Untel qu’il est un vrai lecteur ou pire, un gros lecteur, j’appréhende. Je trouve que beaucoup de gens réputés lire lisent n’importe quoi ; ce qui d’ailleurs n’importe pas, puisque pour la plupart ils lisent n’importe comment.

    Je me trouve n’avoir rien à faire dans cette librairie.

    Mais enfin, quelque prévenu que je pense être, le bidonnage médiatique fonctionne, tête de gondole aidant. En fait de tête de gondole, j’ai le VGE dans la main. Je m’en rends compte et je repose l’ordure. Je ne vois aucunement dans l’existence de cet auteur et de cet homme, ni dans la manière spécifique dont il est dépourvu de tout amour-propre, un signe quelconque de décadence. La décadence tient seulement au fait qu’il soit parvenu, étant ce qu’il est, à rendre ridicules autant d’institutions qui étaient, peu de temps auparavant, quoique très critiquables, encore à peu près respectables ; qu’il s’agisse de la République française ou de l’Académie. Même l’Union Européenne, pourtant prête à avaliser ou fabriquer n’importe quelle indigence intellectuelle, semble avoir été quelque peu effrayée à l’idée de se doter d’une constitution à l’eau de rose ; mais il faut dire, à sa décharge, que des peuples s’en étaient mêlés, chose qui paraît tout de même quelque peu archaïque et rétrograde dans une démocratie.

    Dix minutes plus tard, je me surprends à avoir lu, complètement fasciné, les quinze premières pages du dernier Beigbeder. Un roman français. Je ne suis guère étonné qu’on puisse écrire aussi mal et ne suis point tenté de voir là non plus un signe particulier de décadence. La décadence tient plutôt au fait que l’on publie de telles insignifiances. Tout chez Beigbeder sent le déni de réalité ; c’est un anti-romancier. Une fatuité imbécile gouverne chaque phrase.

    Je feuillette d’autres livres, qui ne me paraissent pas aussi bons dans la médiocrité satisfaite. Car il faut tout de même rendre à ce pauvre Beigbeder ce qui lui revient : il est très en avance dans la bêtise. A tel égard que son titre simple, pour ainsi dire post-sollersien, semble tout désigné à servir d’étalon à ces autres romans qui l’environnent. On pourrait le placarder sur chacun d’eux. Un roman français. Un beigbeder, en somme. 654 (ou je ne sais combien) beigbeders pour cette belle rentrée littéraire – une vraie foire aux bestiaux.

    – Tu fais quoi, en ce moment ?

    – J’écris un beigbeder.

    – Tu crois que tu vas y arriver ?

    – Je ne sais pas. C’est dur. D’autant que j’aimerais bien le dépasser.

    – Tu es fou. Tu es bien trop ancré dans la réalité. Tu n’es pas assez bête, pas assez nul encore ; mais surtout, tu n’es pas encore assez satisfait de tout cela.

    – Oui. J’ai bien conscience que c’est beaucoup de travail. D’ailleurs, je trouve que tu ne me méprises pas assez, pas encore assez.

    – Cela viendra peut-être. Continue. Le mépris aussi se mérite.

    – Figure-toi que je vais pulvériser tout. Mon personnage, qui se trouve être moi, est victime d’un régime policier terrifiant ; oui, il a traversé un village à 185 km/h au volant de sa BMW, écrasant au passage une grand-mère et deux enfants. Et ces salauds de flics le coffrent ! Ah, ah ! Qu’est-ce que tu dis de ça ?

    – Certes, c’est très mauvais. Mais ton personnage est simplement un fou dangereux. Tout le monde prendra parti contre lui. Et puis, ce n’est pas réellement autobiographique, donc ça ne compte pas. Non, la garde-à-vue pour une innocente ligne de coke de notre maître-étalon Soljenitsine-Beigbeder est bien meilleure, crois-moi.  

