Il regarda sa gueule dans le miroir et se demanda combien de fois déjà il avait vécu ça et si ça arriverait encore. C’est après seulement qu’il avait été bien écrasé par la pression énorme et lente de ce monde, et tout au bord de maintenant mourir, qu’il se sentait enfin en vie, et prêt à en découdre avec la terre entière, pas tant pour survivre que pour le plaisir enfantin, cruel de la bagarre. Puis il colla au ralenti son poing droit dans le miroir, visant le reflet de sa mâchoire, et appuyant un peu son geste vers la fin, étoila durablement cette image de lui-même. Abîmé, le miroir resta collé au mur. Il se dit que c’était là peut-être la seule œuvre d’art qu’il ferait jamais, que personne n’en pourrait rien savoir et que c’était bien mieux ainsi. Puis il pensa soudain à ce que sa femme lui dirait au soir de l’état du miroir et partit tout seul d’un bon rire. Ne fallait-il pas, après tout, que la violence demeurât son amour ?