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grenelle - Page 2

  • Culture en danger à Bronzeculand France

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    Je reçois ces jours-ci des mails m'avertissant que la Culture est en danger.

    Ce n'est pas la Culture qui est danger, c'est l'aberrant Système Culturel d'Etat.

    La Culture, il y a lurette qu'elle n'est plus en danger ; je veux dire : il y a lurette qu'il n'y en a plus. Ou presque.

    (Ou presque. C'est important, tout de même.)

    Le Système Culturel d'Etat n'a positivement rien à voir avec la Culture.

    Il en est seulement la destruction.

    Ce Système produit simplement cette contrefaçon de Culture que j’ai nommé Culutre, et dont je répète ici la définition :

    « J’appelle Culutre tout ce dont, programmatiquement, il ne doit demeurer rien : c’est-à-dire presque tout. »

     

    L’Education Nationale (sic) et le Système Culturel d’Etat ont travaillé ensemble à l’évacuation presque totale de la vieille Culture (plus de) deux fois millénaire.

    Ils ont travaillé ensemble à l’éradication de la culture grecque, de la culture latine, de la haute culture chrétienne médiévale, de la Renaissance du XVI° siècle, de la grandeur classique (française) du XVII° siècle.

    Ils n’ont conservé comme préhistoire nécessairement mal connue que ce qu’ils appellent les Lumières, lesquelles sont censées naturellement déboucher sur la Révolution merveilleuse de 1789, laquelle même semble baigner dans une aura mythique, légendaire, en un mot : métaphorique.

    Pourquoi métaphorique ? Parce que, pour prendre une comparaison avec la Chrétienté défunte, la Révolution française est vétéro-testamentaire (tragique), tandis que son redoublement lumineux en mai 68 tient lieu d’Evangile, de Bonne Parole nouvelle (farcesque), d’actualisation en principes simples de la complexité ancienne, au crétin formaté.

     

    Mais maintenant que ce programme d’éradication de la vieille Culture est parvenu à son terme, ceux qui en furent les exécutants deviennent évidemment inutiles.

    L’Université est (enfin !) en capacité de prendre efficacement le relais.

    Elle-même va enfin détruire le vieux fonds de connaissances qu’elle archivait précieusement.

    Cela devient sérieux, voyez-vous.

     

    On déblaye donc les clowns.

    Ave Jack Lang, morituri te salutant !

    Le Système Culturel d’Etat ne sert plus à rien.

    Il a trop bien marché. (« Trop bien », ouais.)

    On ne conservera que la vitrine, pour les touristes du Bronzeculand France.

    On les dégage, ces serviteurs zélés du néant.

    Ils se plaignent, ils aboient qu’on les assassine.

    Je les comprends.

    Des années de bons et loyaux sévices au service de la destruction de la Culture.

    Sans compter une chose : c’est l’Etat lui-même qui a créé ce Système (ce n’est pas eux).

    C’est l’Ecole de la République qui a poussé ces nouveaux analphabètes à se prétendre artistes.

    Et quoi ? maintenant, ce même Etat – puisque, rupture ou pas, Mickey Grenelle Président ou rien, il y a le principe juridique de continuité – vient les foutre dehors en leur disant qu’ils ne servent à rien.

    Alors que non c’est faux : c’était précisément leur utilité de rebelles à la con au service de l’Etat de ne servir à rien.

    Ils servaient à ne servir à rien.

    Ils ne servaient même, non sans zèle, que le rien.

    Et je n’aurais pas le cœur de dire que cela au moins, ils ne l’ont pas fait parfaitement.

     

    Ils disent donc que la Culture est en danger.

    Alors que c’est simplement le statut social de ces fonctionnaires du néant qui est en danger.

     

    La Culture, elle, a migré ailleurs.

    Elle a pris le maquis.

    Elle s’est réfugiée sur les hauteurs.

    Elle est à sa place.

    Mais on n’y accède pas.

     

    C’est à empêcher qu’on accède à la Culture qu’a servi le Service Culturel d’Etat.

    Avec son ersatz de merde de Culutre.

    Et maintenant, tout le monde a oublié l’antique Culture.

    Alors, donc, je l’ai déjà dit, on se débarrasse de flicaillons de la non-Culture.

    On a les professeurs d’Université formés à ça désormais, plus efficacement. Pourquoi plus efficacement ? Parce qu’ils vont toucher tout le monde, tous les bacheliers de France. Alors que le Système Culturel d’Etat, lui, n’a jamais pris vraiment. Les gens n’ont pas marché. Ils étaient encore libres, les gens, d’aller ou de ne pas aller au spectacle (et ils n’y allaient pas tellement). Ils ne sont pas si cons, les gens. Mais leurs rejetons n’auront pas le choix ; tous ceux du moins qui n’auront ni le niveau scolaire (sic) ni le niveau de vie pour entrer aux grandes écoles : tous passeront à la broyeuse, avec l’enthousiaste perspective de broyer à leur tour les ruines de la Culture !

