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Le crible

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Il était presque toujours ennuyé devant les gens qui professaient des opinions, c’est-à-dire souvent. Selon ses humeur et fatigue, et aussi selon ce qui le liait à ces gens, il abondait mollement, leur abandonnant la parole, ou les contredisait d’une passion d’emprunt, les assaillant à toute vitesse d’arguments ineptes qu’il avait antérieurement ramassés çà et là et consciencieusement ordonnés. De plus en plus souvent, toutefois, il se taisait. Il est bien possible qu’il n’ait jamais cru à rien, vraiment ; et cette pensée-là, qui lui venait parfois, l’embarrassait assez. Il en était très approximativement désolé. Les seules personnes auxquelles il voulait bien en quelque sorte passer leurs opinions étaient celles qui étaient, tout de même, capables d’en rire franchement, et souventefois aussi elles étaient capables de rire d’elles-mêmes. Il s’était longtemps senti plus proche de ces personnes-là, surtout s’il sentait que, par-delà les phrases et les mondanités, elles étaient capables de risquer leur peau pour ces opinions desquelles elles pouvaient rire. Les seules questions désormais qu’il se posait, étaient de ce genre-là de concret : Sérieusement, tu lui confierais tes gosses ? Irais-tu crever pour ce guignol ? Il espérait aussi n’avoir pas à répondre en acte à ces questions. Les personnes pour lesquelles il répondait positivement à sa propre question, il pouvait avec elles s’engueuler ; avec toutes autres, il demeurait d’une courtoisie d’acier. Il savait aussi qu’un jour quelconquement fatal, il serait amené à trahir l’une ou l’autre de ses propres réponses ; au moins se serait-il utilement illusionné – cela aura passé un peu du temps de vivre. Pauvre chien d’homme.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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