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  • Cellule

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    Retour enfin après trois mois de pérégrinations diverses au bureau, table bleu rouille de bois mal joint, papiers oubliés là au dos desquels écrire, plutôt griffonner, stylo de fortune. Une seule chaise, et pliante encore, pas de téléphone, d’ordinateur, des cartons fermés de livres au sol, pour le chauffage on attendra octobre, voire novembre. Rien que le nécessaire, ou guère plus. Un nécessaire d’Occident riche, disons. Et la lumière du jour, claire et froide, déjà presque hivernale, par la large fenêtre. Plaisir d’écrire ces pauvres lignes avec son manteau sur le dos tandis que tousse la cafetière. Amusement aussi de regarder comment le désordre peut régir si peu d’objets, feuille de papier froissée, pipes pas vidées, un verre à vodka vide et sale au sol, deux cendriers trop pleins. Repos certain à prendre ces objets banals pour paysage. Pourquoi la contemplation s’attacherait-elle à je ne sais quelles choses réputées extraordinaires ? Il y a ce qu’il y a et, littéralement, tout est là. J’ai traversé la ville plusieurs fois ce matin, à pied et en voiture, elle m’a semblé absente, une manière de désert. J’ai vu des gens pourtant, nous nous sommes parlé, rien déjà ne reste de cela, la ville bouffe la présence, la fait disparaître, elle efface, recouvre, puissance d’oubli, ou d’oblitération. Et je m’en trouve ici comme retiré, provisoirement, sensation pleine, absence autre, que n’entame pas, ou pas vraiment, mais peut-être accompagne, l’incessant passage des bus, en bas, ce manège. Avec cet effort à présent de silence, me ressouvient ce qui, dans cette matinée urbaine de rendez-vous variés, ne colle pas exclusivement au prétexte de l’utilité, de l’efficacité. Bien. Au travail.

     

     

  • Progrès technique (2)

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    Je conclus brièvement de le note intitulée Progrès technique que la didascalie est une invention liée au développement de l’imprimerie et permettant au théâtre d’être enfin lisible ; de devenir livre. Corollairement, les tenants de la modernité, ou merdonité, depuis trente ou quarante ans, qui ont transformé le « texte » de théâtre en saloperie « trouée », ne trouvant sa complétude que dans la représentation (comme si Goethe, par exemple, avait trouvé intelligent de passer soixante ans à écrire les deux parties de son Faust dans l’espoir, un jour, d’une très hypothétique  et superfétatoire représentation), rêvant de cinéma sans se l’avouer, ne travaillent en réalité qu’au retour de l’analphabétisation, ce qu’atteste en général ce qu’ils écrivent. CQFD.

     

     

    Voir aussi ici (Tchekhov) et ici (Giraudoux).

  • Si Jeff Koons m'était compté...

    – Jeff Koons à Versailles ?

    – Bien sûr. Et la performance publique de Rocco Siffredi à l’Elysée, c’est pour quand ?

     

    (Pas d’illustration aujourd’hui.)

     

    Sérieusement.

    Une interview de Jean-Jacques Aillagon, ex-Ministre de la Culture (sic), dans le Figaro, se termine ainsi :

    Figaro. – Et si Koons à Versailles fait un flop ?

    JJA. – On ne recommencera pas.

    Il ne fera pas « flop », Koons.

    D’abord, parce que les statistiques et l’outillage conceptuel sociologique l’en empêcheront (ils sont là pour ça).

    Ensuite, et surtout, parce que le vide ne fait jamais flop.

     

    Un bel article, toujours dans le Figaro, de Jean Clair. « Jeff Koons à Versailles, c’est le monde à l’envers. »

    Le monde, en effet, est à l’envers.

     

    Et un autre article, de Philippe Dagen, dans le Monde (à l’envers), magnifiquement titré : « Jeff Koons honore Louis XIV. »

    Dans le monde à l’envers, je crois qu’ « honorer » a le sens qu’avait le verbe « enculer » dans le monde à l’endroit.

    Exercice : Imaginez le titre de l’article qu’écrirait Philippe Dagen pour annoncer la performance publique de Rocco Siffredi à l’Elysée.

     

     

     

     

     

    [PS: Pour répondre à un message bêta, je certifie avoir volontairement écrit dans mon titre "compté", et non "conté".]

  • Progrès technique

     

     

     

    Aristote veut que la tragédie bien faite soit belle et capable de plaire sans le secours des comédiens, et hors de la représentation. Pour faciliter ce plaisir au lecteur, il ne faut non plus gêner son esprit que celui du spectateur, parce que l’effort qu’il est obligé de se faire pour la concevoir et se la représenter lui-même dans son esprit diminue la satisfaction qu’il en doit recevoir. Ainsi je serais d’avis que le poète prît grand soin de marquer à la marge les menues actions qui ne méritent pas qu’il en charge ses vers et qui leur ôteraient même quelque chose de leur dignité, s’il se ravalait à les exprimer. Le comédien y supplée aisément sur le théâtre, mais sur le livre on serait assez souvent réduit à deviner, et quelquefois même on pourrait deviner mal, à moins que d’être instruit par là de ces petites choses. J’avoue que ce n’est pas l’usage des Anciens, mais il faut m’avouer aussi que faute de l’avoir pratiqué, ils nous laissent beaucoup d’obscurités dans leurs poèmes, qu’il n’y a que les maîtres de l’art qui puissent développer ; encore ne sais-je s’ils en viennent à bout toutes les fois qu’ils se l’imaginent. Si nous nous assujettissions à suivre leur méthode, il ne faudrait mettre aucune distinction d’actes ni de scènes, non plus que les Grecs. Ce manque est souvent cause que je ne sais combien il y a d’actes dans leurs pièces, ni si à la fin d’un acte un acteur se retire pour laisser chanter le chœur, ou s’il demeure sans action cependant qu’il chante, parce que ni eux ni leurs interprètes n’ont daigné nous en donner un mot d’avis à la marge.

     

    Pierre Corneille, Discours des trois unités.

     

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    Voir aussi, pour la citation d'Aristote, ici.

     

     

     

  • Un an

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    Question. – En un an, que vous a apporté de tenir ce blog ?

    Réponse. – Des lecteurs que je ne connais pas. Parmi lesquels, quelques « amis », qui se déclarent ; et aussi quelques « ennemis », qui ne se déclarent généralement pas, mais dont certains, courageusement, manœuvrent en coulisses. Et, cerise sur le gâteau, dans mon entourage proche, quelque chose comme une trahison (ah, la peur…). Plus sérieusement, Theatrum Mundi m’a permis, pendant un an, de ne pas écrire.