    Il y a un nouveau monde, de nouvelles perspectives.

    Il ne peut plus y avoir d’intermittents du spectacle.

    Pourquoi ?

    Mais parce que tout le monde l’est devenu.

    Tout le monde devrait avoir accès au statut (ça, ce serait égalitaire au moins ; et cool, en plus).

    Regardez Mickey Grenelle, le PDG de Bronzeculand France (ex-République française), est-ce qu’il n’a pas parfaitement intégré sa part d’intermittence du spectacle ?

    Est-ce qu’il n’est pas même le meilleur de tous les « permittents » (barbarisme formé de permanence et d’intermittence) ?

    Super, non ?

     

    On se débarrasse donc des flicaillons de la non-Culture.

    Et de leur point de vue, bien sûr, c’est un scandale.

    Je les comprends.

    Mais eux ne comprennent rien. Et en tout cas pas la manipulation dont (ô joie !) ils furent les consentantes victimes.

    Ils sont réellement convaincus d’être la Culture.

    Parce qu’enfin, quoi, merde, c’est leur statut.

    Et c’est l’Etat lui-même qui leur a refourgué ce statut à deux balles.

    Alors ils pleurent qu’on assassine la Culture.

    Et qu’ils vont perdre leur statut.

    De leur point de vue, c’est un scandale.

    L’Etat, qui les a si merveilleusement bien conditionnés à servir le plus rien en posant aux rebelles, vient leur dire : C’est fini.

    Mission accomplie.

    Vous avez bien niqué la Culture.

    Elle est partie ailleurs et personne n’ira l’y chercher.

    On n’a plus besoin de vous.

    Le type comprend qu’on lui dit, en somme :

    Vous avez bien bossé, les gars.

    Vous êtes virés.

    Encore merci.

    Alors il fait la gueule.

    Je comprends très bien ça.

    Il va manifester.

    Faire grève, qui sait.

    Faire grève de rien.

  • Welcome to Bronzeculand ! (2) : Independance Day

    L’Occident meurt en bermuda.

    Philippe Muray

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    Je dois cette nouvelle caricature du Pro-Fête à la persévérance incongrue de mon ami Alain Potent, du journal de préséance l’e-Monde, retourné au Palais de l’Elysée pour connaître l’opinion de Mickey Grenelle, PDG de Bronzeculand France (ex-République française) sur l’indépendance autoproclamée de la province serbe du Kosovo.

     

    ALAIN POTENT. – Mais alors, Monsieur Mickey Chef, quoi que vous en pensez, dites donc, de l’indépendance de ce Kosovo que vous avez reconnu ?

    MICKEY GRENELLE. – L’indépendance du Kosovo ? Une phrase de plus en plus pour moi, un grand pas pour le Jihad islamique. (Ah merde, ça, non, y follait pas kjel dise…) Eh ben quoi, c’est vachement bien, merde, la liberté !

  • Welcome to Bronzeculand ! (1)

    Toute ressemblance avec des personnages existant ou ayant existé serait purement paranoïaque.

     

    (Je suis désolé de vous le dire, mais je me serais volontiers passé d’écrire un truc pareil ; ce n’est pas du tout ce que je voulais faire, mais c’est parti comme ça, d’un jet. Bien sûr, je sais que les propos qui suivent n’auraient en aucun cas pu être tenus par le Président, ni d’ailleurs par moi-même. Je ne décline pourtant aucune responsabilité, bizarrement. Je me dis simplement – mais n’est-ce pas encore une manière d’excuse ? – qu’il est tout à fait navrant, voulant singer et amplifier la situation actuelle, d’en être arrivé à écrire de telles atrocités, et dans une langue si débile.)

     

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    Ce qui suit est une interview inédite du Président de la République française (Michel – dit Mickey – Grenelle) par le journaliste débutant Alain Potent, du journal l’e-Monde, telle qu’elle fut enregistrée…

    Sur le document vidéo, on peut voir Mickey Grenelle en short et chemisette dans les jardins de l’Elysée, un verre de Saint-Estèphe 1968 à la main et surveillant d’un œil expert la cuisson des merguez sur le barbecue présidentiel…

     

    ALAIN POTENT. – Monsieur le Président…

    MICKEY GRENELLE. – Merde alors, vous êtes ringard, vous. N’avez qu’à m’appeler Mickey, comme tout le monde.

