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Occident - Page 3

  • Cellule

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    Retour enfin après trois mois de pérégrinations diverses au bureau, table bleu rouille de bois mal joint, papiers oubliés là au dos desquels écrire, plutôt griffonner, stylo de fortune. Une seule chaise, et pliante encore, pas de téléphone, d’ordinateur, des cartons fermés de livres au sol, pour le chauffage on attendra octobre, voire novembre. Rien que le nécessaire, ou guère plus. Un nécessaire d’Occident riche, disons. Et la lumière du jour, claire et froide, déjà presque hivernale, par la large fenêtre. Plaisir d’écrire ces pauvres lignes avec son manteau sur le dos tandis que tousse la cafetière. Amusement aussi de regarder comment le désordre peut régir si peu d’objets, feuille de papier froissée, pipes pas vidées, un verre à vodka vide et sale au sol, deux cendriers trop pleins. Repos certain à prendre ces objets banals pour paysage. Pourquoi la contemplation s’attacherait-elle à je ne sais quelles choses réputées extraordinaires ? Il y a ce qu’il y a et, littéralement, tout est là. J’ai traversé la ville plusieurs fois ce matin, à pied et en voiture, elle m’a semblé absente, une manière de désert. J’ai vu des gens pourtant, nous nous sommes parlé, rien déjà ne reste de cela, la ville bouffe la présence, la fait disparaître, elle efface, recouvre, puissance d’oubli, ou d’oblitération. Et je m’en trouve ici comme retiré, provisoirement, sensation pleine, absence autre, que n’entame pas, ou pas vraiment, mais peut-être accompagne, l’incessant passage des bus, en bas, ce manège. Avec cet effort à présent de silence, me ressouvient ce qui, dans cette matinée urbaine de rendez-vous variés, ne colle pas exclusivement au prétexte de l’utilité, de l’efficacité. Bien. Au travail.

     

     

  • Brouille

    N. tente de me convaincre de l’onctuosité, comme il dit, des femmes. De la générosité des femmes. De leur féminité féminine et féminale, laquelle, à son heure – le piège une fois refermé, selon moi –, doit devenir maternité matricielle enveloppante. De la grandeur des vertus sacrificielles et maternelles des femmes. Et, bien sûr, de la positivité dépourvue de la moindre trace, même résiduelle, de négativité, des femmes.

    Et systématiquement, il prend pour exemple la sienne :

    – Tiens, prends Y., par exemple, quand elle fait…

    Etc. J’expose mon désaccord avec son pseudo-féminisme, qui me semble bien davantage un maternisme. Quoiqu’évidemment, je reconnaisse son règne universel sur l’Occident éventré ; et le déplore.

    Il insiste, N.

    – Mais, là, tiens, prends Y., par exemple, quand elle dit que…

    Je ne suis pas du tout convaincu.

    – En fait, dis-je, tu ne vis pas vraiment avec une femme…

    – Comment ça ?

    – Non, tu m’as l’air de plutôt vivre avec un échantillon standard de les-femmes. Je crois que tu vis avec une les-femmes. Avec une illusion que tu instrumentalises à ta guise, au fond. La réalité, de toute façon, est devenue virtuelle.