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La dernière digue

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Crédits photographiques : Benoît  Stitchelbaut

 

 

 

Egarée dans ses propres rêves, elle se sentait aspirée à l’envers de sa vie confortable et normée, saisie de désirs impérieux et charnels qu’elle s’interdirait toujours de réaliser – condition même pour qu’elle se les pût offrir si consciemment – et qu’elle laissait vagabonder à loisir. Le vendredi, jour de la passion et du poisson pané, elle se faisait contractuellement sauter en pensant à tel autre qu’elle n’avait jamais vu et, après tout, c’était bien suffisant. Elle était en réalité dévouée à l’éducation de ses enfants, auxquels elle transmettait selon leur sexe, et bien plus sûrement que tout ce à quoi positivement elle s’échinait, la recherche en la femme de cette résignation consentie, ou son imitation. Et de toute façon, c’était ça ou bien, les mêmes causes ayant mêmes effets, la destruction de tout ce qu’elle avait admiré chez ses propres parents, dont le couple jusqu’à la mort avait enduré toutes épreuves. Elle opposait en somme à ses désirs de plus en plus terribles son propre sacrifice sur l’autel d’un patriotisme familial quelque peu désuet, certes, dans lequel elle voyait toutefois une résistance à la dissolution des mœurs d’une société civilisée ; dans ses moments les plus lucides, elle admettait pourtant qu’elle n’endiguerait plus bien longtemps, que tout, bientôt, serait rompu, et peut-être, au fond, le souhaitait-elle à sa fille ; mais ainsi, d’une façon qu’elle eût presque pu dire chevaleresque, abandonnait-elle encore à son mari les réalités concrètes de la vie adultère.

 

 

 

 

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