    ALAIN POTENT. – Bien, Monsieur le Président…

    MICKEY GRENELLE. – Mais vous êtes bouché, ou quoi, Alain Potent ? M’encore appeler Monsieur le Président ! Vous êtes pas gonflé à moitié, vous ! Comme si je ne faisais pas tout pour la niquer total, la fonction présidentielle. Comme si je ne l’avais pas en six mois laminée, exterminée, six pieds sous terre enterrée, hein ? Vous imaginez de Gaulle à poil à la plage, avec sa bobonne ? Et Mitterrand avec sa maîtresse, non plus hein ? C’est que je suis transparent comme un miroir sans tain de salle d’interrogatoire, moi. Faut juste être du bon côté de la transparence, c’est tout…

    ALAIN POTENT. – Comment dire ? Pouvez-vous nous dire où que vous en êtes avé la France ? Vu que ça n’a pas l’air de fort marcher pour vous dans les sondages, Monsieur Mickey.

    f752bea3144b7b7c07639aca7b819171.jpgMICKEY GRENELLE. – La France ? Mais qu’est-ce que c’est que ça, la France ? C’est terminé, cette merde. Posez-moi plutôt sur ma femme des questions ; et peut-être alors que je vous répondrai après à une – une, hein, et pas deux – à une question sur la France, là, comme vous dites…

    ALAIN POTENT. – Bien, bien, Monsieur Mickey. Comment elle va, votre épousée ?

    MICKEY GRENELLE. – Merde alors, vous n’avez pas plus subtil comme question, merde. Un grand journal comme le vôtre, vous voulez y rester ? Il faut que je les fasse, ou quoi, les questions, merde. C’est que je vais vous l’appeler, moi, votre Directoire, et vous allez voir qu’est-ce que je vais lui-z-y faire, moi, napoléonien comme je suis donc. Demandez-moi donc comment que ça va, mon couple ?

    ALAIN POTENT. – Comment que ça va, votre couple, Monsieur Mickey ?

    MICKEY GRENELLE. – Bonne question. Eh bien, ça va vachement bien. Je m’occupe d’une femme qui souffre. Dolorès, c’est quelqu’un, n’est-ce pas ? Pas vrai qu’il faut sans doute souffrir pour ne pas comme ça réussir à se poser, hein. C’est qu’elle en a taillé, des pipoles, avant d’échouer sur ma gueule, Dolorès. Une vraie âme d’artiste, tout écorchée en plus, hein, la Blondie. Même qu’elle s’est faite refaire le nez, Dolorès. Faut-y pas pour de vrai souffrir, au point de les pas supporter, les imperfections de son narcissisme, hein, Alain Potent ?

    ALAIN POTENT. – Peut-être, peut-être, je ne sais pas, moi, Monsieur le Président. Mais bon, sinon, la France aussi elle souffre, non, vous ne trouvez pas, vous ?

    MICKEY GRENELLE. – Mais oui qu’elle souffre, la salope, enfin, comme toutes les bonnes femmes, si vous voyez qu’est-ce que je veux dire. Et ça n’est pas prêt de prendre fin, avec toutes les fausses couches que j’ai sous le coude…

    ALAIN POTENT. – Ah, bah, mais dites donc, les gens de la France, ils ne vous auraient tout de même pas un peu élu comme Président de leur République, non ?

    67f2d6db0e5ccae26cbd13401a2a2c1b.jpgMICKEY GRENELLE. – Mais c’est de l’histoire ancienne, ça, Potent ! Vous déraillez total ! Dites-moi pas que vous croyez encore à ces fadaises, hein, merde. Non mais je rêve. Et puis quoi encore… D’ailleurs, une fois que ça a été fait, c’était fini, couru d’avance. Alors, venez donc pas me parler de la France, hein ? Qu’est-ce que c’est que ça donc, la France ? La Fille aînée de l’Eglise ? Mais vous datez, mon vieux, vous datez. La République ? Mais la République aussi c’est fini, sombrée qu’elle est dans la démocrassie d’opinons-tous-ensemble-en-râlant-comme-des-veaux. Bref merde, vous voulez que je vous dise un peu qu’est-ce que c’est, la France ?

