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Tragédie, farce (2), par Stéphanie M.

L'acte I est ici.

 

ACTE II

 

 

3. An’ now, the clownes

 

ANNONCE : Dans cet exercice, aucun animal humain n’a été maltraité. Si c’est possible.

 

ELLE. – J’aime ta peau.

LUI.  – Qu’est-ce que j’y peux ?

ELLE.  – Tu sais… je ne pensais pas que tu viendrais, cette nuit.

LUI. – Mon ordinateur est en panne.

ELLE. – Tu es gonflé…

LUI – Suce.

 

 

4. Commentaires

 

Ici, c’est moi qui parle :

 

TOUT SE PAIE, même ces salopes de phrases se paient, elles sont d’abord une question de rapport, TOUT EST TOUJOURS A PAYER et la gratuité même se paie plus cher que tout le reste, TOUT EST PAIEMENT, tout se paie socialement et tout se paie physiquement, tout se paie à chaque instant, ces phrases se paient socialement et se paient physiquement, mais aussi il faut bien que TOUT PAIE éternellement

 

la douleur & la joie paient et se paient, NOUS SOMMES DE LA MONNAIE et nous sommes virtuels, NOUS SOMMES VIRTUELS et nous sommes de la monnaie, nos corps sont de la monnaie, face et revers, RIEN NE SE PAIE ni ne s’échange ni ne se monnaie car ETERNELLEMENT TOUT PAIE, le rapport de tout à tout n’est peut-être pas seulement une question de rapport, pas d’abord non une question de rapport, TOUT CE QUI EST ICI-BAS PAIE pour être racheté, tout paie en douleur & joie et il le faut, car nous sommes avant tout VIF ARGENT, argent vif, nos corps mêmes –

 

ET IL NE RESTE ICI AUCUN RESTE NI NE DEMEURE ICI AUCUNE DEMEURE – non ? Ou : qu’est donc, donc, ce que j’écris ?

 

Il y a plusieurs demeures dans la maison de mon père.

 

ce qu’il faut connaître c’est que nous sommes déjà rachetés, par avance rachetés et que c’est CELA précisément que nous PAYONS, nos phrases sont de la monnaie de singe, de la monnaie de singe, car nos paroles d’animaux humains n’offrent aucun accès au VERBE, les singes n’ont pas accès au Verbe et c’est enfin JUSTICE –    

 

Je suis bien trop bavarde. Même nos amours sont faméliques.

 

 

5. Conte dans le conte

 

ELLE. – Tu t’endors ?

LUI. – Mais non…

ELLE. – Mais si, rigolo, tu t’endors…

LUI. – Mais oui, bon…

ELLE. – Dors, mon amour… Pas très loin de la mer, là où commence le désert, pas très loin de la mer, là où pourtant elle n’est plus visible, là où le désert déjà s’étend à perte de vue, et là pourtant où souffle encore une brise marine, là donc, à la tombée du jour, le vieil homme posa soudain son arme, les quelques voyageurs épuisés qui le suivaient s’arrêtèrent, surpris sans doute par ce geste que rien ne semblait avoir préparé, le vieil homme posa son arme, il la laissa tomber mollement sans bruit dans le sable, ceux qui le suivaient ne dirent rien, trop surpris pour parler, surpris sans doute que le vieil homme, malgré dans l’air la proximité sensible de la mer, ne les y mène pas avant que la nuit soit descendue sur la terre, et avec elle le froid redoutable du désert, mais donc les voyageurs se turent, ils avaient grande reconnaissance à leur guide de les avoir menés jusqu’à la mer, presque jusqu’à la mer dont on sentait dans l’air la proximité, et le vieil homme dit : - Asseyez-vous, car je vais vous raconter une histoire. C’est une longue histoire et il ne faudra pas vous endormir tandis que je la raconterai, car celui qui s’endort pendant ce récit ne se réveillera jamais. Chacun s’assit donc, se promettant de ne pas sombrer, y veillant d’autant plus qu’ils étaient épuisés d’un long voyage, chacun s’assit et l’homme commença de raconter l’histoire, mais l’histoire était dans une langue que les voyageurs ne parlaient ni ne comprenaient, et l’histoire était longue et le vieil homme parlait doucement, la nuit et le froid ensemble étaient descendus et l’histoire était longue et les voyageurs l’un après l’autre tombèrent mollement et sans bruit dans le sable, tandis que des larmes roulaient sur les joues du vieil homme qui parlait. 

LUI. – …J’ai dormi, non ?

ELLE. – Je ne sais pas trop.

LUI. – J’ai rêvé, ou tu m’as raconté une histoire ?

ELLE. – Quelle importance ?…

LUI. – Dis-le, si tu l’as fait, que tu m’as raconté une histoire…

ELLE. – Oui.

LUI. – Quelle histoire, alors ?

ELLE. – Eh bien, justement, je ne le sais pas bien moi-même…

LUI. – Tu ne le sais pas ?… Moi non plus, je ne me souviens pas.

