Il y a une joie à écrire des choses que l’on préserve de toute forme de publication, de publicité.
Une joie à passer une après-midi de canicule à mettre en forme, scrupuleusement, des phrases vraiment impubliables, même sur un blog – c’est dire.
Une joie aussi à voir sortir enfin de cet amas monstrueux quelques lignes présentables à ce monde, et pourtant issues en droite ligne de ce qu’on a décidé seul, j’allais dire souverainement, de garder en réserve.
Il y a une joie à soigner ainsi le malentendu, à vouloir même, qui sait ? que le lecteur mal-entende, ou pour le moins n’entende pas tout de ce fragment détaché qu’il lit consciencieusement, en intégralité. C’est un inconnu, aussi, le lecteur, et la question ne peut pas être tranchée de savoir s’il est ami ou ennemi.
Il y a aussi, bien sûr, une malignité particulière à écrire ici un tel billet, concernant quelque chose qui ne sera pas rendue disponible au lecteur et dont il eût dû ignorer l’existence même.
Il y a en somme une joie à préserver son texte de la publication, de la publicité et une malignité particulière à venir publier qu’on a la merveilleuse idée de se porter à soi-même censure. C’est tellement d’époque qu’il eût été dommage de n' y pas céder. Remarquez, je n’ai pas sous la main d’autre époque, pas d’autre monde que ceux-ci.
Et il est même un peu plus retors encore de différer sans date la publication des quelques lignes jugées présentables à ce monde, de sorte finalement qu’au moment de cette annonce rien ne paraît, ni bien sûr ce qu’on réserve ou préserve, ni non plus ce qui eût pu, je crois, être offert au lecteur.
Il reste le malentendu – peut-il se déployer sans texte ? –, peut-être ruse ou leurre ; et la question non tranchée de savoir si le lecteur est ami ou ennemi. Aussi ce plaisir de souligner l’emploi sans hasard d’un vocabulaire guerrier avant de disparaître.