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Lire (et ne rien dire)

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C’est étonnant quand on écrit de petites choses comme on a besoin d’en lire de grandes.

Je puis parvenir à cette conclusion, comme en sautant des marches, mais je ne saurai dire pourquoi en écrivant, ou ré-écrivant, ce dialogue nocturne entre un homme et une femme, je me suis lancé pour la nième fois dans cette entreprise extraordinaire, sans équivalent au siècle précédent, et peut-être jamais vraiment depuis Dante, que sont les Cantos d’Ezra Pound.

C’est étonnant aussi, toujours, ce hiatus entre ces noms dont on peut admettre qu’ils sont ceux de grands poètes, et les quelques-uns seulement auxquels on revient, par goût, par choix, par affinité par-delà même ce que l’on saisit d’elle. Pour moi, Apollinaire – surtout les Calligrammes –, Pound, Claudel.

Ces poètes, ces écrivains dont en même temps je me sens emprunté, presque empêché de parler, parce que je ne me trouve pas de talent particulier ou à en dire quelque chose qui n’aurait pas été dit déjà, ou à rendre compte précisément, presque sensiblement, de ce qu’est vraiment ce qu’ils me donnent… Et donc, plutôt ne rien dire que dire n’importe quoi, ou ces banalités toujours gentiment effrayantes, ce qui revient au même.

C’est étonnant aussi, de rester muet devant d’autres classiques, sempiternellement rabâchés, mais mal je crois, et que leur rabâchage même, ayant lassé, tend aujourd’hui à faire simplement oublier ; je songe à ces classiques, français notamment, auxquels aussi je reviens, comme si pour ainsi dire du XXème siècle j’enjambais au XVIIème, sans trop d’égards pour les intermédiaires ; le Phèdre de Racine, le Pompée de Corneille et la rafale des derniers Molière ; comme si ces derniers m’indiquaient aussi, comme on montre du doigt la source, leurs pères, venus de deux branches distinctes, l’une hellène par Rome, l’autre juive puis chrétienne, nous parvenant également par Rome, l’autre Rome – la même, pourtant. Je passe ici sur Shakespeare et Sénèque, sur l’exception que serait le premier Faust –  dès le second nous avons changé non pas de genre, de style ou de siècle, mais d’ère, un monde a fini.

(Un peu comme s’il m’était très difficile, finalement, de m’attacher à une littérature, et je n’ai aucune dévotion à ce mot, qui cherche simplement à transcender le symptôme particulier, au sens finalement psychiatrique, oui, de son auteur – ainsi qu’il est devenu monnaie courante, certes, mais monnaie surévaluée.)

Et donc, oui, je relis, mais c’est comme si c’était la première fois, ou plutôt : c’est comme si je ne savais toujours pas les lire, et donc comme si je ne savais toujours pas lire, je relis les Cantos d’Ezra Pound.

Et j’écris mes tous petits dialogues. Et je sais que je suis une poussière.

 

 

 

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