Sur notre autoroute, les cadavres servent de bornes kilométriques ; ainsi, ils servent encore et personne ne les voit. Tous les dix kilomètres, il y a un fœtus éclaté. Celui-là, au moins…
Ce qui serait vraiment criminel, c’est de les laisser traîner. C’est ce que j’ai dit en reprenant une bière tiédasse. Celui-là, au moins, n’a pas su qu’il souffrait. C’est quand même bon, de rire. Ma collègue a rigolé aussi.
Regarde comment il est mort, celui-là : il marchait, la voiture l’a fauché volontairement, les gars sont descendus, puis ils l’ont un peu éventré, ils l’ont castré et lui ont fait manger ses couilles. Durée : quatre minutes vingt. Il a mis des heures à crever, ensuite.
Ouais, c’est un peu ennuyeux, à force. La bagnole, les coups, le bouffage de couilles, c’est bien ; mais l’agonie dure trop vraiment longtemps. On s’emmerde. On la coupera au montage. Vous conduisez dans un état proche de l’hypnose.
Ou on garde une image pour une minute. Les neuf heures d’agonie sans intérêt en accéléré, soit vingt-deux secondes et quelques de film. Comme l’éclosion d’une fleur. L’écran me fatiguait les yeux.
J’ai ouvert la bière, c’était vraiment une bonne soirée. Je ne suis pas rentré trop tard, j’avais envie de baiser.