Ce n’est pas à proprement parler qu’ils n’aient pas eu de talent, ou que certains ne soient pas capables techniquement d’une composition cohérente et parfois même complexe, le problème est cette absence généralisée de courage, et que cette absence de courage réel insensiblement réduit à néant leur talent, n’en laissant subsister qu’une présence fantomatique, celle, oui, d’un talent que l’absence de courage absenterait incessamment. Il faut dire que cette conjonction d’un talent fantomatique et d’une absence de courage tant bien que mal masquée et compensée par des rodomontades fanfaronnes hors de leur champ d’exercice – dans les médias ou sur les réseaux sociaux –, est ce qui a permis aux meilleurs d’entre eux, les plus arrivistes d’entre les médiocres, de répondre aux critères de soumission posés par un pouvoir politique incompétent (dont ils peuvent admettre par ailleurs qu’il n’est plus désirable en rien, sauf l’argent) et partant, de réussir une carrière, même petite, fondée sur le sacrifice pour ainsi dire préalable, ou anticipé, de la possibilité même d’une œuvre, au sens que ce mot avait eu jusqu’à une époque très récente.
Yves Linteau, Réponses