Interview NDE (première partie)
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LA MORT – Vous voyez, ça ne marche pas.
L’INCONNUE – En effet.
LA MORT. – Vous avez l’air un peu perdue, n’est-ce pas ?
L’INCONNUE. – Oui. Je ne sais pas trop quoi penser de tout ça. Est-ce alors que je suis morte pour toujours ?
LA MORT. – Dites-vous simplement que vous êtes en vacances ; et que ces vacances n’auront pas de fin.
L’INCONNUE. – Ca, c’est génial.
LA MORT. – C’est d’enfer, même. – Vous reconnaissez-vous dans ce miroir ?
L’INCONNUE. – J’aimerais bien. Qui est-ce ?
LA MORT. – Vous. En ce moment. Ne voulez-vous pas vous reconnaître enfin pour cette belle femme encore ?
L’INCONNUE. – J’aimerais bien. Ou j’aurais bien aimé. Mais il aurait fallu que ce ne soit pas. Ce n’est pas moi, cette femme.
LA MORT. – Si.
L’INCONNUE. – C’est moi ?
LA MORT. – Prenez donc le temps de vous tâter, si vous voulez.
L’INCONNUE. – Je suis belle ?
LA MORT. – Vous êtes belle.
L’INCONNUE. – C’est mon nez surtout qui est plus court qu’avant, non ?
LA MORT. – Il est parfait à présent.
L’INCONNUE. – Vous ne vous moquez pas ?
LA MORT. – Non.
L’INCONNUE. – Je suis belle, maintenant ? Je suis belle !
LA MORT. – Nous repartons du bon pied et dans un nouveau train, ma chère. N’est-ce pas que je suis là pour vous aider, et que vous en êtes bien certaine ?
L’INCONNUE. – Bien sûr. Il semble bien. Dites, pour combien de temps suis-je belle ainsi ?
LA MORT. – Pour le temps qu’il faut.
L’INCONNUE. – C’est merveilleux. Un conte de fées. Vous me rendrez mon nom, après ?
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LA MORT – Alors, à la gare, ce lundi, il s’est passé quoi ?
L’INCONNUE – Je suis descendue du train et…
LA MORT – Et ?
L’INCONNUE – Et je suis allée au travail.
LA MORT – Ah ! quand même. Je rappelle aux spectateurs que si cette affirmation était fausse, ça sonnerait. Donc, il ne s’est rien passé de particulier ?
L’INCONNUE – Rien du tout, non. Pourquoi ?
LA MORT – Pour rien. Et vous vous en souvenez tout de même ?
L’INCONNUE – Oui.
LA MORT – Ca, c’est fort.
L’INCONNUE – C’est fort. En quoi ?
LA MORT – La ferme. Les autres lundis, vous vous en souvenez ?
L’INCONNUE – Non. Pas vraiment. Ou plutôt, les autres lundis sont ce lundi-là. Pareil. En tous points.
LA MORT – Alors, ce n’est pas un lundi dont vous vous souvenez. Pas un lundi particulier.
L’INCONNUE – Vous êtes psychologue, dites donc.
LA MORT – Oui. Psychopompe, même. Je suis la Mort.
L’INCONNUE – Ca, c’est pour la télé.
LA MORT – Oh, pas seulement. Je suis quelqu’un comme vous et moi. Mais passons. Pas un lundi particulier, donc ?
L’INCONNUE – Non, un lundi normal, tous les lundis de la vie en un seul souvenir invariable.
LA MORT – Souvenir qui donc est faux.
L’INCONNUE – Oui. Souvenir faux mais dont je me souviens.
LA MORT – En somme, vous allez plutôt bien.
L’INCONNUE – Sans doute, oui.
LA MORT – Tout va bien.
L’INCONNUE – Je crois, oui.
LA MORT – Non, sérieusement, tout va bien ?
L’INCONNUE – C’est vrai. Tout va bien.
LA MORT – C’est vrai. Ma chère, vous êtes parfaitement normale. En pleine santé. Heureuse mère de deux jolis enfants. Formidable. Exceptionnelle. Normale. Banale. Une être humaine comme les autres.
L’INCONNUE – Merci, merci. – Mais alors, mon nom ?
LA MORT. – Vous en avez besoin encore ?
L’INCONNUE. – Je ne sais pas. Peut-être pas, non. – Non, en fait.
LA MORT – Voilà, voilà, il ne nous reste plus qu’à remercier notre candidate chez qui les effets de notre Spécial Sérum ne vont pas tarder à se dissiper totalement, laissant à la place de cette émission une zone mémoire entièrement vierge. Merci beaucoup à vous, donc.
L’INCONNUE – Merci à vous.
LA MORT – A demain pour un nouveau Jeu de la Mort en Direct, pour un nouveau JMD.
L’INCONNUE – Merci encore à vous…
Guillerette musique de générique.