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La pluie

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Pas moyen de se concentrer. Le café commence de dégueuler de jeunes gens qui descendent des bières. Leurs vociférations étouffent même les chansons sirupeuses, gentiment niaises que la radio balance à voix basse. Une grande fille un peu forte glisse mollement le long du comptoir, renverse sa bière sur elle, tente de rire d’elle et n’y parvient pas, renonce. Et par la fenêtre, la pluie qui tombe dru, toujours, toujours. La nuit vient tôt. A la gare, de l’autre côté du boulevard, mon train est annulé. Je tente d’écrire des phrases au dos des notes de caisse de mes cafés. Je rature tout, agacé calme. Un type sans demander emprunte la chaise vide qui me fait face. C’est plus clair comme ça. Personne ne viendra s’asseoir face à toi. Au comptoir, un con gueule. Je commande un sixième café, surtout pour avoir du papier. Résultat.

 

En faisant quelque action domestique banale,

sifflant sans application particulière une chanson idiote :

 

Immobile en lui comme au centre même de la vie et percevant avec netteté l’écoulement autour de lui de tout et de chaque chose, ruissellement qui lave – il est en ce repos seulement arme, silence ; sait que vient avec douceur le moment nécessaire de la parole, meurtre – et la pointe supérieure du droit qui ne peut pas être dit, à tous évanoui.

 

Dialoguant seul tout à coup :

– Tu te racontes des histoires, grand ?

– Peut-être, oui, …

Et de nouveau ce silence.

Long sourire dans le vide, avec le regard qui suit… Ne relis pas, c’est encore plus idiot que mauvais. Il s’agit seulement de passer le temps. En attendant quoi ? En attendant que la pluie cesse. C’est mal parti. En attendant qu’il n’y ait toujours pas de train. Je range quand même la note dans mon portefeuille – et un café gratuit, un !

Et toujours alentour le bordel, à l’intérieur cette solitude, par la fenêtre cette putain de gare sans trains.

De toute façon, je ne tiens pas particulièrement à rentrer. Je trouve immense mon calme, triste, presque majestueux. Je songe que je pourrais m’énerver, un jour ; mais non, c’est fini, ça ; à un moment, ça a été fini, oui.

Une femme d’une soixantaine d’années, chaîne et croix en or sur pull marin d’été, chaise à main droite, verre de blanc à main gauche, s’invite à ma table et me demande gentiment ce que je fais dans l’heure. Je ne réponds pas, je crois. Me lève. Au comptoir, les jeunes adultes chantent des génériques de dessins animés. J’y paye sans ciller cinq sur six de mes cafés.

Je vais sur le trottoir fumer lentement sous la pluie drue. Je reste là longtemps.

 

 

 

 

 

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