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  • Comment je suis devenu positif (pub)

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    C’est une chose assez éprouvante, à la longue, de faire le jour tout ce qu’on pense, la nuit, qu’il ne faudrait pas faire. Et puis, à un moment, tout cela devient indifférent. La mort engourdit vos membres ; vous aimeriez dormir. Avant, selon votre humeur, votre force, vous trouviez moyen de rire des choses atroces ; ou bien vous en pleuriez de rage. On vous disait cynique, nostalgique, pire encore ; on dit n’importe quoi, c’est son job. Vous étiez simplement vivant, pas sans contradiction. L’indifférence, l’habitude, la reconnaissance aussi ont tout nivelé, égalisé. Vous faites une chose le jour, une autre la nuit, elles sont peut-être encore contradictoires, mais elles sont aussi devenues les mêmes. C’est votre routine à vous, c’est tout. La douleur s’atténue. Vous dormez mieux, et plus. Il n’y a plus qu’à faire, le jour, ce que vous savez faire le jour. Ce que vous pensez de ce que vous faites vous indiffère – au diable ! Vous êtes mort. Bien sûr, ce n’est pas désagréable. On trouve d’ailleurs que vous avez gagné en sincérité.

    Autoportrait du 28 juin 2009.

     

    Il ne me reste plus, pour illustrer cela, qu’à vous laisser cliquer sur la phrase publicitaire suivante : Ce que j’ai fait quand j’ai compris que j’étais un morceau de machine ne sauvera pas le monde.

     

     

     

     

     

  • Production

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    C’est étonnant, tout de même, comme je n’entends personne se plaindre qu’il n’y ait plus de critique théâtrale qui ne soit pas avant tout publicitaire ; cela vient peut-être de ce que tous les gens du milieu cherchent la publicité, non la critique ; cela vient donc à coup sûr du fait qu’il n’y a pas d’œuvres.

     (Quoi, j’ai dit un gros mot ? Des « productions », comme on dit pour ne pas dire des produits, ce ne sont pas nécessairement des œuvres.)

    Aucune importance, donc.

     

  • Technokrisis II : Parricides haut-débit

    Le théâtre est écrit ; le théâtre est en langues.

    Il utilise donc, pour parler idiot, le même medium que l’histoire, la philosophie, la politique, le droit et la loi, toutes choses aujourd’hui méprisées, et par ceux-là d’abord, bien souvent, qui en ont charge. Le théâtre n’échappe pas à cet effondrement.

    Avant d’être ruiné par les catéchistes analphabètes du multimédia spectaculaire, il est ruiné par ses prétendus défenseurs mêmes, au premier chef les auteurs dramatiques ; au point que pour éradiquer ou défendre cet art ancien et vénérable, il ne semble plus à personne nécessaire d’arguer d’une autre logique que celle, misérable, de son bon droit

    *

    La machine médiatique est une machine à hacher les discours ; elle ne  demande in fine que l’efficace du slogan et les hommes politiques la lui servent d’abondance. De l’ancienne raison explosée demeurent seulement d’épars fragments utilitaires. Du journalisme. Parce qu’ils ne pensent pas plus loin que leurs quotidiens et magazines préférés, les auteurs dramatiques appartiennent à cette même porcherie et dialoguent du journalisme idéologique au kilo ou, en guise de traduction dramatique, de la bouillie poético-diarrhéique.

    (Je ne parle pas ici des metteurs en scène ; ce sont désormais des journalistes comme les autres, tenus par l’économie de commercialement formater leur idéologie d’avant-ringarde.)

    *

    Le pouvoir culturel, lui aussi au seul spectacle réduit, conscient que cette nauséeuse surenchère de bonnes intentions peut lasser, mais convaincu que son fond est le bon, demande instamment au théâtre de passer à l’acte et d’employer enfin pour elles-mêmes ces merveilleuses technologies prétendument nouvelles.

    La machine est en marche, et sur le mode de la plus infâme mimétique.

    *

    En affirmant comme une évidence admise que ces technologies sont langages, et non pas possiblement des outils au service du langage, ce pouvoir aberrant vise seulement à mettre sur un absurde pied d’égalité tous ces prétendus langages. Il s’agit rien moins que d’oblitérer le fait que le langage, la parole, est ce qui fonde et institue l’humain ; il s’agit rien moins que de parachever la destruction du langage humain constitué et partant, d’en finir enfin avec la logique, la raison, la représentation du monde, le sens, le Verbe.

    *

    S’il est tellement question de langages, c’est au fond pour qu’il ne soit plus question de langue.

    *

    La plus infâme mimétique consiste donc à interdire au théâtre de faire avec ses outils mimétiques propres la critique du monde tel qu’il s’effondre ; et à lui imposer, en lieu et place critique, un effondrement parallèle. Ce qui est ici interdit, c’est tout bonnement l’écart mimétique, la dimension réflexive, la possibilité spéculaire. Ce qui est ici interdit, c’est la parole.

    La survie du théâtre à l’ère de la machine supposerait en somme qu’il abandonne volontairement tout ce qui, précisément, fait du théâtre qu’il est du théâtre ; non seulement la parole mais la transmission de la parole ; et le rapport au conflit qui directement en provient.

    *

    Supposant un nivellement total des singularités, l’uniformisation corporatiste des auteurs dramatiques, cette imbécillité providentiellement surgie au moment d’en finir avec l’art théâtral, finit elle-même par plaider en faveur du zoo technologique industriel. Pourquoi continuer de parler pour ne rien dire en fatiguant tout le monde ? Pourquoi ce long suicide pathétique ? Quand il serait si simple de « créer » de jolies images magiques parsemées de slogans poétiques et citoyens ? Quand il serait si simple de faire de la publicité en luttant contre ? Puisque la seule bonne publicité est en définitive celle qu’un « créateur » se fait à soi-même.

    *

    Et voilà pourquoi votre spectacle est muet.

    De toute façon.