    ALAIN POTENT. – Je dois vous avouer que ça arrangerait pas mal mes bidons, en effet. D’autant que je suis simple pigiste, moi. Les têtes d’affiche du canard, ils sont tous en récup, épuisés de vous suivre d’Eurodisney à Louxor et de Washington à Pékin et de Téhéran à Tel-Aviv…

    557702b827c2d0500c42a1cc0a870d97.jpgMICKEY GRENELLE. – Eh bien mon vieux Alain Potent, entre nous je vais vous dire : La France, c’est la première destination touristique du monde, ouais. La première. Et même pas besoin de compter dedans les immigrés musulmans, clandestins ou pas (venez, venez, les gars, y en aura pour tout le monde avec même pour la forme deux-trois retours gratis qu’on peut gagner à la supertombola). La toute première d’Europe aussi, avec tout plein de Boches bouffeurs de saucisses et tout et tout, des Zollandais aussi, des Rosbeefs, et même des Suédoises. Vous ne comprenez pas, hein, Potent ? La France, c’est le bronze-culs de l’Europe. C’est pour ça que nous, les pipolitiques, on envahit les plages, et pas façon D-Day je peux vous le garantir. Avec pin-up et compagnie. Je vais même vous dire : Marilène Broyal, elle aurait pas fait mieux, je peux vous le dire. Pareil au même, elle se serait tapée un chanteur de droite type Barbelivien ou Hallyday, histoire de faire l’ouverture de la foire, et puis voilà, roule Mimile. Mais les plages, bordel, les plages, c’est là que ça débarque. La guerre économique, c’est là qu’elle est, et pas t-ailleurs. D’où vlà qu’il fallait bien la niquer, la fonction symbolique de Président à costume trois pièces, c’est d’un ringard, bordel de merde. La France, c’est Bronzeculand mon pote, et moi donc j’en suis le simple PDG à parachute doré du bordel, et pas bégueule avec ça, même qu’aussi je fais Gentil Organisateur. Une plage, un minaret. C’est ça l’avenir. Un coup USA, un coup Ben Laden.

    ALAIN POTENT – Je comprends, je comprends. Mais n’empêche, et ceux qui disent comme ça que vous êtes philosémite alors ? Parce que ça se dit, ça, hein, que vous seriez  copain avec des juifs, non ?

    557a726e178c6dec2ca887db0212b7c0.jpgMICKEY GRENELLE. – Aussi, évidemment. On voit que tu n’as jamais ramé avec une seule pagaie, mon gars. Pour aller tout droit, faut bien donner un coup de chaque côté, non ? Et si on ne fait pas en sorte que les juifs de France restent en France, eh bah sur la tronche de qui alors qu’on pourrait bien réconcilier tout le monde, merde ! Au cas qu’on se taperait une guerre civile, laquelle qu’on fait tout pour l’éviter en bâtissant mosquée sur mosquée, ça usine comme aurait dit je ne sais plus quel poète… D’ailleurs, c’est comme ça pour tout, c’est une question de moyenne, de statistique, la pipolitique : au lieu que les gens sont tous habillés normalement avec des habits, si tu as une pétasse à poil jambes écartées et une gentille gonzesse laïque en total burka, statistiquement c’est pareil au même, non ? Même poids de fringues par personne en moyenne… Sans compter que même les féministes trouvent tout ça tout chouette à max. Jamais le monde mondial mondialisé universel s’est autant joué sur l’image des gonzesses, d’où ma Dolorès, tu piges, Alain Potent ? Bref, j’appelle ça la laïcité positive, moi, parce que du négatif de toute façon, c’est interdit, prohibé. Y en aura pour tous les lobbies, toutes les communautés, on ajuste, on ajuste à la demande, et même qu’on te les réajuste en temps réel, les ajustements d’hier qui sont déjà dépassés. A grands coups de lois du bonheur. Pas de clopes, pas de gnôle, plus de bonbecs pour les gosses, un coup coca  amerloque sans sucre ajouté, un coup pas de cochon dans les écoles, charia sur fond de marchés financiers à l’horizon 2012. Je vais vous la faire, moi, l’Europe. Ce soir, c’est merguez à l’Elysée. Cigare ou pinard, Potent ?

    ALAIN POTENT. – Plutôt cigare, moi. C’est pas un lieu public, l’Elysée ?

    38ed4e8b53bc2f70b58e23c0e6b97de8.jpgMICKEY GRENELLE. – Ta gueule. Une petite transgression de temps en temps n’a jamais fait de mal à personne. D’ailleurs, c’est Fidel qui me les bazarde à pas cher.

    ALAIN POTENT. – Bah pourquoi pas alors.

    MICKEY GRENELLE. – Bien, Potent, bien. Allez, maintenant, allume ton machin et casse-toi, Dolorès va venir me chanter sa chanson.

  • L'Ecole du rire

     

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    J’entendais, je ne sais plus quel samedi, dans son émission Répliques, sur France Culture, Alain Finkielkraut constater rien moins que la disparition de l’humour.

    Et certes, peu de choses sont aussi tragiques que cette disparition.

    Mais cette disparition elle-même n’est pas nette : elle est, comme tout ce que produit l’idée de transparence, salopeusement opaque.

     

     

    Que les humoristes ne soient pas drôles est un signe des temps ; et c’est peut-être ça le plus drôle.

