La liberté ne se connaît que deux sortes d'ennemis : ceux qui la combattent et ceux qui n'y renoncent pas.
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La liberté ne se connaît que deux sortes d'ennemis : ceux qui la combattent et ceux qui n'y renoncent pas.
Il ne faut certes rien discuter, mais l’affirmation péremptoire est néfaste.
Il s’expliquait finalement très mal le monde dans lequel il avait à vivre, mais il était parvenu à le ramener à lui ; cet effort lui avait coûté, disait-il pesamment, quinze ans de sa vie, et maintenant il se sentait plus libre, ignorant obéir.
Deux extraits d’Ubu enchaîné (1899), d’Alfred Jarry. Pièce d’abord annoncée sous le titre d’Ubu esclave, et qui narre l’arrivée du couple Ubu en France…
D’abord la fin de la première scène de l’Acte I :
MERE UBU. – Oublie comme moi ces petites misères. Mais de quoi vivrons-nous si tu ne veux plus être Maître des Finances ni roi ?
PERE UBU. – Du travail de nos mains, Mère Ubu !
MERE UBU. – Comment, Père Ubu, tu veux assommer les passants ?
PERE UBU. – O non ! Ils n’auraient qu’à me rendre les coups ! Je veux être bon pour les passants, être utile aux passants, travailler pour les passants, Mère Ubu. Puisque nous sommes dans le pays où la liberté est égale à la fraternité, laquelle n’est comparable qu’à l’égalité de la légalité, et que je ne suis pas capable de faire comme tout le monde et que cela m’est égal d’être égal à tout le monde puisque c’est encore moi qui finirai par tuer tout le monde, je vais me mettre esclave, Mère Ubu !
MERE UBU. – Esclave ! mais tu es trop gros, Père Ubu !
PERE UBU. – Je ferai mieux la grosse besogne. Et vous, madame notre femelle, allez nous préparer notre tablier d’esclave, et notre balai d’esclave, et notre boîte à cirer d’esclave, et vous, restez telle que vous êtes, afin que chacun voie à n’en pas douter que vous avez revêtu votre beau costume de cuisinière esclave !
Et voici la suite, à savoir la deuxième scène (en intégralité) de ce premier acte ; la scène est au Champ de mars, les personnages sont : Les Trois Hommes Libres (quelle idée formidable d’avoir fait, pour la lecture au moins, un seul personnage de ces trois-là), Le Caporal.
LES TROIS HOMMES LIBRES. – Nous sommes les hommes libres, et voici notre caporal. – Vive la liberté, la liberté, la liberté ! Nous sommes libres. – N’oublions pas que notre devoir, c’est d’être libres. Allons moins vite, nous arriverions à l’heure. La liberté, c’est de ne jamais arriver à l’heure – jamais, jamais ! pour nos exercices de liberté. Désobéissons avec ensemble… Non ! pas ensemble : une, deux, trois ! le premier à un, le deuxième à deux, le troisième à trois. Voilà toute la différence. Inventons chacun un temps différent, quoique ce soit bien fatigant. Désobéissons individuellement – au caporal des hommes libres !
LE CAPORAL. – Rassemblement ! (Ils se dispersent.) Vous, l’homme libre numéro trois, vous me ferez deux jours de salle de police, pour vous être mis, avec le numéro deux, en rang. La théorie dit : Soyez libres ! – Exercices individuels de désobéissance… L’indiscipline aveugle et de tous les instants fait la force principale des hommes libres. – Portez… arme !
LES TROIS HOMMES LIBRES. – Parlons sur les rangs. – Désobéissons. – Le premier à un, le deuxième à deux, le troisième à trois. – Une, deux, trois !
LE CAPORAL. – Au temps ! Numéro un, vous deviez poser l’arme à terre ; numéro deux, la lever la crosse en l’air ; numéro trois, la jeter six pas derrière et tâcher de prendre ensuite une attitude libertaire. Rompez vos rangs ! Une, deux ! une, deux ! (Ils se rassemblent et sortent en évitant de marcher au pas.)