Les postchrétiens ont remplacé le péché originel par la culpabilité historique, tout en devenant, par consentement masochiste, les victimes de leurs victimes, sans que cette aberration dictée par l’idéologie de l’hybridation généralisée puisse, par exemple, nous faire considérer autrement qu’avec émerveillement la colonisation de l’Andalousie par les Arabes (selon un mouvement qui déploie un Âge d’or mythique pour les seuls Arabes, lesquels n’ont rien produit depuis lors sur le plan culturel ou technique et ne sont revenus sur la scène internationale que par le pétrole et le terrorisme islamiste, qui n’est que le retour d’un refoulé postcolonial, des siècles après l’effondrement de la civilisation arabe), alors que la chute de Grenade, en 1492, la victoire de Charles Martel à Poitiers, en 732, ou la Chanson de Roland doivent se lire non plus avec la ferveur enseignée par les hussards noirs de la République, mais avec la mauvaise conscience forgée par les chiens de garde du Bien, sans considération qu’il y a une beauté de la Reconquista comme il y en a des Croisades ou de la Libération de la France occupée par l’Alllemagne.
Richard Millet, Désenchantement de la littérature