    Je songe au vieux Flaubert. Ce sont ses personnages à présent qui écrivent. Bouvard et Pécuchet. Ils se sont entichés du beigbeder et comme rien n’est plus facile à faire qu’un mauvais beigbeder, ils n’ont pas eu la chance d’y échouer – puisque leurs échecs répétés, dans toutes les autres activités auxquelles ils s’essayaient jadis, étaient en somme un trait d’humanité touchant, propre à rendre sympathiques ces deux pitoyables imbéciles ; et ils se retrouvent là, multipliés à l’infini certes mais quintessenciés en un seul nom, étalés sous mes yeux sous forme de livres dans cette espèce de supermarché à bouquins de merde.

    Je regrette amèrement, à l’heure où j’écris ces lignes en écoutant avec joie le Requiem de Mozart, de n’être pas tombé sur le dernier fascicule beigbedesque d’Amélie Nothomb. Je ne doute pas que j’en eusse fait mes délices ; mais passons.

    Et puis, tout à coup, Polanski !

    Enfin, pas Polanski lui-même ! Polanski arrêté ! Et le chœur des vierges qui démarre aussitôt comme un seul homme (si j’ose dire) !

    Il faut dire ce qui est : on ne l’entend guère, Polanski.

    Polanski est arrêté en Suisse ! Pour un viol d’enfant, plus de trente ans après les faits ! Et pour avoir fui la Justice de son pays, un atroce régime totalitaire (les Uhéça, si j’ai bien compris) ! Et voilà tout à coup Beigbeder évacué, avec sa minable garde-à-vue pour ligne de coke ! La réalité dépasse l’affliction ! Et l’inverse aussi ! Et voilà tous nos beaux pipolitiques partis en conneries comme jadis en croisades !

    Les intellectuels français, Ministre de la Turlute en tête, montent au créneau ! Quoi ? Arrêter un artiste pour un viol ? Qu’est-ce que c’est que cette dictature !

    L’exercice passe au-delà du talent de Beigbeder ; le pauvre garçon est dépassé. Polanski a droit a un véritable tsunami médiatique. Il ne s’agit plus de démontrer qu’un artiste arrêté par la police pour consommation de stupéfiants est victime d’un régime policier ; la chose semble immédiatement à la portée du premier imbécile déconnecté de la réalité venu !

      Non, il s’agit à présent de démontrer au monde que l’arrestation d’un artiste de stature internationale pour viol d’enfant et délit de fuite est une monstruosité pure ! La meilleure preuve en est que l’artiste a pu faire ses meilleurs films pendant cette cavale, que sa femme a été assassinée et qu’il fut un survivant du ghetto de Cracovie !

    Je veux bien ne pas douter des deux derniers points, et même, soyons con, admettre le premier, ce qui revient à le concéder à la rumeur (je ne suis pas bien certain d’avoir vu un Polanski depuis le très surestimé Rosemary’s baby).

    Et là, on se bouscule au portillon ! BHL, Ormesson, Bruckner, Matzneff, Kouchner, Mitterrand Junior ! Et tant d’autres ! Même Milan Kundera, paraît-il, pétitionne ! Il ne manque, Dieu sait pourquoi, que Bertrand Cantat (lui au moins, il aurait pu nous éclairer) !

    Matzneff, charmant garçon, dit qu’il faut pratiquer je ne sais quelle « suspension du jugement ». Mais je veux bien, moi.

    Qu’on ne se méprenne pas, je ne juge pas Polanski. Je ne suis pas au courant des faits précis, ni de rien, et je n’en présume absolument pas. Ni dans un sens ni dans l’autre.

    BHL, avec son aplomb coutumier, dit exactement n’importe quoi sur le droit ; que toutes les sociétés civilisées sont organisées autour de la prescriptibilité des crimes (sauf les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité) ! Et donc que le droit pénal américain est illégal et irrecevable devant BHL ! Et qu’il faut le faire céder !

