S’asseoir enfin. Regarder la page blanche verticale, virtuelle. Les possibilités sont infinies. Griller une cigarette en flânant. Ne pas bannir la fatigue. Laisser défiler les histoires et n’en choisir aucune. Hésiter, pour la musique, entre Battle Hymn of the Republic et sainte Hildegard von Bingen. Finalement demeurer en silence. Après tout, si Dieu est une idée, elle aussi doit être salopée. Comme tout le reste. Et elle l’est, elle l’est. Griller une autre cigarette. La finir. Se mettre à genoux. Remercier. Ne pas écouter la voix qui dit de foutre ces lignes dans la poubelle numérique. Quoiqu’elles ne méritent assurément rien d’autre. Les possibilités sont infinies, peut-être. Mais moi, je suis un nain. Je pense à la journée finie. Aux paroles insensées. Aux choses que j’ai vendues. Je ne pense à rien. J’évacue. Le Battle Hymn a gagné : il se siffle. Pour ainsi dire malgré moi. Ce que nous maîtrisons de nous-même est dérisoire. Même seul, je ne me tiens pas. Cette après-midi, les paroles, les blagues, ont fusé. Des réflexes. Les mots cinglent, un vide les reçoit. Petites mimétiques accumulées. Ouvrir une bouteille de vin, prendre un verre. L’horloge marque zéro heure zéro minute. Demain. Les anecdotes se pressent encore. Les raconter ? Non. Ou plus tard. Tourner ses pouces devant le clavier. Vingt minutes, à présent, que je note ça. Cherchant le repos, et ne le trouvant guère. La page blanche est un cliché ; allons, elle n’est plus blanche. Pourquoi t’infliges-tu ces notations idiotes ? Comme ça. Pour ne penser à rien. Pour effacer, autant que se peut, tout le reste, le fatras du jour. Et la colère. La bêtise me sort par les yeux. Au premier chef la mienne. Je sens mes yeux fatiguer, le corps lourd, que la position assise ne délasse pas. Le silence lave. Il toilettera ton cadavre. Je regarde les fleurs dans le vase. Dormir, maintenant. Finis ton verre, connard.