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Eloge de la Halde

Quoique je tienne que la comédie moque tout ce dont elle parle, et donc que Le Misanthrope ou L’atrabilaire amoureux d’un dénommé Molière ne fait pas exception à la règle, j’ai de la sympathie, c’est-à-dire de la compassion, sinon pas simplement de la pitié, et davantage que je n’en ai pour Tartuffe ou Dom Juan, pour ce pauvre type d’Alceste.

Molière par Nicolas_Mignard.jpg

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Nonobstant quoi, la plupart des gens, me semble-t-il, considérant que Molière, s’identifiant peu ou prou à l’Alceste en question, écrivit sa pièce à décharge – ce qui est, je trouve, d’un simplet, l’identification n’empêchant la moquerie –, je me demande bien pourquoi la Halde de notre non moins simplet Louis Schweitzer, soucieuse que le monde devienne une porcherie hygiéniste homologuée, ne travaille pas à sa pure et simple interdiction de publication, ou, au moins, d’enseignement dans les écoles de ce qu’il faut bien se résoudre à écrire la Raie publique, dans le but citoyen d’améliorer et parfaire, si tant est que faire se peut, l’abrutissement total des générations en cours et futures.

Ceci dit, la misanthropie étant un terme légèrement trop ancien, la Halde pourrait préconiser, plutôt que de lister une à une toutes les discriminations possibles, la création en droit d’une humanophobie, laquelle permettrait aux ordinaires associations de personnes délirantes et cupides, d’attaquer en justice tout ce qui ne s’exprime pas, à propos de quoi ou qui que ce soit, en termes positifs et élogieux, voire carrément dithyrambiques.

La démocratie athénienne, sous Cléon, n’était pas parvenue à condamner à mort, pour haute trahison, ce fauteur de troubles d’Aristophane, qui, dans sa première farce hélas perdue, s’était permis de traîner dans rien moins que la merde, et sous les encouragements du public, ce même Cléon. De tels manquements à la justice, quoique la mort chez nous ne puisse plus judiciairement être que sociale, devraient être rapidement empêchés par la liquidation totale de l’Histoire et la condamnation de chacune de ses actuelles réminiscences intempestives.

Et le monde sera enfin tout rien que du positif pur.

S’il reste quelqu’un pour savoir écrire dans… – je ne sais pas, moi… – trente ans, lorsque notre vieille civilisation critique (critique étant l’adjectif, comme chacun sait, du mot crise) sera tout à fait effondrée, on pourra peut-être lire, dans quelque manuel d’histoire réservé à l’élite : « L’armée de libération de nos ancêtres fut honteusement repoussée au nord de Poitiers,  le 1 ramadan de l’an 114 de l’Hégire (1), par l’infidèle intégriste Charles Martel, retardant ainsi de treize siècles la libération de l’Europe de ces ténèbres obscurantistes où la tyrannie chrétienne puis laïque l’avait ignoblement maintenue. »  

Et ce ne sera pas, alors, de l’humour ; la Halde, décédée depuis, l’aura fait interdire de longtemps.

 

(1) 25 octobre 732 A.D.

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