    (La même chose à la fois m’atterre et me fait rire ; ce doit être cela, l’humour du désespoir. On vit jadis des gens mettre un point d’honneur à mourir juste après un bon mot. Notre civilisation – n’en déplaise au Président Mickey Grenelle, le mot civilisation n’est rendu réellement problématique que par l’impossibilité concrète d’encore lui accoler le mot notre (qu’est-ce que cela voudrait dire : « ma » civilisation ?) – meurt dans les borborygmes les plus affreux qui soient. S’étonner que ces immondices vocaux – non pas verbaux – soient produits par de prétendus humoristes avoue platement que l’on passe à côté de son époque).

    Il faudrait rire par-dessus son époque.

    Et ce n’est pas toujours si simple.

     

     

    Entre tant, il nous faut bien admettre que l’humour a plusieurs façons de disparaître.

    Il tend, par exemple, à se confondre au mépris pur et bas. C’est le versant Ardisson-Baffie, abyssale vulgarité qui, dans sa normative inversion des pôles, se croit une aristocratie – laissez moi rire !

    Mais il y a aussi – c’est un mode de disparition plus subtil, sans doute – son institutionnalisation, qui est en cours, qui est imminente, et qui, comme toutes les catastrophes produites à cadence par notre belle époque, va réussir.

    Un exemple ?

    A Reims, un journal gratuit de médiocre qualité, L’Hebdo du vendredi, consacre un article à l’ouverture d’une salle de spectacle privée. La salle s’appelle « A l’affiche », permet d’accueillir 250 personnes :

    « C’est Sylvain Collaro, propriétaire du café-théâtre le Don Camillo à Paris et associé au projet, qui a présenté le concept de « A l’affiche » rejoint ensuite sur scène par son frère Stéphane, célèbre créateur de l’émission le Bébête show et par Jean-Claude Walbert. Rapides et directs, les trois amis ont rappelé brièvement la vocation des lieux à savoir l’humour, le théâtre, la chanson et la promotion de jeunes artistes en devenir. » (Je laisse au nommé Julien Debant, signataire de l’article, la responsabilité de sa syntaxe.)

    Jusque là, rien que de très banal. Mais voilà :

    « Outre la diffusion de spectacles, « A l’affiche » devrait proposer des cours pour apprendre le métier d’humoriste. »

    Pourquoi pas, en effet ? La phrase suivante :

    « « Nous allons déposer un dossier auprès de l’Education Nationale et nous espérons pouvoir ouvrir notre école de l’humour à la rentrée 2008/2009 » précise Jean-Claude Walbert. »

    On y est.

    A quand l’ouverture d’une hypokhâgne préparant ouvertement à la « Star’Ac » ? D’un BTS « métiers de la pornographie » ?

    Rien ne dit que le dossier sera favorablement accueilli par l’Education Nationale. Mais si ce n’est cette année, ce sera la suivante ; et si ce n’est avec Collaro, on pourra certainement trouver des gens moins ringards : Cauet, par exemple, ou Michaël Youn – que j’ai déjà proposé pour la Comédie française…

     

     

    – Tu as fait l’école du rire ?

    C’est ainsi que cette ancienne blague idiote, qui suivait ordinairement une précédente blague pas drôle, va devenir réalité.

    L’Ecole du rire.

    Et ce rire même, que devra-t-il être sinon citoyen, tolérant, écologique ?

     

     

    Je suis désespéré. J’attends Molière, et le Saint-Esprit…

     

     

    Il disparaît aussi, l’humour, sous sa forme populaire, spontanée. Car enfin, il n’est point d’abord chose de spécialiste. A présent que les nouveau-nés, flanqués de leurs mères et pères, font leur apparition dans les cafés non-fumeurs, il faut s’attendre à ce que les blagues qui ne tombent pas encore sous le coup de la loi fassent l’objet d’une traque imbécile ; à ce qu’il se trouve, dans les plus brefs délais, un lobby de connasses et connards dénonçant je ne sais trop quel « blague-de-culage passif » (comme on dit : tabagisme passif) pervertissant nos adorables poupons…

    L’humour meurt. Et l’âge adulte avec lui.

  • Accélérer la catastrophe (2)

     

     

     

    – C’est quoi, Papa, un progressiste ?

    – C’est un type comme tout le monde, et qui donc chute, mais qui, enivré sans doute par sa propre chute, trouve justement qu’il chute vers le haut

    – Tu ne crois pas au Progrès, toi ?

    – Mais si. Je veux bien croire qu’en travaillant, on peut faire des progrès.

    – Pourquoi tu n’es pas progressiste, alors ?

    – Parce que je ne crois pas à la magie.

    – Et la magie, c’est quoi, alors ?

