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Pour saluer la rentrée littéraire (2)

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Si j’écris un roman, il faut bien qu’il ressemble à un roman. J’évacue de suite toute velléité d’imiter de grands anciens : sans même compter que leur lecture demande un effort disproportionné au plaisir qu’ils procurent, ils sont loin de mon goût et hors de ma portée ; aussi bien le résultat ferait vieillot – c’est du moins ce que je crois, à tort ou à raison. Il vaut bien mieux être soi-même : je vis aujourd’hui, j’écris comme aujourd’hui. Il n’y a plus moyen alors que de copier sur les contemporains qui font, je trouve, de si mauvais romans. Quand je dis copier, entendons-nous, ce n’est pas malhonnête : j’imite seulement les règles de composition qu’a dictées le plus récent marché : car le reste est à moi, de moi, selon moi. Mais une méchante impression de banalité m’écrase bientôt : je fais mes devoirs d’écolier. Enervé, je me débats et m’affranchis d’un coup de ces règles pas vraiment écrites ; passée la sensation première d’une liberté brouillonne, je m’aperçois que j’ai écrit n’importe quoi, ou à peu près. En tout cas, ça ne ressemble plus à ce qui est communément admis comme roman. Temps perdu. Quelque chose me dit : N’écris pas, va en Afrique ou au supermarché. Mais je résiste à la tentation, et je me dis bientôt : si tant d’autres font de mauvais romans, il n’y a pas de raison que je n’y parvienne pas aussi, non, il n’y a pas de raison. Et je suis un peu rassuré. Ce que j’ai fait n’est pas si mal et avec un peu de chance l’emporte sur le plus gros de la production annuelle. Je retranche et retravaille, c’est selon, mais très vite, ce qui était parti en roue libre. Ca avance bien. Mon roman commence à ressembler à un roman. Je me demande si je ne jalouse pas un peu les gens que je méprise, et surtout si de les rejoindre condamne ou justifie ce sentiment facile. Allons, ils n’étaient sans doute pas si mauvais, leurs romans, puisque j’en fais comme eux, et avec les difficultés que j’ai dites.  C’est qu’il faut le faire pour le savoir, que mettre debout cent pages mêmes médiocres demande un effort harassant. D’ailleurs ces produits neufs sont simplement normés pour des marchands et des clients qui les veulent tels. Je ne vois pas du tout pourquoi on ne devrait pas savoir par avance ce qu’il y a dans un livre. Tout ça pourtant ne rapporte pas bézef. Je me souviens d’un reportage qui disait que les producteurs de salades bretons avaient les mêmes soucis.

 

 

 

 

 

 

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