Photo : Oliver Kurmis
I
J’ai déposé les armes.
Ça pourrait commencer comme ça :
J’ai déposé les armes.
Ce matin, le train roulait dans l’aube, soleil à l’horizon : ses rayons, je le voyais à l’ombre du train filant vers l’ouest, passaient entre les rails et le bas de caisse.
Roues d’ombre immobiles, filant vers l’ouest.
J’ai déposé les armes.
Et je me disais merde, c’est une journée à bien aimer la vie.
Le ciel est bleu et je suis amoureux de cette femme.
Le ciel est bleu, bientôt ce sera le printemps et le chant dans les arbres des oiseaux.
C’est une journée à aimer la vie, merde.
Voyez, je suis en paix, j’ai déposé les armes.
Il y avait la plaine encore et à son aplomb sous le ciel bleu des nuages blancs et anthracite comme une chaîne immense de montagnes hors sujet.
Et puis l’ombre du train encore. C’était beau.
Et puis il y a cette femme dont je suis amoureux. Peut-être qu’elle habite dans le passé. Peut-être que ça n’a aucune importance, le temps.
En fait, elle est morte. Au moins à elle-même. A elle-même. Ah. Elle m’aime.
Et peu importe, merde, puisque c’est une journée à bien aimer la vie.
Voyez, oyez, je suis en paix, j’ai déposé les armes.
Voyez, oyez, je suis en paix, j’ai déposé les armes.
Voyez, oyez, répétez.
Ça finirait ci-dessus.
Poème improvisé, presque chant.
Ça finirait sur ce « Voyez, oyez, répétez » qui achèverait d’instiller le doute.
On me poserait la question :
– Merde, qu’est-ce qu’il t’arrive ? Tu dis des choses positives ?
– Oui. Mais c’est juste pour le plaisir de vraiment tout dégueulasser.
– Il n’y a pas de femme dont tu es amoureux, c’est ça ?
Vivante ni morte…
Entre tant d’autres choses qu’il n’y a pas. Maintenant, colle bien tes épaules au fauteuil, ravance tes fesses, mets ta tête le plus que tu peux en arrière, expectore un peu et crache-toi ton molard à la gueule, mon ami.
Ça t’apprendra à rêvasser que je lâche.
Il n’y a décidément pas de plus grande putain que la sincérité.
Et les putains sont là pour être tronchées.
II
Ta gueule, je joue !