    – Justement, c’est croire qu’on s’élève lorsque l’on suit sa pente.

    – C’est comme le progressisme, alors ?

    – Oui, c’est de la folie furieuse. Allez, file te coucher, il est tard.

     

    Je regarde les livres sur la table.

    L’Empire du moindre mal, magnifique essai de Jean-Claude Michéa.

    Le Soulèvement contre le monde secondaire, de Botho Strauss.

    Dominium mundi, de Pierre Legendre.

    Entre autres…

    J’allume une cigarette, je me sers un whisky.

    J’ai sous le nez, sur Causeur.fr, un texte d’Elie Barnavi sur la laïcité...

    Je précise à d’éventuels nouveaux lecteurs, que j’ai pris récemment la déplorable habitude d’appeler Sarkozy le Président Grenelle (dans ce texte, pour une fois, la citation de Grenelle est exactement empruntée à son modèle dans la réalité). C’est un personnage que j’invente. Un personnage comique, je le précise. J’ai la joie de vous annoncer (c’est une exclusivité) que le prénom de ce personnage est Michel, ce qui permet à ses amis de l’affubler du gentil sobriquet de Mickey. Welcome to Wonderland…

    Bref, on nage en plein suicide. Il est onze heures du soir…

     

    – Et la laïcité, Papa, c’est quoi ?

    – Mais bordel de merde, je n’en sais rien, moi. Pardon. Ça veut dire que tout ce qui s’est passé avant 1789 est un immense paquet de sanguinaires saloperies, et ce qui s’est passé depuis aussi, à deux ou trois exceptions près. Et ça veut dire que nous, nous qui avons bien sûr tout pigé, nous sommes sinon vachement bons du moins sur le point de le devenir en sortant tout à fait de l’humanité.

    – Mais comment on le sait, qu’on est bon ?

    – Mais on l’a décidé, mon petit gars. Après Auschwitz, on s’est dit que ce serait vachement bien de devenir bons ; et on a décrété qu’on l’était, toujours cette putain de baguette magique. Puisqu’avant, c’était mal.

    – Ah ? Mais bon, la laïcité, c’est quoi ?

    – Il y a des curés dans ton école ?

    – Non.

    – Eh bien, tu vois, c’est ça, la laïcité.

    – Oui… Mais des curés, c’est quoi ?

    – Des gens d’avant. Qui croient en Dieu.

    – Quand c’était mal, alors ? Mais Dieu, alors…

    – Tu ne veux pas me foutre la paix, dis ? Pardon. Laisse-moi fumer peinard devant mon écran d’ordinateur et va te coucher, mon grand.

     

    Je ne sais d’ailleurs pas moi-même clairement distinguer ce qui, dans la suite de ce texte, relève de la farce et ce qui relève du tragique.

    (La même chose à la fois m’atterre et me fait rire.

    J’aime penser que c’est un don ; mais c’est un don pénible.)

    Je vais donc vous coller là tout un tir de barrage de citations diverses, qui vont faire vachement bien, avant mes conneries de dialogues de piliers de bars (non-fumeurs).

     

     

    « Le réactionnaire n’est précisément pas cet empêcheur ou cet incorrigible rétrograde que fait de lui la dénonciation politique – il marche au contraire en tête quand il s’agit de rappeler le souvenir de quelque chose d’oublié. Il a ici et maintenant devant lui les voiles épais de l’illusion technique et du vide de sens, et il veut les fendre, au moins pour des moments lucides, dans lesquels se révèlent Présence, Sens et Logos. »

    Botho Strauss, Le Soulèvement contre le monde secondaire.

     

     

    « Si le Droit constitue, pour le libéralisme politique, l’instance de régulation suprême qui doit se substituer à toutes les autres, ce n’est naturellement pas à la manière, jugée arbitraire et étouffante, des anciens montages normatifs – que ce soient, là encore, ceux de la coutume, de la religion ou de la vertu républicaine. La « théorie de la justice » sur laquelle se fonde la nouvelle autorité du Droit a, en réalité, peu de chose à voir avec ce que la philosophie traditionnelle avait jusqu’alors pensé sous ce nom. Elle ne se soucie plus, en effet, de définir des Idées ou de saisir des Essences, c’est-à-dire de s’exprimer au nom d’une quelconque « Vérité », quel que soit le statut métaphysique de cette dernière. Bien plus que d’une « théorie de la justice », il conviendrait plutôt de parler à son sujet d’une théorie de l’ajustage ou de l’ajustement. Pour l’essentiel, en effet, il s’agit seulement de mettre au point les combinaisons institutionnelles les plus efficaces, donc de calculer au plus juste le système de poids et contrepoids (checks and balances, disent les philosophes anglo-saxons) qui permettra de maintenir l’équilibre des libertés rivales en leur imposant un minimum d’exigences – en leur garantissant, si l’on préfère, le taux d’imposition existentielle le plus bas possible. Une théorie libérale de la justice ne doit donc engager, par principe, aucune réflexion philosophique particulière sur ce que pourrait être la meilleure manière de vivre. Elle se limite, au contraire, à définir les conditions techniques d’un simple modus vivendi. »

