– Le peuple croate, disait Ante Pavelic, veut être gouverné avec bonté et avec justice.
Tandis qu’il parlait, j’observais un panier d’osier posé sur le bureau, à la droite du Poglawnik. Le couvercle était soulevé : on voyait que le panier était plein de fruits de mer. Tout au moins c’est ce qu’il me sembla : on eût dit des huîtres, mais retirées de leurs coquilles, comme on en voit parfois exposées sur des grands plateaux, dans les vitrines de Fortnum and Mason, à Piccadilly, à Londres. Casertano me regarda et me cligna de l’œil :
– Ça te dirait quelque chose, hein, une belle soupe d’huîtres ?
– Ce sont les huîtres de Dalmatie ? demandai-je.
Ante Pavelic souleva le couvercle du panier, et me montrant ces fruits de mer, cette masse d’huîtres gluante et gélatineuse, il me dit avec un sourire, son bon sourire las :
– C’est un cadeau de mes fidèles oustachis : ce sont vingt kilos d’yeux humains.
Malaparte, Kaputt