ELLE. – Tu as rêvé ?

LUI. – Je dormais dans le sable. Possible ?

ELLE. – Possible. C’était comment ?

LUI. – Ce n’était pas.

 

 

6. Commentaire

 

MOI. – Je parlerai de l’érotique de la plus grande distance, de l’intégration de la conquête à l’immobilité, je parlerai de la victoire sur tout et de l’absolue défaite des illusions. Je dirai que je ne fais rien et je ne dirai pas comment je ne fais rien. Je parlerai de l’ignition simultanée de tous les temps et de la balistique terminale de l’amour. Et je ne dirai rien de toi, parce qu’il est insensé de parler de toi. J’écrirai les dialogues derniers, pas vraiment ultimes, de ces amours écrevées trempées aux flots sanglants de la matière. Je ne dirai pas la vérité car elle ne peut pas l’être en mots, mais inversement j’écrirai ces dialogues de qui je ne suis pas. Et peut-être à qui sait lire cela fera-t-il signe. Je l’espère sans l’attendre. Et baigné de larmes je ris à genoux, devenu toi et tourné vers ta Face. Au cœur de la métropole concentrationnaire, je suis un corps abandonné à la terreur biopolitique de nos démocraties. Dans cette vie, qui est l’ombre d’une absence, je tiens des propos attendus et très originaux, je prends courageusement parti entre d’identiques illusions, je fais ce qu’il faut comme n’étant pas là vraiment, je suis exceptionnelle dans un monde où tout fait exception ; gris sur gris, indifférent, banal, je suis comme tout le monde le meilleur citoyen, jusqu’à la gueule chargé d’anonymat narcissiste, oui vraiment, je suis comme tout le monde le citoyen le mieux intégré de mon CAMP. – MAIS TOUT CECI EST FAUX, TOUT CET EXCEPTIONNEL ET PERMANENT DEPLOIEMENT DE TERREUR CONCENTRATIONNAIRE-DEMOCRATIQUE EST SEULEMENT LE NOUVEAU PARADIGME DE LA VIE FAUSSE. La plus grande distance, dont je parlerai, n’est pas seulement érotique, elle est surtout arme de guerre, et arme absolue. Ainsi qu’énigmatiquement l’annonce tout le temps long et déjà suspendu, détermination calme et lente, de la préparation à cet acte d’amour infiniment supérieur, le vrai Visage du Tueur à l’instant de froidement tuer est voilé par ce ruissellement torrentiel, invisible de toutes les Larmes de la Miséricorde éternelle. Qui n’accède pas immédiatement à cette vision de la Justice n’est pas digne de porter une arme, de lire un livre. OK ?    

 

WELCOME TO OUR DEMOCRATION CAMP –

 

Sérieusement. J’ai fait semblant d’aimer ce type. Je me suis fait croire à l’amour. Il avait perdu son gosse et moi, j’ai adopté un cadavre. Pas un fantôme, un cadavre. Je suis une gonzesse romantique. L’enfant, bien sûr, était parfait. Le mec, supportable. J’ai joui plusieurs fois du cadavre de ce gosse jamais vu, que ramenait dans moi ce mec.

 

 

7. Fin

 

ELLE. – Je t’aime.

LUI. – Tu n’as jamais l’impression, toi, de vivre dans un film ?

ELLE. – Si. Donne-moi une cigarette… Mais la tragédie aussi est un divertissement.

LUI. – I know what you mean.

ELLE. – Whisky ?

LUI. – Please, my love.

ELLE. – Entertainment is tragic because we can’t live without it and because within... we just don’t live. Nevermind, that’s funny...

LUI. – That’s life. Cheers !

ELLE. – OK ?

LUI. – OK...  Merde, le divertissement me divertit, c’est entendu. De mon point de vue certes, c’est un divertissement… Seulement voilà, ce divertissement, de quelle volonté de diversion procède-t-il ?

ELLE. – Quoi ?

LUI. – Une autre fois, quand je n’aurai vraiment pas moyen de faire autrement, je parlerai de la tragédie de l’absence de tragédie. Eh oui, ma petite dame, je suis chercheur en ontologie stratégique…

ELLE. – Tu es complètement cinglé.

LUI. – God bless you.

ELLE. – Tu t’en vas ?

LUI. – Ouais.

ELLE. – Eteins la caméra, alors.

 

 

8. Commentaire

 

MOI. – Le temps ne s’est pas seulement rétracté jusqu’à se refermer sur nous, et bienheureusement, il impose que nous opérions maintenant à l’intérieur de lui, oh pas seulement de façon inversive, mais en incisant de sorte qu’aussi nous soyons dégagés hors de lui. J’appelle cela la Vie, et maintenant

 

Ce que nous vivons est passionnant, réellement, parce que ce que nous vivons est une mise à mort, parce que ce que nous vivons est  LA PASSION DE L’OCCIDENT.

 

Qui aurait le cœur de s’en plaindre ? 

 

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