    Jean-Claude Michéa, L’Empire du moindre mal (Essai sur la civilisation libérale)

     

     

    « C’est pourquoi j’appelle de mes vœux l’avènement d’une laïcité positive, c’est-à-dire d’une laïcité qui tout en veillant à la liberté de penser, à celle de croire et de ne pas croire, ne considère pas que les religions sont un danger, mais plutôt un atout.

    » […] La France a beaucoup changé. Les citoyens français ont des convictions plus diverses qu’autrefois. Dès lors la laïcité s’affirme comme une nécessité et oserais-je le dire, une chance. Elle est devenue une condition de la paix civile. »

    Mickey Grenelle, discours au Palais du Latran

     

     

    « La « neutralité axiologique » revendiquée par le libéralisme a parfois de curieuses conséquences. Rien ne peut logiquement interdire, en effet, que l’on utilise le racisme lui-même, à titre pédagogique, si l’on a de bonnes raisons de penser que c’est un moyen politique efficace pour parvenir à l’égalité des droits (c’est le principe de toute affirmative action). C’est ainsi que Houria Bouteldja, porte-parole des Indigènes de la République, a pu tranquillement déclarer (lors d’une émission de Frédéric Taddéi, diffusée sur France 3), et sans susciter, cela va de soi, la moindre réaction politique ou médiatique, que la première condition pour « rééduquer le reste de la société occidentale », était de considérer tous « les Blancs » comme des « sous-chiens » (Cf. Marianne, 30 juin 2007). »

    Jean-Claude Michéa, L’Empire du moindre mal (Essai sur la civilisation libérale)

     

     

    « Question « bonheur », les experts savent. Qu’y a-t-il de plus enviable que la non-mort assurée, la « Fontaine de Jeunesse », les muscles et la peau en bon état, l’esprit léger, un sexe performant, l’idéal de consommer sans trêve ? »

    Pierre Legendre, Dominium mundi  (L’Empire du management)

     

     

    « Mais ce n’est quand même pas une raison pour aller tomber dans l’excès. Les chrétiens recyclés sur ce module, on le comprend, ne vont pas être des Bloy ou des Bernanos. Le conciliaire a été le nom de leur propre « spectaculaire intégré ». Ils se sont fièrement ralliés à la démocratie spectaculaire. Les yeux de la foi leur en comptent les merveilles. »

    Guy Debord, « Cette mauvaise réputation… »

     

     

     

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    I

    – Tu crois à la laïcité, toi ? – Pardon ? – Peut-être que ça existe la laïcité, mais je ne vois pas du tout pourquoi il faudrait y croire. – Peut-être que c’est une religion, après tout. – Une religion de substitution ? – Ouais, une religion du vide, une manifestation enfin du nihilisme… – La laïcité, c’est un machin inventé pour en finir, ou au moins réduire, amoindrir la présence et l’influence de l’Eglise catholique en France. – En même temps, les laïcs ont toujours existé : un laïc, c’était juste quelqu’un qui n’était pas entré dans les ordres, non ? – Les choses alors se jouaient en France entre ceux qui étaient chrétiens et ceux qui ne l’étaient plus, ou ne voulaient plus l’être. – Entre les fils qui suivaient, tant bien que mal, leurs pères, et ceux qui, métaphoriquement ou pas, leur tranchaient la tête.

     

    II

    – L’autre question, c’est celle de la Référence, je crois. La société libérale (et j’entends par là aussi bien la gauche que la droite, aussi bien la droite que la gauche) tend à évacuer l’idée même de Référence : elle ajuste simplement son droit en fonction des groupes de pression. Qu’ils soient avoués ou non, visibles ou pas. – C’est bien ce que je dis : la laïcité est une religion de transition, une coque vide. Elle ne garantit rien. – Ce que met en place la société libérale, c’est en somme ce que Michéa appelle « neutralité axiologique ». – Ceux qui sont là, en somme, ont toute latitude à revendiquer tout ce qu’ils veulent, et quoi que ce soit. – Oui. La justice tranchera. – Et elle tranchera de plus en plus n’importe comment, puisqu’elle-même sera privée de toute Référence… elle aura à faire avec des concepts bidons, comme celui de « laïcité positive ». Ce que ça vend, ce concept, c’est que le Principe majeur de la République, c’est de s’adapter à ce qui vient, quoi que ce soit. Et croyez-moi, ça va se vendre.  – Pour parodier le bon Houellebecq, je dirais que la « laïcité positive » du Président Grenelle est une dhimminution du domaine de la République.