    Et qu’en plus la victime a pardonné ! A grands coups de dollars, mais peu importe ! Et d’ailleurs, que Polanski a toujours nié.

    Les pauvres pitres !

    Que la Suisse, aplatie déjà, non moins d’ailleurs que la France, devant le démocrate Khadafi, s’aplatisse aussi devant la demande américaine d’arrestation, alors que Polanski visite depuis longtemps ce pays où il possède, si j’ai bien compris, un chalet, je veux bien l’admettre, moi ; et même qu’il y a sans doute là-dedans de vasoullieux arrière-fonds de politique internationale et de secrets bancaires…

    Il y a juste que Polanski doit répondre de ses actes (que ce soit du viol d’une enfant ou de sa fuite) selon le droit américain en vigueur et que je ne vois pas pourquoi la Justice américaine, devant la notoriété du bonhomme, s’abstiendrait de l’appliquer ; être acquitté s’il est innocent et condamné s’il ne l’est pas. Cinéaste ou pas ; veuf ou pas ; survivant des atrocités du XX° siècle ou pas.

    Mais comment vous dire ? Je me fous de Polanski comme de mon premier beigbeder (que je n’ai toujours pas lu, d’ailleurs). Je comprends même très bien qu’il se soit tiré, Polanski, quand il a vu qu’il risquait cinquante ans de taule. Ce qui est intéressant, c’est la demande partout étalée d’impunité ; et l’incompréhension.

    D’ailleurs, cette demande-là aussi, si l’on veut, se tient. Elle se fonde sur une défense du crime. Mais alors il faut défendre le crime, et pas nous bassiner de morale à la con (oh, les gentilles victimes ! oh, les méchants bourreaux !) comme on le voit faire depuis trente ou quarante ans. Mais alors il faut y aller carrément, et dire tout net qu’un artiste reconnu, parce qu’il est artiste et parce qu’il est reconnu, peut faire exactement ce qu’il veut, en toute impunité ! Moi, je trouve que ça peut très bien se tenir !

    On peut tout à fait défendre que certaines minorités devraient avoir droit à des privilèges ! On peut tout à fait défendre la féodalité ! Cela s’est déjà vu ! De l’Ancien Régime jusqu’à l’Union Européenne ! Je n’ai rien contre, même. Mais ce n’est pas tellement l’ordinaire dada de ces gens-là, les BHL et consorts ; ils exercent ordinairement leurs privilèges sans avoir même à les défendre.

    Il n’y a plus que Beigbeder pour tenir des propos dans ce genre-là (je crois qu’il ne s’en rend pas bien compte, tant la réalité lui est étrangère). Mais son échelle est toute petite. Il a seulement l’air de reprocher à l’Etat de ne pas lui avoir fourni un bon souvenir de ses deux nuits de garde-à-vue (ni whisky ni fauteuil club), le pauvre lapin. Et il ne comprend pas, mais vraiment pas, comment notre beau pays a pu en arriver là ! Alors qu’il n’avait rien fait (quoi ? c’est illégal, la coke ?).

    Pour clore ce billet, vraiment parti de traviole, il ne me reste plus à souhaiter que Polanski soit innocent du viol qu’on lui reproche ; qu’il le prouve ; en soit acquitté ; et prenne vingt ans quand même pour avoir fui la justice de son pays !(*)

     

     

     

     

     

     

    (*) Comme mon avis n’a aucune espèce d’importance, je me permets de plaisanter jusqu’à la dernière ligne. Quant au sous-titre de ce billet, «  le meilleur choix de la rentrée littéraire », il est seulement expliqué par le fait que je n’ai acheté aucun livre – je m’en suis tellement voulu d’en avoir acheté un l’année dernière.

     

    Edit : Sur Polanski, ou plutôt sur les réactions à l'arrestation de Polanski, lire aussi sur Stalker Le bal des dégueulasses.

     

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