     

    III

    – La laïcité d’aujourd’hui est donc bien obligée de considérer de la même façon, indépendamment de tout critère simplement historique, et avec le même respect imbécile, toutes les religions, prôneraient-elles ouvertement l’assassinat ou la soumission des infidèles et la lapidation des femmes adultères – entre autres joyeusetés ; ce qui est aussi idiot que le serait de manifester le même respect à toutes les politiques. Hitler ne faisait-il pas de la politique ? Et Staline ? Et Mao ? Etc… – Merde. Et les valeurs républicaines ? – Ne faites pas rire. Elles n’ont plus aucune légitimité. La démocratie les engloutit. La démocratie d’opinion, et la possibilité de luttes d’influences juridiques, à grands coups de procès médiatiques. La République institue la démocratie, et la démocratie spectaculaire d’opinion fomente les communautarismes les plus inouïs, des plus débiles aux plus meurtriers en passant par toute une gamme de produits pornographiques (lesquels sont peut-être, hélas, nos derniers vecteurs d’ « intégration »), qui prolifèrent à une vitesse carcinomique, ravagent tout, implantent leurs métastases… – Jouer la République contre la démocratie, aujourd’hui, pourrait même être considéré comme une atteinte aux valeurs républicaines. On ne joue plus la carte de la République que pour l’évider tout à fait. – C’est que la République est une idée très ancienne, bien plus vieille que la Révolution française. La République n’est pas du tout une idée moderne, et c’est bien pour cela qu’elle s’effrite et s’effondre sous les coups du modernisme libéral déchaîné. – C’est une idée grecque de réalisation essentiellement romaine, d’ailleurs. Dans la façon du moins dont elle nous est parvenue. – « Rome, l’unique objet de mon ressentiment »… – C’est quoi, ça, c’est Nietzsche ? – Mais non, patate, c’est Corneille : la dernière fois qu’a brillé sur la France l’exaltation du courage antique devenu catholique, mettons… – Et Péguy ? – Mais Corneille et Péguy, c’est une ligne droite…

     

    IV 

    – Mon Dieu, mais ici, nous ne sommes même plus vraiment catholiques, ni chrétiens… – Voilà bien pourquoi il ne nous demeure plus qu’à défendre la République. – Mais c’est une impasse, vu ce qu’elle est, et à quel point déjà elle est tout effondrée. – La République et la laïcité, donc. –  La laïcité ne connaît que la religion chrétienne, et elle s’imagine, naïvement, mais la naïveté est un facteur de crime, que toutes les religions du monde sont bâties comme la religion chrétienne. Alors que pas du tout, en fait. – Je suis bien d’accord que c’est une impasse, désormais, la République. – Alors quoi ? – Alors rien. Il s’agit peut-être seulement de mourir, et de savoir le faire. – Nous avons des racines, qui, elles, sont chrétiennes. Indiscutablement. – Mais ces racines indiscutablement chrétiennes, de quoi exactement sont-elles les racines ? – La question n’est pas tant de savoir si nous pouvons éviter la guerre civile, que de savoir s’il faut l’éviter, non ? – D’ici là, en tout cas, l’Union européenne aura tout à fait fini d’adhérer à la Turquie (et pas l’inverse, merci bien). – Oui, oui, c’est toujours votre lumineuse idée barje d’accélérer la catastrophe, en somme…

     

    V

    – L’ancienne laïcité a permis de transformer l’Eglise catholique française en ce machin relativo-droitdelhommiste qui semble supplier ses derniers fidèles d’aller voir ailleurs que c’est pareil tout en admettant par avance qu’ils n’auront donc plus aucune raison de revenir. – Ouais, et la nouvelle laïcité positive du déplorable Grenelle ne fera jamais rien qu’adapter la France à l’islam, islam qui donc se radicalisera ouvertement de plus en plus. Que voulez-vous, c’est le Progrès. – Rien n’arrêtera ça. Parce qu’il faudrait restreindre drastiquement, c’est-à-dire de façon réellement républicaine, le concept de laïcité, et repréciser, comme le disait je ne sais plus où Alain Finkielkraut, quelles sont exactement les indispensables lois de l’hospitalité. Mais rien n’arrêtera ça. Sauf peut-être le fait que ça pète. Et le plus tôt sera le mieux. – Mais pourquoi ? – Parce que nous nous affaiblissons dramatiquement d’heure en heure, mon cher.

     

    Et vive quand même la République !